Leçons belges

Belgique - des leçons à tirer...

La Flandre et la Wallonie, blocs constitutifs de l'actuelle Belgique, sont comme deux glaciers qui évoluent, lentement mais inexorablement, dans des directions opposées. Où cette lente dérive conduira-t-elle l'État belge, alors que les Cassandre ont déjà commencé à dire que la Belgique ne sera plus là dans quelques années?
Les glaciers bougent avec une infinie lenteur. Mais dans un contexte de changement climatique accéléré, on en a vu certains se mettre soudain à évoluer -- ou à fondre -- plus vite en sept petites années de siècle nouveau... qu'au cours de tout le siècle précédent! Cette métaphore s'appliquerait-elle à la politique belge?
Force est de constater qu'en cette fin d'été 2007, il y a en Belgique comme une odeur d'accélération de l'Histoire. Le mot «séparation» n'est plus tabou dans les médias, tant wallons que flamands... même si la locomotive de la rupture -- si rupture il devait y avoir -- se trouve nettement du côté flamand.
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Plus de trois mois après les élections législatives, la Belgique reste sans gouvernement. «Premier ministre désigné» durant l'été, le démocrate-chrétien -- Flamand flamboyant et nationaliste malgré son nom francophone -- a tenté avec plus ou moins de bonne foi de former un gouvernement fédéral dans ce pays où, curieusement, l'avènement officiel du fédéralisme, au début des années 90, donna des ailes et des arguments aux partisans de la séparation.
Ce politicien controversé, qui s'est déjà moqué publiquement de l'hymne national belge, et qui a décrété les Wallons «intellectuellement handicapés» parce que trop peu nombreux à apprendre le flamand, a braqué les francophones par ses persiflages répétés.
Le roi lui a aujourd'hui retiré la responsabilité de former un gouvernement... mais le personnage est si populaire, et si représentatif de l'état d'esprit en Flandre, qu'il pourrait bientôt être rappelé.
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À ses débuts comme État moderne, en 1830, la Belgique était strictement unitaire, avec une domination -- nette et hautaine -- de la minorité francophone sur la majorité flamande. D'où cette rancoeur historique et durable, qui donne le contexte des déclarations provocatrices d'un Yves Leterme...
La seconde moitié du XXe siècle belge peut être assimilée à un long «réveil flamand», doublé d'un lent déclin wallon. Les institutions suivront tant bien que mal cette évolution. Réforme scolaire et administrative à la fin des années 50. Établissement de frontières linguistiques dans les années 60. Et puis dans les années 70 et 80, on crée officiellement les régions -- un Sud wallon, un Nord flamand, et la grosse enclave de Bruxelles en pleine Flandre. Puis les partis se scindent les uns après les autres: là où il n'y avait qu'un Parti socialiste, on en crée deux. Idem pour les libéraux, les chrétiens-démocrates...
L'instauration officielle, au début des années 90, du fédéralisme, devait -- tel un «Lac Meech» bruxellois -- apaiser les revendications flamandes. Las! Elle les accentuera plutôt, et le fédéralisme dans un État naguère unitaire... devient un moment le porte-étendard tactique des autonomistes, voire des séparatistes! Ils se disent fédéralistes? Ce sont en réalité des séparatistes cachés!
De fil en aiguille, les nationalistes flamands, en tout cas les plus radicaux, en viennent à vouloir dépouiller l'État fédéral... D'où la crise actuelle: les riches Flamands veulent toujours moins de fédéral, alors que la majorité des Wallons -- aux prises avec de dures conditions économiques -- tiennent mordicus à leur État redistributeur.
Il y a aujourd'hui des voix en Wallonie -- encore très minoritaires -- qui commencent à dire: soyons réalistes, l'issue est inévitable, alors ne laissons pas les Flamands nous dicter seuls les conditions de la scission.
Pourtant, une majorité de Belges -- les trois quarts environ -- continuent de croire malgré tout que leur pays survivra. Mais les sondages donnent maintenant plus de 40 % de Flamands en faveur de la séparation... et tous ne votent pas pour le Vlaams Belang d'extrême droite!
Les Québécois entretiennent des liens traditionnels de «fraternité francophone» avec les Wallons... Mais le paradoxe, c'est qu'en Belgique, ce sont probablement les Flamands qui ont le plus de points communs -- sociologiques et historiques -- avec le Québec: une majorité naguère dominée, une langue négligée, un lent réveil nationaliste, la tentation de l'indépendance...
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En décembre 2006, la RTBF (radiotélévision belge francophone) avait diffusé un canular qui avait alerté les médias du monde: la Belgique, annonçait sérieusement la télévision, avait été dissoute, le roi avait pris la fuite au Congo, les Flamands célébraient l'indépendance...
Quelques années plus tôt, un film du Wallon Alain Berliner (Le Mur) racontait l'histoire d'une veille de jour de l'an 2000, au cours de laquelle -- comme à Berlin en 1961 -- une ligne de démarcation était brutalement tracée, en une seule nuit, au coeur de la capitale belge.
Fictions exorcistes ou anticipations réalistes?
François Brousseau est chroniqueur d'information internationale à Radio-Canada. On peut l'entendre tous les jours à l'émission «Désautels» à la Première Chaîne, et lire ses carnets sur www.radio-canada.ca/nouvelles/carnets.
francobrousso@hotmail.com

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François Brousseau est chroniqueur et affectateur responsable de l'information internationale à la radio de Radio-Canada.





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