Dépassée la souveraineté?

Référendum du 20 mai 1980 - 30 ans plus tard

Trente ans après le référendum de 1980, certains fédéralistes pressés d'en finir avec cette grande idée nationale, se demandent ouvertement si la souveraineté est dépassée.
Au contraire, le projet est plus pertinent que jamais. L’ennui, c’est que les Québécois semblent associer l’indépendance politique à leurs frustrations envers les politiciens. En ce moment, il serait hasardeux et malvenu de leur demander de confier à nos gouvernants le mandat de fonder un nouveau pays, considérant l’actuelle crise de confiance qui sévit à la grandeur du Québec.
Le deuxième problème est que les Québécois croient encore que le fédéralisme canadien est réformable à leur satisfaction, le récent sondage publié par le Bloc Québécois en est la preuve. Pourtant, les signes de la totale fermeture du Canada anglais ne manquent pas. Les Canadiens anglais font de l’urticaire juste à penser que le Québec pourrait avoir un statut particulier au sein de la fédération canadienne. Le gouvernement conservateur a réussi à faire adopter sa motion de reconnaissance de la nation québécoise pour la seule et unique raison qu’elle n’a aucune portée juridique. Les Québécois espèrent encore une réforme qui ne viendra probablement jamais. Tant qu’ils ne seront pas persuadés que toute tentative constitutionnelle est vouée à l’échec, la souveraineté restera un pis-aller, une solution de dernier recours. Les souverainistes doivent donc convaincre leurs compatriotes de l’impossibilité que la fédération canadienne se renouvelle dans le sens des revendications du Québec.
L’autre problème, et il est majeur, est le confort dans lequel semblent installés les Québécois, notamment les nouvelles générations. Les grands combats de nos parents pour la reconnaissance et le droit d’être servis en français sont loin derrière nous et notre sécurité culturelle est prise pour acquis. Cependant, il est clair que le français est en recul à Montréal et que l’anglais gagne du terrain dans l’esprit des Québécois. En dépit de cette réalité, ces derniers ne ressentent plus l’urgence qui caractérisait les années 1960 et 1970. Or, le projet d’indépendance prend ses racines dans cette insécurité culturelle que devraient normalement ressentir au premier chef les francophones du Québec. En l’absence d’une telle urgence, je vois mal comment les souverainistes pourront convaincre l’ensemble de la collectivité du bien-fondé du projet d’indépendance.
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Pourtant, les motifs de créer le pays du Québec ne manquent pas. En plus des motivations culturelles et linguistiques, ajoutons les impératifs économiques de posséder tous ses moyens de développement et la nécessité d’éliminer tous ces chevauchements avec un gouvernement central qui ne cesse d’empiéter dans nos champs de compétence. La constitution actuelle, adoptée contre notre gré, la Charte des droits et libertés et la Cour suprême sont autant d’obstacles à l’expression de nos valeurs sociétales. Ces institutions fédérales briment notre Assemblée nationale dans l’application des lois qui régissent notre vie collective. Sans oublier cette banalisation du fait québécois qui se confirme dans la volonté des députés du reste du Canada de réduire le poids politique du Québec à la Chambre des Communes, siège de la démocratie canadienne.
Il est désormais confirmé, sondages à l’appui, qu’une nette majorité de Québécois estiment que leur État possède tout le potentiel voulu pour se démarquer au concert des nations souveraines de ce monde. Si la capacité du Québec de prospérer parmi d’autres pays ne fait plus de doutes, c’est la pertinence de ce projet qu’il faut encore démontrer et c’est dans cette bataille que doivent s’engager sans plus tarder les souverainistes.
Trente ans après le premier référendum (et bientôt quinze ans après celui de 1995) et vingt ans après l’échec de l’accord du Lac Meech, il y a encore lieu de se questionner sur la place du Québec à l’intérieur de l’ensemble fédératif canadien. Après trente ans de promesses non-tenues, de multiples désillusions et de temps perdu avec des chicanes fédérales-provinciales stériles, la possibilité que le Canada soit un jour réformé selon les vœux légitimes du Québec est désormais un leurre, une vue de l’esprit, un autre espoir déchu. Reste maintenant une seule option, une seule solution : devenir totalement maîtres chez nous.


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2 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    23 mai 2010

    Monsieur Proulx
    Vous écrivez : “[…] Au contraire, le projet est plus pertinent que jamais. L’ennui, c’est que les Québécois semblent associer l’indépendance politique à leurs frustrations envers les politiciens. En ce moment, il serait hasardeux et malvenu de leur demander de confier à nos gouvernants le mandat de fonder un nouveau pays, considérant l’actuelle crise de confiance qui sévit à la grandeur du Québec.
    […] Après trente ans de promesses non-tenues, de multiples désillusions et de temps perdu avec des chicanes fédérales-provinciales stériles, la possibilité que le Canada soit un jour réformé selon les vœux légitimes du Québec est désormais un leurre, une vue de l’esprit, un autre espoir déchu. Reste maintenant une seule option, une seule solution : devenir totalement maîtres chez nous
    .”

    Voilà exactement ce à quoi répond l’Appel citoyen que nous avons lancé ce jeudi 20 mai, ici-même sur Vigile.
    J’invite mes concitoyens que cet Appel rejoint à y participer en masse.
    Appel à l’UNION et la CONCERTATION - Une proposition citoyenne
    Claude G. Thompson

  • Sylvain Boucher Répondre

    21 mai 2010

    Curieusement, lorsque les médias diffusaient que les québecois n'en voulaient plus de la souveraineté (pas à la mode d'aujourd'hui!!!), le résultat d'un sondage (ÉCHOS) montrait que le Bloc Québecois obtenait 42%, les libéraux 19% et les conservateurs 14%. Pauvres médias (La Presse et TVA/LCN).