Il y a dans la visite d'André Boisclair en France la semaine dernière un mélange d'ordinaire et d'exceptionnel.
Ce qui est exceptionnel, c'est la liste des rendez-vous obtenus par un leader souverainiste totalement inconnu en France et dont les affaires ne vont pas particulièrement bien au Québec. Et qui n'est, après tout, qu'un chef d'opposition de ce qui est légalement une simple province du Canada.
La moisson a été cette fois tellement abondante qu'il est difficile de ne pas voir la main de Louise Beaudoin dans l'organisation de cette visite. « Elle n'était pas loin derrière », a reconnu André Boisclair au cours de la semaine. Peut-être a-t-elle voulu faire un cadeau d'adieu au Parti québécois, à la veille de l'annonce de son retrait de la politique québécoise.
Étant donné les relations « privilégiées » entre la France et le Québec, et la sensibilité très gaulliste de Dominique de Villepin, on pouvait s'attendre à ce que le premier ministre reçoive André Boisclair. Mais le programme aurait pu s'arrêter à peu près là, quitte à rajouter des entretiens avec un ou deux ministres techniques et de second plan. À l'époque où il était simple chef d'opposition, en 1990, Jacques Parizeau avait dû se contenter d'un programme de ce genre.
Or, la liste des personnalités qui ont reçu André Boisclair est impressionnante. Outre de Villepin, il aura rencontré le numéro 3 du gouvernement, Jean-Louis Borloo, qui ne fait pas partie a priori du « lobby québécois » et qui pourrait devenir premier ministre en cas de victoire de Sarkozy. Plus Philippe Douste-Blazy, qui est tout de même ministre des Affaires étrangères. Et, de façon plus prévisible, l'ancien premier ministre Jean-Pierre Raffarin, un familier du Québec (mais pas nécessairement souverainiste), ainsi que le ministre de l'Éducation, Gilles de Robien, lui aussi habitué du Québec.
La « gaffe » de Ségolène
Beaucoup plus inattendues - et inespérées - ont été les rencontres avec les deux candidats à la présidence. À quelques jours du début de la visite, les officiels québécois semblaient avoir fait une croix là-dessus. À juste titre. C'est finalement Nicolas Sarkozy qui aura dit oui en premier, même s'il ne fait vraiment pas partie des réseaux habituels du Québec. Ni son entourage d'ailleurs à l'exception de son conseiller le plus important, François Fillon, autre « premier ministrable » et proche de Louise Beaudoin.
Quant à Ségolène Royal, autre néophyte dans le dossier, on oubliera sa « gaffe » du mardi soir: dès le mercredi matin, elle se repliait sur la position traditionnelle, pratiquement immuable depuis 30 ans et la réception somptueuse faite par le président Giscard d'Estaing à René Lévesque au printemps de 1977. « La France accompagnera le Québec le long du chemin qu'il aura librement choisi », disait le président français, qui n'avait pourtant rien d'un gaulliste.
Mis à part quelques écarts de langage, commis de manière plutôt officieuse par des personnalités qui n'étaient alors pas au gouvernement (Chevènement, Rocard, Séguin), la France s'en est toujours tenue à cette ligne subtile et désormais banalisée. À savoir: si les Québécois se prononcent un jour en faveur de l'indépendance, la France les soutiendra, mais nous ne nous prononcerons pas à leur place. Une position qui reste tout à fait exceptionnelle dans le domaine des relations internationales: imaginons un seul instant ce qui se passerait si Paris avait le début de la moitié des mêmes égards pour les « souverainistes » catalans!
Une position française qui a tout pour combler le camp souverainiste, mais qui n'a plus bougé depuis 30 ans: « non-ingérence et non-indifférence », c'est ce que M. Boisclair est venu une fois de plus entendre la semaine dernière à Paris. Donc, rien de nouveau. À ce détail près: en 1977, la déclaration de Giscard d'Estaing était loin d'être majoritaire dans la classe politique, à gauche comme à droite. Trente ans plus tard, on pourrait dire qu'elle fait l'unanimité, en tout cas que plus personne ne s'y oppose. Et un inconnu du nom d'André Boisclair en a tout naturellement recueilli les fruits. Qui, eux, sont exceptionnels.
VISITE D'ANDRÉ BOISCLAIR EN FRANCE
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