Deuxième lettre aux militants d’Option nationale

Poser les questions de fond

Option nationale

Les militants sont des courroies de transmission et des diffuseurs du message politique dans l’opinion publique, ils doivent être en mesure de faire la défense et l’illustration du programme adopté au congrès. Mais malheureusement ce programme est flou sur la démarche d’accession à l’indépendance et certains ont même soutenu qu’il fallait entretenir ce flou parce que ce serait rentable électoralement. Ceux qui pensaient qu’ON voulait faire la politique autrement en seront bien marris. Je pense au contraire que pour être efficace politiquement, il faut tenir un discours clair et cohérent. Or le programme actuel ne répond pas à cette exigence de la clarté.
Certaines questions de fond se posent puisqu’on laisse entendre qu’une fois élu, ON fera en sorte que l’Assemblée nationale adoptera toutes les lois et qu’elle récupèrera tous les pouvoirs de taxation, mais on reste dans le vague sur le moment où cette proposition sera opérationnalisée : avant ou après le référendum?
Si la réponse est avant, il faut alors se demander comment faire toutes nos lois et contrôler tous nos impôts dans le cadre des pouvoirs provinciaux? Si la réponse est après alors notre programme est clair : c’est le référendum qui enclenche le processus d’accession à l’indépendance et la mise en œuvre de l’article un. Cette position est tout à fait défendable même si elle ne nous a pas fait avancer politiquement depuis 40 ans. Elle ne nous distingue pas non plus du PQ, sauf sur le moment où ce référendum aura lieu.
Mais comme personne n’a encore précisé le comment de la mise en œuvre du LIT, la question initiale demeure : Comment tant et aussi longtemps que le référendum n’a pas eu lieu, un gouvernement provincial non-souverain peut-il adopter des politiques qui mettent en cause les pouvoirs de l’État canadien et qui transgressent la constitution canadienne? Comment peut-on prétendre agir souverainement sans être encore souverain? Il faut reconnaître que cette « logique » relève de la quadrature du cercle et que cette confusion des genres n’a rien pour inspirer confiance. Et pourtant elle est au cœur du discours d’ON.
Qu’est-ce que veut dire faire le LIT si ce n’est pas remplacer ou succéder à l’État canadien dans des champs de compétence réservés au gouvernement fédéral? Si ce n’est pas cela, c’est de l’esbroufe, ce n’est pas sérieux et cela ne vaut pas la peine qu’on en parle.
Dès les premières réunions lors de la fondation du parti, j’ai avec d’autres membres soulevé la question du comment mettre en œuvre concrètement l’article un en particulier sur la question de la récupération de tous les impôts dans un cadre juridique provincial. Il me semble que les Québécois ont besoin de savoir ce qui va arriver s’ils nous font confiance pour gouverner. Les réponses ont toujours été nébuleuses du genre : ON adoptera des politiques pour que le fédéral nous dise non et que ces refus fassent la pédagogie de l’indépendance ce qui devrait inciter les Québécois à voter OUI à un référendum. On oublie que les Québécois sont habitués aux refus du fédéral et qu’ils ne sont pas devenus indépendantistes pour autant. Cette logique du refus est aussi celle que préconise le PQ avec son concept de gouvernance souverainiste. Elle ne semble pas produire les effets attendus. Alors pourquoi suivre cette route?
De plus, dans le programme actuel nous ne disons pas clairement aux électeurs quelles sont les législations que nous adopterions et qui iraient contre la constitution canadienne. Comment pourrons-nous prétendre avoir un mandat pour le faire si nous n’avons pas précisé au préalable nos intentions?
Il faut aussi demander à ceux qui refusent l’élection comme mode légitime d’accession à l’indépendance et qui ne voient de légitimité que dans un référendum gagnant pour enclencher l’indépendance, comment alors pourrions-nous décider de voter une loi pour rapatrier tous les impôts, ce qui serait un geste de souveraineté, en ayant obtenu lors d’une élection seulement 35% du soutien populaire? En quoi cela serait-il plus légitime démocratiquement qu’une loi qui affirme qu’un gouvernement d’ON ne reconnaîtra pas d’autre autorité que celle de l’Assemblée nationale? Pourquoi faudrait-il respecter la constitution canadienne alors que l’Assemblée nationale ne l’a jamais reconnue? Est-ce que décider de contrôler tous nos impôts ne signifierait pas que nous assumons la succession de l’État canadien? Si ce n’est pas cela que nous voulons faire, alors il faut dire que nous désirons entreprendre des négociations avec le gouvernement canadien pour gérer tous nos impôts. Cela signifie que nous serions soumis à sa bonne volonté? Comment l’exercice de notre souveraineté peut-elle dépendre d’un autre gouvernement? Sans doute parce que nous reconnaissons la légitimité de cet ordre supérieur de gouvernement et que nous acceptons le statut provincial.
Voilà quelques questions qui nous seront posées par les électeurs, les médias et surtout les autres partis politiques. Il faudrait peut-être que quelqu’un puisse y répondre autrement que par des propos lénifiants et emberlificotés. C’est ce que j’ai tenté de faire avec ma proposition en introduisant une démarche qui accorde autant d’importance à l’élection qu’au référendum L’élection débute le processus, le référendum le conclut. Il faut confronter le Canada pour créer un rapport de force irréversible et ne pas attendre la libération nationale d’un référendum. OUI, l’accession à la souveraineté débuterait avec l’arrivée au pouvoir d’ON …Mais comme ma proposition n’est pas à l’ordre du jour, ce n’est pas à moi de faire la démonstration de sa pertinence. Il faut plutôt savoir ce que nous allons dire aux électeurs et le temps presse. On ne nous fera pas de cadeau à la prochaine élection. Qui répondra à ces questions? Qui démontrera que l’article un est faisable?


