Le vrai centre du monde

Proche-Orient : mensonges, désastre et cynisme

Où est le centre du monde en 2007? Non, pas le centre culturel, économique ou financier... avec, comme candidates naturelles, des villes telles Londres ou New York, voire Paris, Pékin ou Shanghai.
Non, disons plutôt... sur le plan géopolitique: où se trouve, sur Terre, le lieu traversé par les lignes de faille les plus susceptibles d'affecter notre sécurité, nos valeurs, le type d'équilibre (ou de déséquilibre) dans lequel nous vivrons? L'endroit qui pourrait décider, demain, de la guerre et de la paix dans le monde?
Avant la chute du mur de Berlin, on pouvait raisonnablement répondre: en Europe, sur la ligne qui séparait l'OTAN du Pacte de Varsovie. Autre choix plausible, encore récemment: Jérusalem ou la Cisjordanie, avec cet interminable guerre locale qui -- d'une certaine manière -- expliquait ou sous-tendait une myriade d'autres conflits. Mais ça, c'est beaucoup moins vrai en 2007.
Pour le titre de «centre géopolitique du monde», je soumets une hypothèse: le Pakistan.
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Le Pakistan («pays des Purs» en ourdou) est né en 1947 de la séparation d'avec l'Inde coloniale. Ce nouveau pays, contrepartie de l'autre, devint une sorte d'«Inde musulmane», un État à base démocratique, mais dont le leader actuel est un dictateur militaire. Pays à la stabilité incertaine qui a connu sa part de guerres, de coups d'État et de très violentes contestations internes.
Deux mots clés ici: «militaire» et «musulman».
En 2007, le Pakistan est un foyer fondamentaliste mondial, un État aux alliances suspectes et contradictoires... officiellement -- on dit bien: officiellement -- allié à l'Occident dans sa «guerre au terrorisme». Sixième pays du monde par sa population, c'est la seule puissance nucléaire qui soit tenue par des militaires.
Sur cette base, il est tentant -- et peut-être justifié -- de dessiner une carte de l'Asie sur laquelle ce pays se trouverait en plein milieu, au carrefour de toutes les contradictions de 2007, sorte de Ground Zero de la géopolitique mondiale.
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Voici donc une carte de la région: zoom central sur le Pakistan, puis prenons un peu de recul... Au nord, apparaissent les ex-Républiques soviétiques d'Asie centrale. En haut à droite: la Chine. En bas à droite: l'Inde, rival nucléaire, ex-ennemi avec qui la trêve semble tenir... pour l'instant. En bas à gauche: le couple infernal Iran-Irak, cauchemar des États-Unis, poudrière d'aujourd'hui et de demain. Et en haut à gauche, sur le front ouest: l'Afghanistan. L'Afghanistan où, dans les montagnes frontalières du Pakistan -- les fameuses «zones tribales» --, se joue peut-être l'avenir du terrorisme mondial.
Depuis quelques mois, les foyers de tensions s'accumulent au «pays des Purs». Et l'obsession de la pureté reste jusqu'à aujourd'hui un puissant moteur de l'activisme islamique pakistanais. Dans la dernière semaine seulement, on a compté: un attentat raté contre le président (démenti par les autorités), au moins deux attentats à la bombe qui ont tué des innocents... et depuis quelques jours, une inquiétante montée de la tension à Islamabad -- la capitale moderne et artificielle -- autour d'un gigantesque complexe entouré de murs d'enceinte, nommé Mosquée rouge: un centre mondial du fondamentalisme en 2007.
Dans ce pays où les écoles coraniques (les fameuses «madrassas») ont directement inspiré les talibans d'Afghanistan dans les années 1980 et 1990, et où elles connaissent une croissance fantastique depuis lors, on peut retracer directement l'origine des attentats de 2005 en Grande-Bretagne, et indirectement de ceux de 2001 aux États-Unis.
Mais le Pakistan, ce n'est pas que le «Centre du mal» fondamentaliste. C'est aussi le lieu d'un théâtre d'ombres et de faux-semblants où même les «locaux» les plus attentifs, et les meilleurs spécialistes, ont du mal à distinguer qui est qui, qui fait quoi, qui est contre qui...
Un jour, le pouvoir du président Musharraf semble résolument en lutte contre les fondamentalistes des mosquées et ceux actifs dans les zones tribales -- et donc un digne «allié de l'Occident». Mais le lendemain, on a soudain l'impression qu'il ménage ces mêmes fondamentalistes, ou qu'il trafique avec eux, pour entretenir une tension mobilisatrice au sein de son armée, ménager la tendance pro-taliban des services secrets (parce que, oui, il existe une telle tendance). Ou encore pour combattre les juges libéraux en révolte ouverte contre sa dictature.
Car au Pakistan, il y a aussi, très minoritaire mais agissante, une société laïque et moderne, entre juristes et journalistes libéraux à l'occidentale, qui tente difficilement de surnager dans la déferlante islamiste.
Devant ce tableau confus et inquiétant, on se rassure comme on peut: par exemple en constatant que les islamistes violents ne parlent pas d'une seule voix. Car au Pakistan, à l'intérieur même de cette complexe mouvance, tensions, querelles d'écoles, tendances rivales et renversements d'alliances sont monnaie courante.
Tiens, ce mois-ci, par exemple, Le Monde diplomatique titre en manchette: «Al-Qaïda contre les talibans»... Comment, mais ils n'étaient pas censés être amis, ceux-là ?
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François Brousseau est chroniqueur et affectateur responsable de l'information internationale à la radio de Radio-Canada.
francobrousso@hotmail.com

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