Colloque Born in the USA?Les médias québécois sous influence, à l'UQAM

Propagande et autocensure <i>made in USA</i>

La propagande et l'autocensure sont devenues les deux mamelles des médias américains selon John R. MacArthur, lui-même président et éditeur du Harper's Magazine.

Afghanistan et les médias : censure et propagande



«J'ai presque fait une carrière de critiquer les médias de mon pays», a déclaré d'entrée de jeu M. MacArthur, en participant hier à un colloque organisé à l'UQAM. Il a rappelé sa lutte contre la censure et la propagande au moment de la première guerre du Golfe. Cet engagement a mené à la rédaction d'un livre intitulé Second Front. «Ce que j'ai remarqué pendant cet épisode, c'est que j'ai eu très peu d'effet sur mes collègues, a-t-il poursuivi dans son excellent français. Finalement, la grande presse américaine a participé à l'exercice de propagande autour de l'affaire des armes de destruction massive [...] pour donner un prétexte au président Bush de refaire la guerre à l'Irak.»
M. MacArthur participait au colloque Born in the USA? Les médias québécois sous influence, la seconde Annuelle de l'École des médias de l'UQAM. Le penseur critique tient une chronique dans Le Devoir. Richard Hétu, un des correspondants de La Presse aux États-Unis, partageait la tribune avec l'éminent éditeur. Le colloque se poursuit aujourd'hui, notamment avec des discussions sur l'influence de la télévision américaine sur la nôtre.
Le Harper's, publié sans interruption depuis 1850, demeure le plus vieux magazine américain. Le mensuel généraliste couvre la politique, la culture et les phénomènes sociaux.
Son éditeur a rappelé qu'en septembre 2002, les dirigeants américains et britanniques ont déclaré avoir des documents de l'Agence internationale de l'énergie atomique prouvant que l'Irak était engagé dans la production d'armes nucléaires. Seulement, aucun journaliste n'a demandé à voir ces preuves, d'ailleurs inexistantes, pas même ceux du New York Times (NYT), «le journal le plus prestigieux du monde». Au contraire, ce média très respecté a relayé la propagande, comme les autres, si bien que «les propagandistes citaient les journaux alimentés par leurs propres mensonges». Le 11 octobre, le congrès autorisait Bush à agir comme bon lui semblait contre le régime irakien.
«On vient de passer par une époque vraiment horrible dans l'histoire des médias américains, a poursuivi le spectateur engagé. Si vous pensez que l'esprit de Bob Woodward et Carl Bernstein [les journalistes qui ont dénoncé le scandale du Watergate] domine, vous avez tort. La plupart des journalistes sont devenus des fonctionnaires au service du pouvoir. Je ne dis pas de l'argent. Les reportages ne s'achètent pas, ou rarement. Les reporters sont plutôt devenus des tuyaux fiables pour les puissants.»
L'autocensure rajoute à cet asservissement volontaire. Par exemple quand les reporters n'ont pas révélé l'emplacement exact des prisons secrètes de la CIA. Par exemple parce que le NYT a refusé de publier les informations sur les écoutes anticonstitutionnelles des citoyens avant l'élection de novembre 2004 sous prétexte que l'intérêt national exigeait de faire silence sur ce scandale. L'histoire juteuse est finalement parue en décembre 2005 et le journal a expliqué que l'opinion publique avait évolué. «Ce n'est pas du journalisme, c'est de la politique. [...] Si on suit les faits et les omissions, la situation s'avère très déprimante chez nous.»
Il a aussi affirmé que la Constitution américaine a été très malmenée par la présidence actuelle, de même que le quatrième pouvoir. «Je ne sais pas si l'Amérique sera capable de récupérer la foi dans la Constitution et la liberté, dans cette idée que la presse doit jouer [un rôle] comme voix du peuple et de l'intérêt général. [...] Il y a un écart considérable entre les grands bourgeois, les gens comme moi, l'élite américaine et ceux qui vont se battre et se faire mutiler en Irak.»
Finalement, M. MacArthur a avoué qu'en général ce genre de propos de prend pas aux États-Unis, où on l'ignore et lui offre peu de tribunes. «Je ne veux pas blâmer mes collègues. Certains font du travail respectable. Je rappelle que la liberté de la presse appartient surtout à ceux qui en possèdent une. Les patrons de presse sont donc responsables de ce qui s'est passé pendant cette période de propagande hors de l'ordinaire.»


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