Jean Charest, tout le monde en convient, est un politicien exceptionnel. Il a le don de surmonter les situations les plus difficiles. Ainsi, il croit qu’il arrivera à se tirer de la crise née du conflit étudiant en se montrant inflexible. Le cas échéant, ce sera au détriment de qui ?
Dès le début, le premier ministre a choisi de se tenir loin de ce conflit. Il a laissé ses ministres aller sur la ligne de feu où est tombée pour lui Line Beauchamp. Ce n’est que ce mardi, 16 semaines plus tard, qu’il a bien voulu intervenir directement et s’asseoir avec les étudiants.
Cette distance voulue par Jean Charest laisse croire à raison à un désintérêt de sa part. Préoccupé par une échéance électorale qui approche, son Plan Nord lui apparaissait bien plus important. Depuis déjà plusieurs mois, il est dans les faits devenu davantage chef du Parti libéral que premier ministre. Or, pour régler cette crise, c’est d’un premier ministre que le Québec a besoin. Celui-ci était absent.
Distrait par la politique partisane, Jean Charest n’a pu prendre la vraie mesure de ce conflit qu’il a laissé se transformer en crise sociale. Il n’a pas pris les étudiants au sérieux. Cette mauvaise appréciation l’a par exemple amené à crier victoire trop tôt après l’entente du 5 mai, contribuant ainsi à son rejet par les associations étudiantes. Et quand il a fallu décréter la suspension des sessions d’étude, le chef de parti qu’il est aura sans doute incité le premier ministre à tirer politiquement profit de la situation avec une loi spéciale d’une rare sévérité.
Cette semaine encore, c’est sans doute le chef de parti plus que le premier ministre qui a décidé de la rupture des négociations. Il y avait pourtant sur la table des pistes de solution qui auraient été à coût nul pour le gouvernement et auraient amené les étudiants à accepter l’idée même d’une augmentation des droits de scolarité. Mais non, même si c’était gagnant pour le gouvernement, Jean Charest ne voulait pas laisser croire qu’il cédait à la rue.
Le premier ministre a-t-il cherché à utiliser cette crise à des fins électorales ? Il s’en défend, bien sûr, et on peut accepter qu’il n’ait pas souhaité le chaos social pour en tirer les marrons électoralement. Mais la conjoncture politique partisane qui prévaut actuellement au Québec, alors que se dessine une lutte électorale à trois où tout se jouera à la marge, l’incite sans doute à revêtir plus souvent qu’il ne le devrait son habit de chef de parti. Cela peut se comprendre si on met des lunettes partisanes, mais le bien commun ne s’en trouve pas bien servi. Au contraire, cela aura fait en sorte qu’il a été un mauvais premier ministre durant cette crise à laquelle il n’a pas consacré toutes les énergies qu’elle demandait.
Des élections auront lieu d’ici 18 mois. Elles doivent se tenir le plus tôt possible, dès septembre. Entre-temps, Jean Charest doit redevenir avant tout premier ministre et se consacrer à dénouer ce conflit rapidement, car il y a urgence. L’économie montréalaise en souffre, mais encore plus nos établissements d’enseignement, qui sont aujourd’hui déstabilisés. Alors que la hausse des droits de scolarité visait à les soutenir financièrement, l’impasse actuelle leur fait plus de tort que le bien recherché.
Une ultime négociation est incontournable. Il faut que les parties soient ouvertes au compromis, ce qui vaut tout autant pour les associations étudiantes que pour le gouvernement. Si nécessaire, elles doivent se faire aider. Accepter une forme de médiation pour faciliter le dialogue ne serait en rien déshonorant pour personne s’il s’agit de trouver le juste compromis.
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Alors que la hausse des droits de scolarité visait à les soutenir financièrement, l’impasse actuelle leur fait plus de tort que le bien recherché.
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