Québec évite de se lier à Kyoto

Le gouvernement ne veut pas assumer seul les coûts d'une réduction de 6% des émissions de GES

Kyoto



Avec son plan de réduction des gaz à effet de serre à un niveau de 2 % inférieur aux émissions de 1990, le Québec a une longueur d'avance importante sur les autres provinces. On peut dès lors se demander pourquoi il évite méthodiquement de se lier formellement au protocole de Kyoto au moment où il s'en va attester de sa performance à Nairobi.
Ce n'est pas un hasard si, depuis le 15 mars dernier, le gouvernement québécois refuse de faire entériner une motion de l'Assemblée nationale qui l'obligerait juridiquement à appliquer le protocole de Kyoto sur son territoire. Il serait alors tenu de réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES) à un niveau de 6 % inférieur aux émissions historiques de 1990 - avec ou sans l'aide d'Ottawa -, alors que l'objectif de son plan de réductions est plus modeste: 2 % de moins qu'en 1990.
Selon ce qu'un haut fonctionnaire québécois a expliqué hier au Devoir, le ministre du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs, Claude Béchard, «part pour Nairobi avec un sac à dos beaucoup plus léger que si l'Assemblée nationale avait liée juridiquement le gouvernement du Québec au protocole en vertu de l'article 22.3 de la Loi sur les relations internationales».
Cette loi stipule que l'Assemblée nationale doit «approuver» les ententes internationales signées ou ratifiées par Ottawa pour qu'elles prennent effet juridiquement sur le territoire québécois dans les domaines de compétence provinciale.
Au cabinet du ministre Claude Béchard, on expliquait hier au Devoir que l'Assemblée nationale a déjà adopté quatre motions en faveur du protocole de Kyoto et, comme l'a affirmé à l'Assemblée nationale le premier ministre Jean Charest, le 1er novembre, Québec n'a pas attendu l'approbation du protocole de Kyoto pour passer à l'action.
Mais les motions sans préavis adoptées jusqu'ici n'ont pas l'effet juridique de la motion, qui a fait l'objet d'un préavis le 15 mars dernier de la part de la ministre des Relations internationales, Monique Gagnon-Tremblay. Cette motion avait précisément pour but de lier le Québec au protocole par le biais de l'article 22.3 de la loi sur les relations internationales.
Le Devoir a demandé hier à l'Opposition péquiste si elle donnerait au gouvernement son accord pour que l'Assemblée nationale adopte aujourd'hui même la motion du 15 mars, afin que le ministre Béchard puisse affirmer à Nairobi dès lundi prochain que le Québec a véritablement entériné le protocole de Kyoto sans réserve. La porte-parole en matière de relations internationales, Marie Malavoy, a vérifié hier après-midi auprès du leader de sa formation, Diane Lemieux. Non seulement la réponse de Mme Lemieux a été affirmative mais, a ajouté Mme Malavoy, le Parti québécois s'engage aussi à soutenir la motion présentée en mars par le gouvernement Charest, et il est même prêt à ramener de deux heures à 15 minutes le temps de discussion prévu à cette fin pour chambarder le moins possible l'ordre du jour parlementaire.
Quant au premier ministre Jean Charest, il a invoqué hier une série de précédents pour affirmer que le Québec sera habilité à parler lors de la conférence Nairobi sur les changements climatiques. Il a du coup contredit son ministre de l'Environnement Claude Béchard qui, en chambre, venait de déclarer qu'il n'était pas certain d'y prendre la parole et qu'il devait encore négocier sa marge de manoeuvre avec le fédéral.
M. Charest a précisé que cette pratique reposait sur plusieurs précédents qu'il a énumérés. Mais il a alors commis un «lapsus», selon le mot de son attaché de presse, lorsqu'il a affirmé que Thomas Mulcair avait eu droit de parole aux côtés de son homologue fédéral d'alors, Stéphane Dion. «Non, avec M. Dion, il n'y avait aucun partage de position, ni d'information!», devait rectifier M. Mulcair hier. C'est plutôt avec le ministre fédéral précédent, David Anderson - «un homme très généreux» - que M. Mulcair avait pu s'exprimer.
Dès l'arrivée de M. Dion à la tête d'Environnement Canada, les choses se sont gâtées, relate M. Mulcair, à qui Stéphane Dion n'a pas permis de s'exprimer devant la conférence mondiale sur le climat que présidait le ministre fédéral.
C'est ce qui avait poussé le Québec à organiser, avec le Manitoba, une rencontre parallèle avec des États fédérés et des nations non souveraines, comme la Bavière, la Catalogne et des États australiens, entre autres.


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