Caisse de dépôt

Rattraper 38 milliards

L'affaire de la CDPQ — le scandale

Dans deux semaines, la Caisse de dépôt et placement rendra publics ses résultats pour l'année 2008. Hier, La Presse publiait sous la mention Exclusif une information estimant les pertes à 38 milliards, soit le même montant que l'évaluation faite au début de janvier par notre collègue Gérard Bérubé. Devant ces chiffres qui ne sont toujours pas confirmés, Québec doit prendre des mesures énergiques pour corriger le tir.
On savait depuis plusieurs semaines que les pertes estimées de la Caisse de dépôt pour 2008 seraient d'au moins 30 milliards. Ce qui a changé entre l'automne et la fin de décembre, c'est qu'il a fallu ajouter des provisions plus élevées que prévu au chapitre du fameux papier commercial (PCAA). Ce qui porte la perte de la Caisse à plus de 25 % de ses actifs en 2008, la pire performance de son histoire.
Certes, il s'agit de pertes sur papier puisque la Caisse est toujours propriétaire de la majorité des titres dont la valeur a plongé. À moins d'imaginer le pire, elle a de bonnes chances de rattraper le terrain perdu sur un horizon de trois à cinq ans. Le problème, c'est que l'actif global ne croît pas pendant ce temps, et que les déposants ont besoin d'un rendement minimum prévisible pour remplir leurs obligations. Rattraper 38 milliards de pertes avant d'inscrire le premier dollar de rendement positif, ce n'est pas une mince affaire.
L'ex-président Henri-Paul Rousseau avait évalué à 7 % le rendement moyen réaliste à long terme sur lequel les déposants de la Caisse (RRQ, CSST, SAAQ, RREGOP, etc.) pouvaient tabler pour faire face à leurs obligations. À 4 % comme c'est le cas pour les 10 dernières années, y compris 2008, l'argent manque.
À la Régie des rentes, une demande d'augmentation des cotisations était déjà sur la table avant la débâcle de l'automne: aucun doute qu'elle sera appliquée, ce qui n'est pas une bonne nouvelle en temps de récession. Du côté du régime de retraite de la fonction publique, il faut aussi s'attendre à une hausse des cotisations lors de la prochaine évaluation actuarielle. Mais c'est surtout à la SAAQ et à la CSST que la hausse des primes fera le plus mal puisque ces organisations n'ont pas une comptabilité d'aussi long terme que les caisses de retraite. Avec un gouvernement majoritaire nouvellement élu, nous n'aurons pas à attendre longtemps avant de connaître l'ampleur des hausses. Le printemps sera coûteux pour les Québécois!
Devant cette dure réalité, Québec doit préciser de nouveau le mandat des dirigeants de la Caisse. Inutile de revoir la loi pour cela, comme le demande l'opposition. Ce n'est pas en exigeant de la Caisse qu'elle investisse en priorité dans l'entreprise locale qu'on réglera son problème de rendement. La Caisse doit pouvoir diversifier ses placements comme par le passé. Le fonds souverain du gouvernement de la Norvège, qui gère plus de 300 milliards des redevances pétrolières, n'investit pas une couronne à l'intérieur des frontières. Là n'est pas le problème. Le problème, c'est que la Caisse a très mal géré le risque sous Henri-Paul Rousseau en faisant confiance à des techniques de calcul à la mode qui ont failli lamentablement. La Caisse a besoin d'un patron expérimenté et compétent, cela va de soi, mais surtout de quelqu'un qui ait un excellent jugement. Et ça presse!
***
j-rsansfacon@ledevoir.ca


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé

-->