PQ : distinguer débat d'idées et leadership

Pauline Marois - entre urgence et prudence

Décidément, la panique semble gagner le Parti Québécois suite aux propos récents de la députée Lisette Lapointe et des anciens premiers ministres Landry et Parizeau sur la promotion de la souveraineté.
Ce qui est malheureux, c’est qu’on ne distingue pas les débats d’idées et la question du leadership.
Ce qui est remis en cause ici, ce n’est pas le leadership de Pauline Marois mais la volonté (ou la capacité) du Parti de mettre de l’avant une stratégie davantage proactive au niveau de la promotion de la souveraineté et de la préparation d’un éventuel référendum.
À son retour en 2007, Pauline Marois a remisé dans un tiroir les tiraillements légendaires du PQ sur le fameux « comment », c’est-à-dire la démarche référendaire et surtout l’échéancier. Elle avait raison de le faire. Trop souvent s’est-on attarder sur le « comment » plutôt que le « pourquoi », les raisons fondamentales de faire du Québec un pays. Mais il fallait, en contrepartie, que le parti présente une stratégie étoffée de promotion du projet indépendantiste de façon à convaincre les Québécois de sa pertinence. Après plus de 10 ans d’inactivité en cette matière, on était en droit de s’attendre à des idées concrètes dans la proposition principale de l’exécutif national. Or, il n’en est rien.
Sous l’étiquette de « gouvernement souverainiste » et de « plan pour un Québec souverain », c’est un Parti Québécois autonomiste qui briguera les suffrages lors du prochain scrutin, se contentant de réclamer des pouvoirs supplémentaires à Ottawa et de recourir aux tribunaux pour les obtenir le cas échéant. Il n’y a aucune mesure d’annoncée pour faire la promotion de l’objectif fondamental du Parti, ce qui est tout de même inquiétant.
À ce titre, on ne peut nier que les discours du Bloc Québécois et du Parti Québécois divergent sensiblement. D’un côté, nous avons Gilles Duceppe qui fait le tour du monde en parlant de l’imminence de la souveraineté et de l’autre côté, nous avons la prétendante à la fonction de première ministre qui parle plutôt d’aller chercher des pouvoirs pour le Québec. Il est donc normal que les efforts déployés par le chef du Bloc trouvent grâce auprès de celui qui a toujours affiché la plus grande constance au niveau de l’idée souverainiste, Jacques Parizeau. Et il est aussi normal que Monsieur Parizeau s’interroge sur la volonté réelle du Parti Québécois de préparer un futur référendum. Avec raison, M. Parizeau clame qu’un tel exercice nécessite une préparation méticuleuse, lui qui y a consacré quatre ans avant de déclencher le référendum de 1995.
En aucun temps, Monsieur Parizeau ne remet en question le leadership de Pauline Marois. D’une constance et d’une cohérence implacables, Monsieur Parizeau est fidèle à lui-même. Il s’attarde sur les idées, non sur les personnes. Celles et ceux qui l’accusent de torpiller la chef et de faire preuve de misogynie, comme Lise Payette qui déraille complètement, peuvent aller se rasseoir. Parizeau n’a d’autre intérêt et ambition que ceux qu’il caresse pour le Québec.
Pour ce qui est de Bernard Landry, ses motifs sont moins évidents. On lui prête, avec raison, des regrets d’avoir démissionné sur un coup de tête en 2005 et aussi l’intention de revenir si l’occasion se présentait. De plus, on connaît la rivalité viscérale entre M. Landry et Mme Marois. On ne peut douter toutefois de la sincérité des convictions de M. Landry, bien qu’il n’ait pas été très actif dans la promotion de la souveraineté quand il exerçait le pouvoir. Comme son prédécesseur, il a cédé au goût du pouvoir et à la gouvernance du Québec comme province.
Ce que doit comprendre Pauline Marois en bout de ligne, c’est qu’elle devra ajouter du contenu à l’article 1 de la proposition principale, sans quoi il lui sera difficile de faire accepter l’absence d’échéancier ou d’horizon pour un prochain référendum.
Et que ce que doivent comprendre les militants, c’est que le Parti Québécois, alors que le gouvernement libéral est au plancher et que la droite s’organise et menace de puiser dans ses rangs, doit faire l’économie d’une crise interne et/ou d’une remise en question du leadership de sa chef.
Pauline Marois connaît très bien les rouages de l’État. Elle a occupé des ministères importants dans le passé et son bilan est somme toute assez remarquable. Il ne faut pas oublier non plus que Jacques Parizeau, dans une entrevue exclusive accordée à Stéphan Bureau, la journée du référendum, avait désigné Pauline Marois comme successeure éventuelle, plutôt que le populaire Lucien Bouchard. Nul doute que Mme Marois sera une bonne première ministre pour le Québec. Mais comme chef d’une formation souverainiste, elle a un double défi : concilier la gouvernance de l’État québécois - avec tout ce que cela comporte comme exigences - et l’objectif souverainiste du Parti qui devra être aussi l’un des objectifs du gouvernement qu’elle dirigera.
Une crise de leadership ne pourra que servir Jean Charest et un François Legault, s’il se décide à fonder son parti de droite. Et quatre ans de plus dans l’opposition suffiront au PQ pour se disloquer pour de bon.
Pauline Marois doit jouer d’audace, autant dans la promotion de la souveraineté que dans la refonte de l’État québécois. Il y a moyen de mettre à jour le modèle social-démocrate, comme plusieurs États européens l’ont fait auparavant. À la droite conservatrice incarnée par un Legault ou un Jeff Fillion (!!), il faut opposer des idées neuves pour rendre l’État moins lourd et plus efficace, tout en préservant ses obligations d’assurer la justice sociale et les services essentiels. Mais il faut parvenir à ramener l’urgence de l’indépendance au rang des soi-disant « vraies affaires » car faire un pays est tout sauf une mince affaire.
Yannick Proulx


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