Sus aux médias!

Citer BHL...


Dans toute guerre contemporaine, arrive fatalement un moment où la critique se tourne vers les médias qui la couvrent. Aux derniers mois du Vietnam, en 1974-1975, Washington a accusé la presse américaine d'avoir retourné l'opinion, précipitant ainsi la défaite. La guerre du Golfe de 1990-1991 s'est transformée en procès de la chaîne CNN. L'agression du 11 septembre 2001 et la guerre en Irak ont alimenté un véhément réquisitoire contre l'ensemble des médias occidentaux.



Aujourd'hui, l'embouteillage médiatique à Kandahar et la surabondance d'information sur le conflit en Afghanistan font en sorte que la presse locale est dorénavant accusée: un, de «faire le jeu» des militaires (ceux-ci étant accessoirement soupçonnés par le Globe And Mail de favoriser la télé québécoise!); et, deux, de s'adonner au «spectacle».
Dans le premier cas, c'est faux - ou alors, le «jeu» a très mal tourné: l'hostilité de l'opinion publique à l'endroit de l'opération afghane croît dans la même proportion que l'information disponible.
Dans le second cas, c'est vrai, mais en partie seulement.
Voir, à l'écran, un reporter casqué et bardé de Kevlar montrer du doigt un tas de roches en nous assurant que c'est bien là, et nulle part ailleurs, qu'est tombé la veille un obus de mortier, est en effet d'une abyssale insignifiance.
Ainsi, à vue de nez, on peut affirmer que 75% de l'information tombant des satellites ne sert qu'à alimenter la machine à mots et à images. Car le portrait global de ce conflit est déjà achevé dans ses grandes lignes. Et les zones d'ombre qui demeurent sont, à court terme, hors de portée de la presse parce que l'enquête qui serait nécessaire est impossible à mener. Le philosophe Bernard-Henri Lévy, qui a fait beaucoup de terrain, notait "l'extraordinaire minceur de la plus-value de savoir que m'apportait l'enquête elle-même () à l'échelle du stock d'informations accumulées et disponibles" (dans Les Aventures de la liberté).
Pourtant, cela doit être fait. Et ce, pour deux raisons.
D'abord, il n'est pas inutile que les gens d'ici soient bombardés d'informations sur l'Afghanistan parce que cela alimente, fut-ce de façon parfois triviale ou superficielle, un des débats les plus importants de ce début de siècle: quelle doit être l'attitude de l'Occident face aux États en faillite?
Ensuite, les médias accumulent ainsi une monstrueuse quantité de mots et d'images, dont une infime partie fera tout de même l'Histoire.
Pour s'en convaincre, on parcourra (au musée Juste pour rire, jusqu'au 30 septembre) deux expositions qui sont des produits des médias. Celle de World Press Photo, qui présente les 200 meilleurs clichés de l'année 2006, témoignant du conflit irakien ou de la violence israélo-palestinienne, des affrontements népalais ou de la misère africaine. Et celle des 60 ans de l'agence Magnum, fondée notamment par Henri Cartier-Bresson, qui est un véritable musée en images.
Du stampede médiatique de Kandahar, il restera aussi quelque chose. Seulement, il est trop tôt pour dire quoi, au juste.


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