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4 commentaires

  • Klon Myriade Répondre

    29 mars 2013

    M. Monière, puisque le programme de votre parti n'est pas assez clair pour être bien compris, pourquoi vous empressez-vous de prendre la place des carriéristes souverainistes du PQ?
    Logiquement, si on refuse de gouverner la «Belle Province» malgré tout, il ne faut prendre le pouvoir que pour faire le pays, et ne tenir un référendum que si le travail de conscientisation du peuple a déjà produit une volonté majoritaire solide de faire le pays, donc éviter d'aller en élection tant que cette volonté majoritaire solide n'est pas construite.

  • Pablo Lugo Herrera Répondre

    21 mars 2013

    Si j'étais Aussant j'aurais promis — une fois élu — de refuser allégeance à la reine et gouverner pour la future République du Québec et notre future Constitution. Voilà comme confronter le fédéral!

  • Archives de Vigile Répondre

    19 mars 2013

    Vous avez tout à fait raison, Je n'ai pas participé au congrès d'ON pour des raisons de santé, mais j'avais vu cet écueil.
    J'attends avec impatience de lire le programme d'ON car il n'est pas encore sur le site du parti.
    Aussitôt que je l'aurai lu, je vais le commenter. Le meilleur programme c'était celui du programme du PQ de 2005 : préparation avec tous les groupes souverainistes d'un projet de pays, concret et emballant, incorporation du projet dans la plate-forme électorale, élection sur le thème du projet de pays et référendum rapide.
    Pierre Cloutier

  • François Ricard Répondre

    19 mars 2013

    M. Monière, vous avez raison.
    Durant la dernière campagne électorale, mon candidat et moi-même avons été confrontés à plusieurs reprises à cette question:" Si vous êtes élus, que ferez-vous?"
    Nous basant sur la logique du parlementarisme britannique, nous répondions qu'un gouvernement d'ON, possédant la majorité des sièges à l'Assemblée nationale, commencerait à poser les gestes menant à l'indépendance : rapatriement des impôts, rapatriement des lois, etc...
    Et nous appuyions notre argumentaire sur le fait que les constitutions de 1867 et de 1982 ont été adoptées de cette façon. Le gouvernement Trudeau, bien que majoritaire aux Communes, ne représentait que 40% de la population.
    Nous avions espéré que le dernier congrès éclaircirait cette question. Malheureusement, nous sommes restés sur notre faim.