Ottawa rouvre le front constitutionnel

Le gouvernement conservateur se joint à la poursuite pour faire invalider la loi du 50 % plus une voix, qui affirme le droit du Québec de se séparer

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Le fédéral passe à l'attaque contre le Québec

Mercredi, alors que tous les yeux étaient tournés vers Ottawa, où était lu le septième discours du Trône de Stephen Harper, les avocats du gouvernement fédéral déposaient discrètement à Montréal un document qui risque de relancer la guerre constitutionnelle avec Québec. Ottawa a demandé que soit invalidée la loi québécoise 99 qui statue que les Québécois ont le droit de décider seuls de se séparer du Canada.
La cause est pilotée par l’ancien chef du Parti égalité, Keith Henderson. Le militant du droit des Anglo-Québécois conteste depuis 2001 la Loi sur l’exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l’État du Québec. Cette loi 99 stipule que lorsque le peuple québécois est consulté par référendum, l’option gagnante est celle qui obtient 50 % des votes valides, plus un vote.

Adoptée par le gouvernement péquiste de Lucien Bouchard en 2000, la loi 99 se veut une réponse à la « loi sur la clarté » du gouvernement libéral de Jean Chrétien, qui décrète pour sa part qu’Ottawa n’est obligé de négocier la sécession d’une province que si la réponse obtenue au référendum est claire et que la question posée l’est tout autant. Nulle part cette loi ne quantifie ou ne qualifie cette « clarté ».

Lourd de sens

Keith Henderson fait valoir que cette loi 99 n’est pas valide. Après 13 années de procédures judiciaires, la cause sera finalement entendue en 2014. Une date doit être choisie en décembre. Or, jusqu’à présent, le gouvernement fédéral n’était pas intervenu sur le fond de cette cause à forte teneur émotive.

« Nous sommes heureux. Mieux vaut tard que jamais », s’exclame en entrevue Brent Tyler, l’avocat qui défend cette cause. Me Tyler ne comprend toutefois pas ce qui a décidé Ottawa d’intervenir subitement. « Rien n’a changé. »

Le geste d’Ottawa est lourd de sens, car c’est la première fois que le gouvernement de Stephen Harper s’aventure sur le terrain miné des questions constitutionnelles, lui qui répète sans cesse qu’il ne veut pas déclencher de « chicanes » avec Québec. En outre, dans la foulée de sa promesse de 2005 de ne pas pratiquer un fédéralisme « prédateur », Stephen Harper a fait adopter une motion à la Chambre des communes reconnaissant que les « Québécois forment une nation au sein d’un Canada uni », une première dans l’histoire du pays.

«Limiter» la portée de la loi

La déclaration d’intervention du procureur général du Canada, obtenue par le magazine Maclean’s et consultée par Le Devoir, a été déposée à Montréal mercredi et risque d’ouvrir en quelque sorte les hostilités. Elle demande que les passages les plus importants de la loi 99 soient interprétés de manière « atténuée » pour que leur « portée soit limitée » à la juridiction interne du Québec. « Si la Cour ne peut donner une interprétation atténuée [aux paragraphes], elle devrait déclarer qu’ils outrepassent la compétence de la législature du Québec et qu’ils sont inopérants », est-il écrit.

Ainsi, le passage de la loi 99 qui déclare que le peuple québécois peut disposer de lui-même devrait être compris, plaide Ottawa, comme « étant purement déclaratoire et limité à un droit putatif d’autodétermination interne et pas externe ». Ottawa cite le Renvoi sur la sécession du Québec dans lequel la Cour suprême avait tranché qu’il n’existait pas de droit pour le Québec à la sécession unilatérale.

Quant au passage de la loi 99 affirmant la validité d’un résultat de 50 % plus une voix, là encore, Ottawa demande à la Cour de l’écarter. Ce passage « outrepasse les pouvoirs de la législature du Québec et n’a aucun effet s’il prétend rendre les résultats d’un référendum légalement contraignants pour le Parlement fédéral et les législatures des autres provinces ».

Rappelons qu’au printemps, le Bloc québécois avait fait voter une motion demandant que la loi sur la clarté soit abrogée. Le geste avait été compris comme un piège tendu à la députation québécoise du NPD, dont certains ont un passé souverainiste. Finalement, tous les députés présents à la Chambre, sauf les cinq bloquistes, avaient voté contre la motion, y compris les conservateurs.


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