CHRONIQUE

Indépendantismes

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Aux couleurs de la Catalogne, «le sang sur le sable chaud»






Seuls et sans appuis européens dans leur périlleux et dramatique face-à-face avec Madrid, les leaders indépendantistes catalans ne reculent pas.


 

À deux semaines de la date fatidique du 1er octobre, une question se pose désormais : la pluie d’actions en justice et d’interventions policières pour saisir bulletins et urnes, pour empêcher le vote de se dérouler, pour menacer d’arrestation les plus hautes figures politiques catalanes… cette « main lourde » de Madrid va-t-elle galvaniser les nationalistes catalans ? Ou au contraire, va-t-elle les faire reculer ?


 

L’inflexible stratégie de blocage et d’intimidation, pratiquée par Madrid depuis 2010, a historiquement provoqué le bond spectaculaire de l’indépendantisme, de la marginalité à la quasi-majorité. La mobilisation nationaliste demeure très élevée ; on l’a vu lundi dernier lorsque ont défilé au moins 500 000 personnes dans les rues de Barcelone.


 

Mais cette galvanisation trouve peut-être aujourd’hui sa limite : devant le « Mur » en béton armé érigé par Madrid, certains se disent aujourd’hui : « Nous connaissons nos Espagnols ; ces gens-là peuvent devenir violents. On ne va quand même pas aller jusqu’à l’affrontement physique. »


 

Peur, lassitude, mais aussi stupéfaction devant l’intransigeance dogmatique du camp adverse : tout cela pourrait faire baisser la mobilisation aux urnes, avec une abstention importante, susceptible d’affaiblir considérablement l’effet d’un éventuel vote « oui ».


 

On a pu voir, dans les sondages des derniers mois, un certain tassement, tout autant dans l’appui à l’indépendance (qui a glissé sous les 50 %) que dans l’appui au dret a decidir (droit à l’autodétermination et à l’organisation d’un référendum décisionnel). Ce dernier était monté jusqu’à 85 %, pour fléchir aujourd’hui dans les 70-75 %… ce qui reste au demeurant considérable, dans un contexte aussi menaçant.


 

Les gouvernements d’Europe et du monde laissent aujourd’hui, non sans lâcheté, les Catalans se faire frire par des Espagnols inflexibles, voire cruels — un peuple qui, s’agissant des corridas, aime traditionnellement le sang sur le sable chaud…


 

Mais on peut noter que la presse internationale a été plus compréhensive pour les indépendantistes — sans pour autant appuyer leur objectif.


 

Depuis The Economist, qui titrait en novembre 2014 « Laissez-les voter », jusqu’au New York Times en juin dernier et au Monde la semaine dernière, tous ont appelé, en éditorial, au respect pragmatique du dret a decidir pour les Catalans. Mais il en faudrait bien davantage pour faire évoluer los hombres qui dirigent à Madrid…




 

L’exemple de l’Écosse, où la question de l’indépendance est aujourd’hui au congélateur depuis le grave recul des nationalistes écossais aux dernières élections britanniques, montre pourtant qu’il existe une autre voie.


 

C’était la position de The Economist : le pari éminemment gagnable des « pro-unité » consistant à accepter le défi indépendantiste, à faire campagne, à passer aux voix… et finalement à l’emporter.


 

Cela avait marché pour l’Écosse (55 %-45 % pour le maintien dans le Royaume-Uni en septembre 2014) ; cela aurait pu également marcher pour la Catalogne.


 

Au lieu de quoi Madrid, aveuglé par son légalisme, dévoré par sa haine des séparatistes, a préféré la rupture morale. Ce qui pourrait conférer, le 1er octobre, une victoire par défaut aux inconditionnels de l’Espagne. Une victoire à la Pyrrhus, avec un arrière-goût de cendre, qui laissera des traces dans le coeur des Catalans.




 

Dans un tout autre contexte, un débat semblable se déroule aujourd’hui au Kurdistan irakien (5 millions de personnes), où les autorités régionales, largement autonomes dans un Irak institutionnellement faible, ont appelé à un référendum sur l’indépendance, le 25 septembre.


 
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François Brousseau92 articles

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François Brousseau est chroniqueur et affectateur responsable de l'information internationale à la radio de Radio-Canada.





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