Contestation de la loi 99 par Ottawa - La «guerre» contre l’autodétermination du peuple québécois se poursuit

La légitimité de l’Assemblée nationale repose sur des bases infiniment plus solides que la Constitution de 1982

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La légitimité de l’Assemblée Nationale repose sur des bases infiniment plus solides que la Constitution de 1982

L'intention du gouvernement Harper de contester la loi 99 adoptée par l’Assemblée nationale en 2000 et qui prévoit qu’un référendum sur la souveraineté est soumis à la règle du 50 % + 1, s’inscrit dans une série d’offensives destinées à maintenir le Québec dans une camisole de force constitutionnelle. Depuis la conquête militaire de 1760, la nation québécoise en devenir n’a jamais été consultée pour déterminer l’ordre politique dans lequel elle voulait vivre. Elle ne l’a été ni en 1867, avec la Confédération, ni en 1982, alors que le gouvernement Trudeau refondait le Canada au moyen de ce qu’il est désormais convenu de qualifier de coup d’État (voir La bataille de Londres, de Frédéric Bastien). L’Assemblée nationale, à l’unanimité des partis, a toujours refusé d’adhérer à la nouvelle Constitution et à la Charte des droits et libertés qui y a été enchâssée et qui a trop souvent servi à restreindre la capacité d’autodétermination du peuple québécois.

S’il est vrai que l’électorat québécois a rejeté le projet de souveraineté-association en 1980, il est également vrai qu’il s’est opposé à l’accord de Charlottetown, version diluée de l’accord du lac Meech. En somme, sans avoir franchi le pas décisif pour s’émanciper, le Québec n’adhère pas davantage au Canada réellement existant, sinon par défaut.

Au soir du 30 octobre 1995, la quasi-victoire du OUI a produit un violent électrochoc au Canada anglais. Depuis ce temps, le gouvernement fédéral mobilise ses ressources et travaille de manière à prévenir toute répétition du scénario des années 1990 à 1995, afin de briser tout élan d’émancipation nationale sur les récifs du statu quo. On l’a vu avec le scandale des commandites, qui a révélé les dessous de la « guerre » (dixit Charles Guité) menée par Ottawa contre le Québec. On l’a vu aussi avec la « Loi sur la clarté », tentative, encore une fois, de changer les règles du jeu lorsqu’elles ne conviennent plus au gagnant, anxieux de perdre le match suivant.

Ajoutons encore les multiples intrusions dans les champs de compétence exclusive des provinces. Pensons à l’« Entente-cadre sur l’union sociale », aux bourses du millénaire, aux chaires de recherche du Canada. La centralisation des pouvoirs se poursuit inexorablement, quel que soit le parti au pouvoir. L’autodétermination interne du Québec rétrécit continuellement. Les principes imposés à la nation assujettie ne sont même pas respectés par l’État fédéral canadien, héritier du colonisateur britannique. Il s’agit de l’un des grands paradoxes de la réalité politique canadienne : celui qu’on accuse de tout vouloir changer depuis 1960 n’a rien obtenu, même pas des promesses. À l’inverse, celui qui défend le statu quo impose des changements sans le moindre mandat. Ce n’est pas le Québec qui refuse de respecter l’esprit de la Constitution de 1867 : c’est le Canada.

La nation québécoise est donc moralement, politiquement et juridiquement autorisée à s’extraire de ce carcan. Elle n’a pas à se soumettre à l’autorité d’une constitution illégitime. Elle devrait d’ailleurs se doter au plus tôt de sa propre constitution. Et elle n’a aucune permission à demander à qui que ce soit d’autre qu’à elle-même, selon les règles qu’elle s’est elle-même fixées et qui s’inspirent des processus les plus démocratiques de l’expérience humaine. La reconnaissance d’un Québec indépendant dépend d’abord et avant tout de la communauté internationale.

En effet, les juristes étrangers invités par la Commission d’étude des questions afférentes à l’accession du Québec à la souveraineté ont clairement rappelé que la reconnaissance internationale d’un Québec souverain proviendrait d’une situation de fait, l’existence de l’État n’étant pas un problème de droit (Thomas M. Franck, Rosalyn Higgins, Alain Pellet, Malcolm N. Shaw, Christian Tomuschat, L’intégrité territoriale du Québec dans l’hypothèse de l’accession à la souveraineté, Commission d’étude des questions afférentes à l’accession du Québec à la souveraineté, Exposés et études, Volume 1, Les attributs d’un Québec souverain, Québec, 1992, p. 409). Le rôle des juristes consisterait à « constater l’existence » d’un État, comme l’a fait la Commission européenne d’arbitrage pour la Yougoslavie dans son avis no 1 du 29 novembre 1991. Ce constat implique qu’une autorité effective s’exerce sur le territoire et la collectivité du nouvel État souverain, et ce, de manière stable. D’après cette Commission, l’éclatement de la Yougoslavie a révélé que dans le cas d’un État de type fédéral, « l’existence de cet État implique que les organes fédéraux représentent les composantes de la Fédération et disposent d’un pouvoir effectif » (ibid., p. 411). Sur la base de cet avis rendu par la Commission européenne d’arbitrage pour la Yougoslavie, les juristes ont conclu que « la non-participation du Québec aux institutions fédérales constituerait un indice de sa sécession » (ibid.), l’autorité de l’État fédéral canadien se trouvant considérablement affaiblie dans au moins l’une de ses composantes. Le droit international n’aurait qu’à en prendre acte.

Le Québec n’a aucune leçon de démocratie à recevoir de l’État fédéral canadien. La légitimité de l’Assemblée nationale repose sur des bases infiniment plus solides que la Constitution de 1982. Le poids démographique de la majorité canadienne-anglaise ne doit pas, ne doit plus se traduire par une hégémonie politique du Canada sur le Québec et ses institutions. Si le Québec veut sortir du Canada, il doit le faire selon les règles qu’il aura librement choisies. Ce sera à la communauté internationale de juger si la légitimité de ces règles l’emporte sur le carcan légal canadien.
Michel Roche - Université du Québec à Chicoutimi
Michel Seymour - Université de Montréal
Daniel Turp - Université de Montréal


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