Quelques arpents de neige

Boisclair à Paris


Que de courbettes les politiciens québécois ont faites depuis 30 ans pour obtenir de leurs homologues français un mot, une virgule, un soupir en faveur de leur vision de l'avenir du Québec! Il est grand temps que la France n'occupe plus cette place démesurée dans nos relations internationales. Ne serait-ce que pour la préservation de notre dignité.
Une part de cette obsession française est évidemment légitime: il existe entre nos deux sociétés des liens historiques et des intérêts culturels communs qui n'ont pas d'équivalents. Cependant, compte tenu de notre réalité géographique et économique, compte tenu de l'évolution du monde aussi, il serait sain que nos élus se laissent moins impressionner par les gardes d'honneur et les palais parisiens et aillent voir ailleurs.
Notre préoccupation excessive pour la France est surtout le fait des politiciens souverainistes, convaincus qu'ils sont que la reconnaissance internationale de l'indépendance du Québec passera par la France ou ne passera pas. Les fédéralistes en ont fait une contre-obsession, épiant les moindres rapports Québec-Paris avec une méfiance paranoïaque.
Les souverainistes ont travaillé fort et bien au cours des années pour tisser des liens avec la classe politique française, faisant le pari que la France non seulement serait la première à bouger au lendemain d'une victoire du OUI mais entraînerait avec elle un grand nombre de pays, assez pour éventuellement convaincre les États-Unis de se rallier.
À moins que le vote en faveur du OUI soit très clairement majoritaire, en quel cas l'appui de la France ne serait pas vraiment nécessaire, il est loin d'être certain que ce pari soit gagné. Il y a certainement beaucoup de sympathie en France pour la cause souverainiste. Mais les leaders péquistes s'illusionnent en tenant pour acquis que ce préjugé favorable déboucherait nécessairement sur un soutien solide. La France n'a pas seulement des sentiments; elle a aussi des intérêts. Or en politique internationale, les intérêts se laissent rarement convaincre par le coeur.
La preuve en est que, malgré les bonnes intentions maintes fois répétées, les relations économiques entre le Québec et la France sont toujours restées relativement marginales. Les exportations du Québec vers la France représentent moins de 2% de nos exportations internationales. Les entreprises québécoises exportent 55 fois plus aux États-Unis qu'en France. Le Royaume-Uni, l'Allemagne et le Japon sont pour elles des marchés aussi sinon plus importants que le marché français. Combien de temps nos politiciens passent-ils à Londres, à Berlin, à Tokyo?
D'un point de vue économique, le Québec ne représente pas d'avantage pour la France que les "quelques arpents de neige" dénigrés par Voltaire, un marché marginal, à peine plus important que l'Ontario, loin derrière les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Allemagne, l'Espagne, des pays qui seraient probablement hostiles au démembrement de la fédération canadienne. La France oserait-elle se mettre tout ce monde à dos? Et si elle allait de l'avant, qui la suivrait?
L'ancien diplomate français Bernard Dorin, allié de longue date des souverainistes, les a mis en garde contre tout excès d'optimisme: "Les promesses faites, en autant qu'elles soient tenues, ne vaudraient que pour la France et de toute façon, elles ne concernaient pas les autres membres de la Communauté européenne."
Pour le Québec, la relation avec la France revêtira toujours un caractère particulier. Cependant, lorsqu'ils en font une maladie comme c'est trop souvent le cas, nos représentants nuisent aux intérêts et à l'image du Québec.
apratte@lapresse.ca

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André Pratte878 articles

  • 308 213

[une chronique intitulée « Tout est pourri » (critique de Anne-Marie Gingras) ->http://books.google.fr/books?id=EZWguAMXAtsC&pg=PA27-IA27&lpg=PA27-IA27&dq=pratte+Tout+est+pourri&source=bl&ots=MUti9NTQuH&sig=h2zgJlLgOg844j5ejxnUl4zH2_s&hl=fr&sa=X&ei=73RrT8aQEqnh0QHuh4GyBg&ved=0CEEQ6AEwBQ#v=onepage&q=pratte%20Tout%20est%20pourri&f=false]

[Semaine après semaine, ce petit monsieur nous convie à la petitesse->http://www.pierrefalardeau.com/index.php?option=com_content&task=view&id=30&Itemid=2]. Notre statut de minoritaires braillards, il le célèbre, en fait la promotion, le porte comme un étendard avec des trémolos orwelliens : « La dépendance, c’est l’indépendance ». « La soumission, c’est la liberté ». « La provincialisation, c’est la vraie souveraineté ». « La petitesse, c’est la grandeur ». Pour lui, un demi-strapontin à l’Unesco est une immense victoire pour notre peuple. C’est la seule politique étrangère qu’il arrive à imaginer pour le peuple québécois. Mais cet intellectuel colonisé type n’est pas seul. Power Corp. et Radio-Cadenas en engagent à la poche.





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