Dans son texte, Stéphane Dion réfute certaines conclusions de mon livre. Il triture mes propos afin de leur faire dire le contraire de ce qu'ils signifient.
Il affirme que la Grande-Bretagne et les États-Unis auraient reconnu l'indépendance québécoise seulement dans la mesure où le gouvernement fédéral aurait fait de même. Il reprend ensuite certaines de mes sources pour appuyer son interprétation.
C'est le cas avec le haut commissaire britannique à Ottawa, John Ford. À trois semaines du référendum de 1980, celui-ci explique dans une note confidentielle que, publiquement, il ne fera pas de commentaires, si ce n'est pour dire que le Canada joue un rôle constructif dans le monde et qu'il revient aux Canadiens de décider. Pour M. Dion, cela indique que jamais Londres n'aurait reconnu l'indépendance québécoise sans l'accord d'Ottawa.
En fait, Ford souhaitait éviter de se prononcer à l'avance sur la possibilité d'une victoire du oui. Pourquoi? Pour ne pas aider le PQ, parce qu'il pensait justement que les Britanniques n'auraient d'autres choix que de reconnaître le nouvel État, en raison de leurs intérêts économiques au Québec. L'indépendance, disait-il, «serait sans doute un événement traumatisant pour le Canada anglophone... mais pas nécessairement pour le Québec ou pour nos intérêts». Ford pensait aussi que Washington voyait les choses du même oeil, ce que m'a confirmé Ken Curtis, ambassadeur américain à Ottawa en 1980.
La reconnaissance britannique aurait pu être d'autant traumatisante qu'elle se serait possiblement faite sans l'accord d'Ottawa, m'a expliqué Malcolm Rifkind, ministre britannique des Affaires étrangères à l'époque du référendum de 1995. Il m'a affirmé que Londres aurait reconnu une indépendance québécoise agréée par Ottawa. Je lui ai demandé si son gouvernement aurait reconnu une victoire du oui, même serrée, alors que nous savons aujourd'hui que les fédéraux auraient refusé un tel résultat. Sa réponse a été claire. Londres reconnaît les nouveaux États dans la mesure où leur gouvernement exerce «de facto le pouvoir» et dont «le statut international... n'est pas contesté.»
M. Rifkind a cité l'URSS et la Chine communiste, que son pays a reconnues rapidement à l'époque, alors que les Américains s'y opposaient. Cette décision était plus problématique que celle d'une souveraineté québécoise refusée par Ottawa.
***
Stéphane Dion et Justin Trudeau appuient la décision des conservateurs de ne pas déclasser plusieurs fonds d'archives sur le rapatriement. Cette censure les arrange bien. Elle leur permet de propager une histoire à l'eau de rose. Celle d'un Pierre Trudeau héroïque qui nous a donné une charte, ce qui aurait sauvé l'unité du pays et protégé nos droits.
Histoire à l'eau de rose
Frédéric Bastien rive son clou à Stéphane Dion
Frédéric Bastien167 articles
Titulaire d'un doctorat en relations internationales de l'Institut universitaire des hautes études internationales de Genève, Frédéric Bastien se spécialise dans l'histoire et la politique internationale. Chargé de cours au département d'histoire de l'Univ...
Cliquer ici pour plus d'information
Titulaire d'un doctorat en relations internationales de l'Institut universitaire des hautes études internationales de Genève, Frédéric Bastien se spécialise dans l'histoire et la politique internationale. Chargé de cours au département d'histoire de l'Université du Québec à Montréal, il est l'auteur de Relations particulières, la France face au Québec après de Gaulle et collabore avec plusieurs médias tels que l'Agence France Presse, L'actualité, Le Devoir et La Presse à titre de journaliste. Depuis 2004, il poursuit aussi des recherches sur le développement des relations internationales de la Ville de Montréal en plus d'être chercheur affilié à la Chaire Hector-Fabre en histoire du Québec.
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé