Quitter le perron de l’histoire

Alain Dubuc est tout simplement la caricature d’une caricature

Chronique de Louis Lapointe


Lundi, en fin de journée, nous apprenions que la SRC s’était excusée
préventivement auprès de Fabienne Larouche pour les propos qu’aurait tenus
Chantal Fontaine à son égard lors de l’émission «Tout le monde en parle»,
en raison du fait qu’elle avait avoué son malaise face au traitement
cavalier qu’elle aurait reçu de la part de l’équipe de production de la
série Virginie. Le monde à l’envers.
Signe des temps, les gens doivent maintenant s’excuser pour les vérités
dites en onde.
[Pierre Curzi dénonce le manque d’objectivité de Christine
St-Pierre->13017] qui n’a rien fait pour protéger la loi 101 depuis qu’elle est
ministre, il exagère.
Les conservateurs montent un stratagème pour profiter
des failles de la loi sur le financement des partis politiques fédéraux et
n’invitent que quelques journalistes pour s’expliquer et il faudrait que
ceux qui n’ont pas été invités plient l’échine et acceptent leur sort en
renonçant à chercher la vérité. Tout ce qu’ils pourront dire sera tinté de
manque d’impartialité parce qu’ils sont frustrés et revanchards.
[La Maison
Blanche utilise des experts militaires pour manipuler le message sur la
guerre en Irak->13001], nous devrions reconnaître la primauté de l’intérêt national
américain sur le droit du public à l’information.
***
C'est exactement ce que fait notre bon ami [Alain Dubuc lorsqu'il accuse
les dénonciateurs de la CBC d’avoir un madrier dans l’œil->http://www.cyberpresse.ca/article/20080420/CPOPINIONS05/804200448/6753/CPOPINIONS05] parce qu’ils
reprochent à la CBC d’avoir ignoré tous les artistes francophones lors de
sa présentation télévisuelle du Panthéon. Son raisonnement est simple,
parce qu’on invite pas les Anglais du Canada à nos shows
d’autocongratulations comme les Félix, cela devrait être une raison
suffisante pour que les Anglais du Canada nous laissent sur le perron quand
ils nous invitent chez eux.
Il justifie l’impolitesse et l’hypocrisie du réseau anglais de
Radio-Canada, la CBC, parce que nous, nous préférons être honnêtes en
n’invitant tout simplement pas les Canadiens anglais dans nos shows. Je ne
sais pas où il voit le madrier, mais sincèrement je crois qu’Alain Dubuc a
dû frapper un gros mur pour dire de pareilles inepties. Toutes les étoiles
qu’il a vues l’empêchent probablement de voir le béton qu’il y a derrière.
On n’invite pas quelqu’un quand on a l’intention manifeste d’être impoli
avec lui. Tout le monde sait ça au Québec, c’est pour ça que personne ne le
fait. Sachant ce qu’il sait aujourd’hui, Claude Dubois ne serait
probablement jamais allé se faire humilier par la CBC ; dans un geste
totalement apolitique, il n’aurait pas donné d’entrevue à la SRC pour dire
comment il appréciait le fait que les Canadiens anglais reconnaissent sa
contribution à la chanson canadienne au même titre que Paul Anka.
(à partir de 04:00)
Cela me rappelle ce sketch où Olivier Guimond incarnait le rôle d’un
soldat canadien français qui passait la soirée de la veille de Noël sur le
balcon d’une demeure cossue d’un riche Anglais de Westmount, au lendemain
des évènements d’octobre 1970. Au lieu d’être avec sa famille ce soir-là,
il mène la garde jusqu’au moment où le riche propriétaire anglais vient
prendre un petit coup avec lui avant de retourner dans son manoir avec ses
riches invités. Cette scène nous montre toute la condescendance qui peut
exister entre le conquérant et le colonisé. Pendant des années, Yvon
Deschamps a décrit le même genre de situation en nous racontant l’histoire
de ce boss anglais qui faisait plaisir à son employé canadien français en
l’invitant à tondre son gazon le dimanche parce qu’il attendait de la
visite. C’est ça l’hospitalité des coloniaux anglais, la même que la CBC.
Leur vision de la politesse à notre égard, c’est que nous nous estimions
heureux de pouvoir rester sur le perron de leurs hôtels lors de petites
fêtes qu’ils organisent entre amis où nous sommes tolérés comme valets de
service. C’est bien la moindre des choses que nous fassions preuve de
reconnaissance à leur égard en acceptant notre sort de colonisés tout en
les remerciant de nous humilier à chaque fois qu’ils en ont l’occasion,
comme ce fût le cas lors du rapatriement de la constitution en 1982, lors
des accords de Meech en 1990, lors du love-in de 1995, lors de la
reconnaissance de la Nation Québécoise qui ne veut absolument rien dire. Il
ne faudrait tout de même pas exagérer en leur reprochant, en plus, de nous
avoir laissés sur le perron de l’histoire à chacun de ces évènements qui
n’ont jamais connu les lendemains promis. Le comportement de la CBC n’est
pas teinté de colonialisme, c’est du colonialisme pur et simple, et Alain
Dubuc est tellement colonisé, qu’il ne le voit pas.
[->7587]Si on suit la logique d’Alain Dubuc, il faudrait en plus les remercier de
nous avoir encore humiliés une fois de plus parce que le tort de ne pas les
avoir invités dans nos chaumières lors de nos petites fêtes de famille nous
revient. Tout ce qui arrive est de notre faute à nous, pas à eux. Alain
Dubuc est tout simplement la caricature d’une caricature. Une caricature
des personnages d’Yvon Deschamps, un colonisé de première classe qui ne
comprend pas que notre comportement est irréprochable dans cette histoire.
Que Claude Dubois a eu raison de s’offusquer et d’en faire tout un plat et
que nous avons raison de nous en plaindre. Selon la logique de la SRC et
d’Alain Dubuc, il faudrait peut-être que Claude Dubois s’excuse de s’être
choqué tant qu’à y être.
Dubuc a exactement le réflexe du parfait colonisé. «On est chanceux qu’ils
nous aient invités… Non, ils ne nous ont pas écartés, c’est un
malencontreux oubli…Si ce n’est pas un oubli, c’est parce qu’il n’y avait
pas suffisamment de temps d’antenne, juste 44 minutes… S’ils ont coupé tous
les Québécois, c’est un hasard…Si ce n’est pas un hasard, c’est parce que
les Canadiens ne s’intéressent pas aux remerciements en français entre
Québécois, de personnes dont ils ne savent rien et dont ils ne veulent rien
savoir, c’est légitime de leur part…Au moins, ils nous ont invités, nous,
on ne les invite même pas… Si au moins on faisait comme eux, qu’on leur
parlait en anglais, qu’on était tous parfaitement bilingues pour qu’ils
nous comprennent mieux, fluant en anglais comme ils disent, et qu’en plus
on chantait tous en anglais, il n’y en aurait pas de problèmes, ils ne nous
rejetteraient pas… Dans le fond tout ce qui est arrivé au Panthéon, c’est
de notre faute. On ne veut pas se l’avouer parce qu’on a un gros madrier
qui nous empêche de voir la réalité.»
[Il a frappé un méchant mur Alain Dubuc, la réalité est bien plus simple
que ça.->13128] Sa mère et sa grand-mère pourraient le lui expliquer. On n’invite
pas quelqu’un, quand on l’intention de le laisser sur le perron, pas plus
qu’on accepte l’invitation de quelqu’un qui nous laisse toujours sur le
perron. Comme ça on n’a pas besoin de demander ou d’offrir d’excuses. On ne
veut pas savoir ce que ça veut dire la Nation québécoise, pas plus qu’on a
su ce qu’était la Société distincte. On veut juste être chez nous, libre
d’inviter qui on veut, quand on veut et d’accepter les invitations que l’on
veut. C’est ça être indépendant.
Louis Lapointe
Brossard
-- Envoi via le site Vigile.net (http://www.vigile.net/) --

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L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.





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2 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    26 avril 2008

    Je me demande à quel point Claude Dubois et nous, ne sommes pas victimes d'un stratagème canadien qui vise à investir nos tribunes de plus en plus, du moins celles qui nous restent dans ce monde de rationalisation. On remarque ce fait de plus en plus à Radio-Canada, qui fait jouer toujours plus de chansons en anglais, «ouverture» oblige, on emploie des animateurs et commentateurs anglophones bilingues, alors que l'inverse n'existe pas nécessairement. L' «ouverture» semble être toujours du même côté. Je ne suis donc pas d'accord quand on affirme que l'on n'invite pas ces gens. On les invite et on les impose également, ça dépend des événements et des tribunes. Il me semble clair que nous nous nous dirigeons vers un désinvestissement de nos canaux de communication médiatique au profit d'une présence canadienne de plus en plus forte.

  • Archives de Vigile Répondre

    22 avril 2008

    La CBC fait que ce qu'elle a toujours fait, comme le Canada-anglais d'ailleurs. Il n'est pas question d'intéresser les Canadiens-anglais à la culture francophone ou à la langue française. On la ressort quand ça se plaint un petit peu au Québec pour faire semblant, ou pour bien paraître pendant les élections.
    Denys Arcand qui a gagné un trophé de l'Academy Award pour les Invasions Barbares a eu le même traîtement dans les salles de cinéma au Canada. Le film en tout n'a récolté que 200,000$ de recettes. Les chroniqueurs culturels de CTV par exemple, n'ont même pas mentionné une seconde qu'Arcand avait gagné le prix du meilleur film étranger ! Pas un mot. Il en est ainsi. Et en plus on fait une telle chose avec l'argent des contribuables.