Non seulement Jean Charest n'aura pas respecté ses propres promesses électorales de 2003, mais il renie des engagements signés par le gouvernement précédent du Parti québécois, ce qui démontre un très faible «sens de l'État» chez le présent premier ministre.
Le gouvernement Landry avait reconnu en 2003 un retard de quelque 30 % dans la rémunération des médecins spécialistes québécois par rapport à la moyenne canadienne. Il a alors signé une entente avec cette fédération de médecins sur un rattrapage progressif pour atteindre le niveau de leurs collègues des autres provinces, notamment pour contrer l'exode des spécialistes. Or, trois ans plus tard, le gouvernement Charest a inclus les médecins spécialistes dans le règlement uniforme des conditions salariales dans le secteur public et il leur a octroyé 8 % d'augmentation, étalés sur six ans.
Le président de la Fédération des médecins spécialistes, Yves Dugré, a annoncé cette semaine que cette organisation avait entamé des recours juridiques, d'abord pour faire invalider la loi 37 qui impose les conditions de travail, et pour faire reconnaître la validité de la lettre d'entente de 2003 sur le rattrapage salarial.
Les médecins ont, à première vue, une bonne cause. Sur les plans moral et éthique, tout au moins. La Fédération des médecins spécialistes n'est pas un syndicat au sens légal du terme (ce qui offrirait une porte de sortie au gouvernement), mais en relations du travail, les lettres d'entente sont attachées aux contrats de travail et doivent être respectées par les parties au même titre que les articles des conventions collectives. Le gouvernement Charest manque à cette obligation morale.
Plus grave encore, il sape sans retenue la crédibilité de cet organisme. Un an après l'élection de Jean Charest, un membre du corps diplomatique qui terminait son mandat au Québec m'avait fait part de sa déception devant l'absence de «sens de l'État» de nos dirigeants politiques. Jean Charest avait renié après son élection l'engagement de son prédécesseur Bernard Landry de vendre au numéro un mondial de l'aluminium, Alcoa (Aluminium Company of America) 175 megawatts additionnels pour son projet de Baie-Comeau et 500 megawatts pour celui de Deschambault, dans Portneuf.
Une telle désinvolture le laissait pantois: ni la parole donnée ni même une signature au bas d'un document ne sont vraiment garantes d'un engagement formel de l'État au Québec... et au Canada.
Car Jean Charest est allé à la bonne école à Ottawa. Les libéraux ont déjà promis de déchirer le premier traité de libre-échange avec les États-unis et d'enlever la TPS. Ils n'ont fait ni l'un ni l'autre. À l'inverse, Jean Chrétien a annulé par pure partisanerie le contrat d'achat d'hélicoptères du gouvernement conservateur de Brian Mulroney.
La frustration exprimée par le docteur Yves Dugré cette semaine était d'autant plus vive que le gouvernement étudie présentement en commission parlementaire la faible ouverture faite au secteur privé par le ministre de la Santé, Philippe Couillard, en réponse à la décision de la Cour suprême dans l'affaire Chaouli. Le gouvernement refuse aux médecins spécialistes du Québec de rattraper la rémunération de leurs collègues des autres provinces et, en même temps, il les empêche d'augmenter leurs revenus en fournissant plus de soins payés par des assurances privées.
Avant les élections de 2003, les libéraux s'étaient employés à laisser croire qu'ils laisseraient beaucoup plus de place au secteur privé en santé. Les médecins se sentent donc doublement trompés et ils continueront de voter avec leurs pieds, c'est-à-dire d'aller exercer leur art ailleurs, là ils seront davantage respectés, là où la signature au bas d'un document vaut encore quelque chose.
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé