La pureté dangereuse

Proche-Orient : mensonges, désastre et cynisme

Les attentats manqués de Londres et Glasgow confirment, et non révèlent, la mue accomplie par le réseau al-Qaïda. La géographie des actions a changé, le mode de recrutement a été modifié ainsi que le mécanisme décisionnel. Et ce, afin de capitaliser au maximum sur la guerre en Irak.
De la panoplie de chiffres publiés en Grande-Bretagne depuis une semaine, un mérite une attention particulière tant il met en relief le haut degré de fanatisme qui caractérise plus que jamais la nébuleuse al-Qaïda. Qu'on y pense: 37 % des musulmans britanniques âgés de 17 à 24 ans aimeraient vivre sous le régime de la charia plutôt que sous la loi britannique. Non seulement ça, ils souhaiteraient que le berceau de l'habeas corpus, de la Common Law et du Bill of Rights de 1689 soit transformé en un califat.
Cette adhésion tout de même imposante même si elle n'est pas partagée par 51 % des musulmans est la conséquence du remaniement imprimé sur le «corpus idéologique» par la direction d'al-Qaïda ainsi que de la refonte stratégique. Le corpus idéologique? Au cours des deux années qui ont suivi les attentats du 11 septembre, Ben Laden et ses proches ont accordé priorité à leur propre sécurité avant de s'atteler à une réactualisation écrite de leur ambition mortifère.
Résultat, au cours du dernier trimestre 2004 un pavé de 1600 pages intitulé The Call for a Global Islamic Resistance fut relayé par plus de mille sites sur Internet. Composé par un Syrien très proche de Ben Laden pour avoir combattu à ses côtés en Afghanistan, dans les années 80, ce texte dévoilait la thèse centrale du «nouveau» al-Qaïda, soit que celle-ci serait moins une organisation qu'un ordre, une secte vouée au soutien idéologique alloué à des cellules disséminées partout dans le monde et pratiquement libres de concevoir et réaliser les basses besognes.
Dans la foulée de cette publication, les recruteurs du groupe se sont employés à fanatiser des jeunes avec une emphase plus marquée qu'antérieurement au 11 septembre par l'intermédiaire de la toile Internet. Selon un expert cité dans la dernière livraison de Foreign Affairs, le nombre de sites faisant la promotion du djihad, de la guerre sainte contre tous les «croisés» et tous les «sionistes», est égal à... 4500! La mise en place de cette infrastructure s'est accompagnée, depuis 2005, par la multiplication par quatre de cassettes vidéos faisant évidemment l'apologie du martyr et du devoir qu'incombe à chaque musulman de tuer les infidèles. Bref, en matière de conversion à la guerre sainte l'Internet et toute la quincaillerie technologique ont remplacé la mosquée et les écoles coraniques. Et maintenant la refonte stratégique.
Tout d'abord, il faut noter que le renforcement aux États-Unis des règles et lois afférentes à l'entrée sur le territoire de ce pays a convaincu le réseau terroriste de faire de la Grande-Bretagne le centre de gravité de son offensive en Occident. D'autant que ce pays présente un avantage énorme. Lequel? 400 000 Pakistanais travaillant à Londres ou à Manchester s'envolent chaque année pour Islamabad. Ces allers-retours facilitent les contacts entre bonzes d'al-Qaïda que l'on dit cachés au Waziristan, province située dans le nord, et fous de Dieu domiciliés sur les bords de la Tamise qui, après coup, transmettent messages et autres aux correspondants vivant sur le continent.
Ensuite? Ils ont profité au maximum, et continuent de profiter, de la divine surprise que le duo Bush-Blair leur a offerte sur un plateau d'argent: la guerre en Irak. Dans un long texte titré Al-Qaeda Strikes Back que publie Foreign Affairs, Bruce Riedel, senior fellow au Saban Center for Middle East Policy et ex-vétéran de la CIA, explique que l'assaut contre l'Irak, au moment même où Ben Laden et consorts craignaient un étouffement par les forces américaines, leur a été tout bénéfice.
Car, tout naturellement, l'assaut contre Bagdad a favorisé une déviation des objectifs fixés au lendemain du 11 septembre par l'administration Bush. Mieux, cet assaut s'est avéré «le meilleur sergent recruteur d'al-Qaïda», pour reprendre les mots d'un général américain. En effet, les militaires étrangers présents en Irak ont constaté que des centaines de jeunes musulmans venus de Jordanie, d'Égypte, d'Algérie et autres nations arabes se sont introduits en Irak. Ils s'y sont formés à la manipulation d'armes, produits chimiques, fabrication de bombes, etc. C'était le cas d'un des cerveaux arrêtés il y a quelques jours en Angleterre. À l'instar de ses complices, il était médecin. Autrement dit, son fanatisme religieux se confondait avec le totalitarisme hygiéniste. Effarant!


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