Le couple belge

Ainsi, l'idée semble admise que la solution réside dans le... beau risque.

Belgique - des leçons à tirer...

Le 13 décembre dernier, la télévision belge (RTBF, la chaîne publique francophone) avait littéralement terrorisé le pays en annonçant en bulletin spécial le démantèlement subit de la Belgique! Il s'agissait d'une émission de politique-fiction tournée en mode «réalité» - à la manière de la célèbre émission radiophonique d'Orson Welles, La guerre des mondes, qui, en 1938, avait fait débarquer des extraterrestres en Amérique, provoquant la panique...


Seulement, par opposition aux petits bonshommes verts, la crise constitutionnelle belge existe bel et bien.
Le pays est sans gouvernement fonctionnel depuis près de 80 jours, c'est-à-dire depuis les élections législatives du 10 juin. Celui qui portait la responsabilité de former ce gouvernement, Yves Leterme (46 ans, né d'une mère flamande et d'un père wallon, défenseur d'un nationalisme flamand modéré), a finalement jeté l'éponge.
Hier avait lieu le 80e pèlerinage de l'Yser, la grande fête annuelle du nationalisme flamand, où l'on parle régulièrement de la nécessité du divorce avec la Wallonie. Plus de 4500 Flamands ont ainsi entendu l'organisateur de l'événement, Walter Baeten, lancer: «Si les francophones persistent dans un non obstiné, nous serons alors obligés de changer de cap et de fixer unilatéralement la pension alimentaire!» Le politologue Jean Faniel achève l'image en ajoutant: «Comme dans un couple qui se dispute, il est difficile de dire qui a tort et qui a raison...»
C'est donc d'un médiateur que les Belges ont aujourd'hui besoin. Un médiateur qui pourrait ultimement être le roi Albert II, précipitamment rentré de vacances il y a quatre jours.
Ce à quoi les francophones de Belgique disent non, c'est à la... séparation. Ou, plus précisément à ce qui peut apparaître comme une séparation par étapes, que revendiquent les Flamands avec une cohésion communautaire qu'on ne retrouve pas chez les Wallons.
Depuis longtemps, les néerlandophones veulent en effet diminuer considérablement les pouvoirs de l'État fédéral au profit des grandes régions; scinder le seul arrondissement électoral bilingue, qui comprend notamment Bruxelles; administrer en partie le processus d'acquisition de la citoyenneté en instituant le critère de la connaissance du néerlandais; consolider leur autonomie culturelle... le tout agrémenté des inévitables différends droite-gauche et d'un sous-texte économique clair: les Flamands, qui ne cessent de s'enrichir, estiment «subventionner» des Wallons que le déclin de l'industrie lourde, notamment, a durement touchés.
Tout cela nous apparaît étrangement familier, bien sûr.
Cependant, au coeur d'un continent engagé - fût-ce à vitesse variable - sur la voie d'une intégration toujours plus poussée, le contentieux belgo-belge inquiète énormément. «Je regrette beaucoup qu'en Europe, la Belgique soit le seul pays qui n'est pas fier de lui-même. Il faudra (qu'elle) se ressaisisse», dit par exemple le président de l'Eurogroupe, Jean-Claude Juncker.
Ainsi, l'idée semble admise (y compris en Belgique, où sept citoyens sur 10 croient néanmoins en l'avenir du pays) que la solution réside dans le... beau risque.
mroy@lapresse.ca


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