Pire que l’étapisme, l’utilitarisme

Comment élaborer un discours qui permettrait d’être cohérent en présentant à la fois un programme provincial gagnant pouvant rejoindre même les nationalistes les plus modérés, et en prônant en même temps, de façon forte et convaincue, l’indépendance du Québec?

Comprendre notre intérêt national

Le mouvement indépendantiste est dans une impasse, c’est le moins que l’on puisse dire. Alors que les sondages pour la souveraineté stagnent et même régressent depuis des années, le vote souverainiste est maintenant plus éparpillé que jamais. Devant un électorat désintéressé et volatil, le PQ ne semble plus savoir comment concilier sa raison d’être avec la nécessaire prise du pouvoir. Il est incapable d’articuler un discours cohérent, car depuis trop longtemps maintenant on présente la souveraineté comme un moyen de régler nos problèmes, de protéger notre langue, de récupérer des points d’impôt ou de nous enrichir. On essaie de convaincre les gens en présentant une balance positive des avantages et inconvénients. Mais lorsque la date des élections s’approche, le discours ne peut plus tenir puisqu’il s’agit de prendre le pouvoir de ce qui n’est encore, bien malheureusement, qu’une province...
À moyen et long terme cette situation est intenable, car d’un côté on décourage et rebute, élection après élection, les militants les plus convaincus, qui se sentent toujours plus trahis. Alors que d’un autre côté, chaque fois que le PQ prend le pouvoir, il fait relativement bien et donne, bien malgré lui, des arguments à ceux qui pensent encore qu’on peut bien s’accommoder du Canada. Ainsi aujourd’hui, la coalition souverainiste que René Lévesque avait réussi à bâtir, à partir des nationalistes de gauche comme de droite et de ceux plus modérés ou plus radicaux, est plus fragile que jamais. Les appuis que le PQ réussissait à cristalliser autour d’un même objectif retournent à leur alignement d’antan. Certains ne vont plus voter, d’autres se retournent vers des partis fédéralistes de gauche ou de droite et finalement, il y en a qui croient avoir trouvé une solution magique : Comme il est difficile de concilier indépendance et programme provincial, soyons purs et faisons simple, éliminons le programme provincial et ne présentons que le programme d’un pays qui n’existe pas vraiment, car toujours vassalisé ! Le problème c’est que tous les électeurs ne sont pas des idéalistes convaincus en quête d’une utopie. Malheureusement pour eux, certains électeurs, sûrement des esprits colonisés, des impurs, pensent aux factures qu’ils ont à payer à la fin du mois !
Comment élaborer un discours qui permettrait d’être cohérent en présentant à la fois un programme provincial gagnant pouvant rejoindre même les nationalistes les plus modérés, et en prônant en même temps, de façon forte et convaincue, l’indépendance du Québec ?
Il faut arrêter de présenter l’indépendance comme un moyen monnayable. De toute façon, elle n’en est pas un. C’est peut-être parce qu’on s’est tellement fait dire qu’elle était impossible et que nous avons dû démontrer le contraire, et même aller au-delà pour prouver il y aurait en plus des avantages, que nous avons fini par oublier l’essentiel. L’indépendance c’est avant tout la liberté, la liberté de faire nos choix à propos de tout sans devoir rendre de compte à qui que ce soit. Que ce soit individuellement ou collectivement, on ne veut pas être libre pour ceci ou cela et à telle ou telle autre condition. On veut être libre point. Voulons-nous être libres afin de protéger notre langue, ou de définir nos propres politiques économiques, ou d’élaborer une politique de développement durable digne de ce nom ? Aucune de ces raisons en particulier, mais bien toutes celles-ci et même celles que nous n’avons pas encore imaginées. La liberté n’est pas un vulgaire moyen. Tant du point de vue de l’individu que de la collectivité, la liberté est un besoin, un besoin existentiel, elle fait la différence entre un état de survie et une vie épanouie.
Les Québécois peuvent être fiers d’être un peuple de survivants. Nous avons survécu à l’hiver, nous avons survécu aux Anglais et aux guerres, et nous survivons aujourd’hui encore, depuis bien plus longtemps que Durham ne l’avait prévu, à l’assimilation. Mais pour combien de temps encore ?
Il est temps de faire comprendre à nos pairs que nous devons maintenant prendre notre place au concert des nations, non pour récupérer nos taxes et impôts ou même protéger notre langue, mais tout simplement pour assurer notre pérennité et notre existence en tant que peuple, ce qui implique indirectement tous ces éléments secondaires. On ne convaincra personne avec des colonnes de chiffres ou des sommes d’avantages et d’inconvénients. Par contre, en faisant réaliser à ceux qui sont fiers d’être Québécois, mais confortables dans un Canada qui les laisse hypocritement mourir à petit feu, que si rien n’est fait, leurs futurs petits-enfants s’adresseront peut-être à eux en anglais et seront, bien malgré eux, devenus de petits américains manqués, nous avons assurément la possibilité de rallier la plupart des nationalistes.
L’indépendance ne sera possible que lorsque les indépendantistes auront repris le pouvoir et rallié derrière eux l’ensemble des nationalistes. Pour cela il faut sortir la rhétorique indépendantiste du spectre de l’utilitarisme débilitant dans lequel on l’a enfermé. Ainsi, il deviendra possible pour notre élite politique de présenter à la fois un programme électoral cohérent et un discours indépendantiste fort sans que l’un ne nuise à l’autre. La prise du pouvoir sera par le fait même facilitée et le discours indépendantiste pourra être omniprésent, ce qui permettra de véritablement augmenter l’appui de la population à son égard. Ceci est capital, car nous avons là les deux éléments essentiels à la réalisation de l’indépendance de façon démocratique, soit le contrôle du pouvoir politique et un appui populaire fort et résolu.


