Quelques semaines avant le dépôt du budget, dans un texte intitulé [« L’autre grosse arnaque »->26041], je montrais comment la publication d’études de toutes sortes était utilisée pour manipuler l’opinion, et je soulignais toute l’importance de développer un regard critique face à ces informations présentées sous les apparences de l’objectivité.
La parution la semaine dernière du sondage CROP/La Presse réalisé pour le compte de l’Idée fédérale, une autre manifestation de cette stratégie, et le [billet triomphaliste d’Alain Dubuc, le propagandiste en chef de La Presse->28033], m’ont replongé pour la deuxième fois cette année dans l’atmosphère nauséeuse de l’année qui a précédé le référendum de 1995.
Au delà du motif officiel de la commémoration du 30e anniversaire du référendum 1980 qui est avancé pour justifier la réalisation de ce sondage, il faut comprendre que le clan fédéraliste vient lui aussi de découvrir que la conjoncture joue désormais contre lui et que les indépendantistes se sont réveillés. Il nous envoie sa première salve.
Rien n’est plus facile que d’utiliser les résultats d’un sondage pour définir une situation à sa façon, et La Presse ne se gêne pas. Son équipe éditoriale est passée maître en la matière. Cependant, si l’on peut s’attendre à, et même accepter, une certaine mesure de partisanerie dans le débat, la mauvaise foi caractérisée est totalement inacceptable. Et si La Presse ne fait que répercuter la voix de son maître, elle sera rapidement délaissée par son lectorat. À consulter les derniers chiffres, il semble d’ailleurs que ce soit exactement ce qui est en train de se produire.
La Presse a beau tenter d’attribuer la chute de son lectorat à la perte généralisée d’audience des médias traditionnels face à l’Internet, il n’en reste pas moins que la comparaison avec les autres journaux québécois n’est guère flatteuse pour elle. En pleine crise, Le Devoir voit le sien augmenter.
Il n’est donc pas déraisonnable de penser que de nombreux Québécois se détournent progressivement de La Presse dont la ligne éditoriale reflète de moins en moins l’opinion courante. S’il y a matière pour les indépendantistes à trouver là quelque encouragement, ils auraient tort de pavoiser trop vite. La Presse, c’est Gesca, et Gesca c’est Power Corp.
Or Power Corp., comme son nom l’indique très clairement (on ne peut certainement pas l’accuser de dissimuler ses intentions), est une entité vouée au développement et à l’exploitation de sa propre puissance. Si l’influence de La Presse s’estompe, la puissance de Power demeure, et cette dernière trouvera rapidement un autre véhicule qui lui permettra de regagner de l’influence, si ce n’est déjà fait. Pour les indépendantistes contre qui Power est engagée dans une lutte à finir, il ne s’agit pas d’une bonne nouvelle.
Comme je le soulignais dans un texte précédent intitulé [« Les sirènes de la démission »->27556],
« Il s’agit […] de savoir qu’on dérange [de gros intérêts] et qu’on va vouloir nous mettre des bâtons dans les roues par tous les moyens disponibles, les plus subtils comme les moins subtils. Vigile constitue à cet égard une cible de choix car c’est un carrefour obligé pour tous les indépendantistes. »
Il ne s’agit pas de prétendre que Power est responsable des attaques subies par Vigile au cours de la dernière semaine, mais il s’agit certainement de rester à l’affût de tout signe de l’utilisation de nouveaux moyens pour canaliser l’opinion dans le sens des orientations de Power, même si (et surtout si) cela implique de réduire au silence une voix comme celle de Vigile.
SONDAGE CROP/LA PRESSE
La Presse a-t-elle atteint les limites de sa capacité à influencer l’opinion ?
Vigile sur la brèche
Chronique de Richard Le Hir
Richard Le Hir673 articles
Avocat et conseiller en gestion, ministre délégué à la Restructuration dans le cabinet Parizeau (1994-95)
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1 commentaire
Archives de Vigile Répondre
26 mai 2010Un sondage commandité par l'Idée fédérale d'André Pratte fait par CROP commenté par Alain Dubuc et publié dans La Presse, vous avez là tous les ingrédients pour obtenir le résultat escompté: il s'agissait d'arriver à la conclusion que l'Idée d'indépendance est dépassée et qu'on perd son temps à en parler et à essayer de convaincre les Québécois que là se trouve l'avenir véritable du Québec. Ce n'est pas de l'analyse politique, c'est de la propagande fédéraliste anti-indépendantiste.
A propos de CROP, j'ai failli porter plainte au Conseil de presse quand un sondage CROP arrivait à un appui fort bas au Bloc québécois, en bas de 30%, alors que d'autres sondages contemporains donnaient 36% au Bloc québécois. Il y avait là une tentative flagrante de manipulation.
Les sondages CROP ne sont pas crédibles: fiez-vous à moi qui, par la fréquentation de Pierre Drouilly avec lequel j'ai publié un livre: Les Illusions du pouvoir, ai acquis une sensibilité pour évaluer le genre de questions posées ou l'échantillonnage ou la technique du report en % des "ne sait pas" ou "refus de répondre".
Un rappel: CROP a déjà demandé à l'époque d'André Boisclair comme chef du PQ la question perfide suivante: A quel chef de parti confieriez-vous votre enfant pendant une fin de semaine? C'était une façon subliminale et vicieuse d'attirer l'attention sur l'homosexualité d'André Boisclair.
CROP est une boîte à sondages qui n'a à mes yeux aucune crédibilité. C'est un instrument de manipulation de l'opinion ce qui est proprement scandaleux. La Presse et André Pratte s'en servent à des fins partisanes. Je souhaite seulement que leur influence diminue comme vous le dites.
M. Le Hir, j'ai lu votre "ad independentiam", J'ai retenu comme phrase clef qui est, en effet, claire et nette:
"Pour ma part, je ne m’intéresse qu’à une chose, et je n’ai qu’un seul objectif : l’indépendance. Et j’ai compris que je n’avais rien à attendre ni d’un parti, ni de Pauline Marois, pour y parvenir."
Vous savez j'imagine que ma position par rapport au Parti québécois et à Pauline Marois diffère de la vôtre. J'espère seulement que votre position n'est pas la conséquence de l'aigreur et du ressentiment que votre passage au gouvernement vous ont laissé, aigreur et ressentiment que vous auriez tort de nier et qui s'exprimait dans l'article que vous avez écrit sur le référendum de 1995. J'aimerais savoir par quelle analyse politique (non subjective) vous arrivez à votre position.Et si vous me demandez par quelle analyse politique je suis arrivée à la mienne, j'y réfléchirai et je vous répondrai...même si c'est un gros contrat...
Robert Barberis-Gervais, Vieux-Longueuil