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4 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    3 septembre 2008

    lequebecois.actifforum.com

  • Archives de Vigile Répondre

    2 septembre 2008

    Si le PQ au pouvoir donnait l'impression qu'on s'accommode bien à l'intérieur de la fédération, il n'aurait pas subit cette râclée historique en 2003.
    Non, le peuple ne peut supporter un parti qui flatte le taureau pour ensuite se retourner et chanter une berceuse à ce peuple.
    Le peuple ne veut pas être convaincu par des arguements ou discours. Il veut des actions.
    Un parti indépendantiste doit exciter le taureau et le rendre agressif. Il doit provoquer l'affrontement en permanence et ainsi éveiller la combativité dans le peuple.
    Le PQ a voulu un peuple de nouilles. Le peuple lui a donné un vote de nouilles.

  • Michel Guay Répondre

    2 septembre 2008

    C'est évident que la nécessité institutionnelle de prendre le pouvoir provincial est un piège et ce qui est encore plus un piège c'est le fait de vouloir être performant comme provincialiste .
    Mais avons nous le choix, car sans le pouvoir pour réaliser démocratiquement notre indépendance il ne reste que le combat violent .
    Aussitôt au pouvoir les indépendantistes doivent affronter les commandites en plus d'avoir propagande Canada et tous les médias contre eux et contre le moindre de leurs projets.
    Au pouvoir les Québecois se trouvent sécurisés et refusent d'accepter le repatriement de tous nos pouvoir et notre ouverture au monde .
    Il reste donc à rendre l'option indépendantiste qui est essentielle à notre vie non partisane en prévilégiant l'action directe style l'acquisition d'un passeport Québecois et de la citoyenneté Québecoise avec l'assurance d'une déclaration d'indépendance aussitôt atteint le cinquante plus un de la population du Québec
    En plus ce moyen direct financerait notre décolonisation donc notre libération et notre indépendance en permettant assurément enfin notre pays francophone le Québec

  • Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre

    2 septembre 2008

    Monsieur Trempe,
    C’est vrai, le mouvement indépendantiste plie du genou. Le P.Q. se remet mal de 1995. Référendum attendu pendant 15ans : volé! Parizeau conspué pour en avoir pointé la cause. Nation humiliée par l’accusation de xénophobie, que nous ressert encore la commission B-T.
    Les partis conservateurs en ont profité pour diffamer la Cause (passéiste) et promouvoir le modernisme de (l’assimilation) l’unité canadienne(la GG et le Q400).
    Mais le fier descendant de Nouvelle-France et ses amis se sentent à l’étroit dans ce costume. Nous sommes d’une race à conduire son « char » lui-même. Tout ce multiculturalisme de carnaval qui nous oblige à des courbettes devant les « exigences » de nouveaux intégristes, ça commence à nous fatiguer. Le petit livreur de pizza qui demande à son proprio-cuisinier à la langue « arabisante » pourquoi il lui coupe ses heures et se fait répondre : « Laisse tumbé,Ti-Jean, ti vient quan moé t’appel! », ce p’tit Québécois, il parle à ses frères et se demande : « Comment ça, c’est Rachid le boss? » Comment ça, il vient de débarquer, parle pas français et est subventionné comme PME? »
    Oui, le Québec régresse et le Québécois commence à chercher les causes! Même cette génération montante qui n’a pas connu les combats du « Bon Boss » dans les Shop à Montéal, et qui se trouvait « internationaliste » à écouter la musique « world », à se monter un « band en anglais », elle commence à se sentir serrée dans le Québec de ses parents où les grands espaces ont forgé le tempérament d’indépendance.
    Malmené, le Québécois veut reprendre maîtrise de sa vie. Le ron-ron du discours souverainiste de ses mononcs, il avait cessé de l’écouter parce que ça sentait la boule-à-mites dans ses petites narines des Ailes de la mode. Mais il lui revient des échos de « Maîtres chez Nous! » quand il voit les couleurs de son drapeau bannies dans la ville de Québec comme à Pékin…là où il est soudain devenu Canadian! La liberté, le Québécois, il l’a dans le sang mais on lui avait dit que c’était pour les autres : pour les É.U., l’Irak, l’Afghanistan, l’Afrique du Sud, le Kosovo, l’Ossétie…Ostie que ça fait dur dans ces pays-là après qu’y sont libérés… pensait notre jeunesse après un champoing Verner…
    Monsieur Trempe, vous l’avez dit, l’intelligentsia indépendantiste éborgnée a failli à son rôle de montrer la contre partie de la propagande. La liberté qu’il ressent dans sa généalogie, le Québécois pourrait l’exercer pour vivre enfin. Il pourrait l’exercer sans contraindre les nouveaux arrivants mais en les aidant à comprendre à quelle nation ils sont venus se joindre. Pour que le Québécois cesse de craindre la liberté, il doit savoir comment il la vivra. Trop de mercenaires s’emploient à lui bourrer le crâne depuis des générations avec les peurs d’un niveau de vie diminué dans un Québec libre. Si c’était la pauvreté que nous réserve le Québec, pourquoi le Canada tricherait-il tant pour nous maintenir dans son giron?
    Voilà la tâche des dirigeants indépendantistes réunis : démontrer aux Québécois inquiets qu’au bout de leur démarche de liberté, il y a la prospérité!