René Lévesque, sa femme Corinne et Lise Payette le soir du référendum, le 20 mai 1980.
MISE À JOUR
NDLR.: Notre chroniqueur Frédéric Bastien est décédé subitement mardi, à l'âge de 53 ans. Avec l'accord de sa conjointe, Marie-Ève Lépine, nous publions dès maintenant sa dernière chronique, qui sera également publiée en format papier ce samedi, dans la section Histoire de notre cahier Weekend. Frédéric Bastien a fait de la défense des intérêts du Québec la cause de sa vie. La publication de la dernière chronique qu'il nous ait transmise constitue, pour Le Journal, une façon de lui rendre hommage. Nos condoléances les plus sincères à sa famille et à ses proches.
- Sébastien Ménard, Éditeur et rédacteur en chef du Journal de Québec
Le premier référendum sur l’indépendance s’est tenu le 20 mai 1980. Le Non a remporté 60 % des suffrages, une grande victoire pour Pierre Elliott Trudeau. Ces résultats lui ont permis ensuite de rapatrier la constitution sans le Québec, la plus grande injustice de notre histoire.
Après son élection en 1976, René Lévesque attendait pour tenir le référendum qu’il avait promis. Il croyait être débarrassé de Trudeau après la défaite électorale de ce dernier en 1979 et sa retraite de la politique. Mais Trudeau est revenu au pouvoir en février 1980 à la suite d’une élection anticipée provoquée par la chute du gouvernement minoritaire de Joe Clark.
Même si c’était son principal objectif, le chef libéral n’a soufflé aucun mot de son projet de rapatrier la constitution et d’y inclure une charte qui enlèverait des pouvoirs au Québec.
- Écoutez sa dernière chronique au micro de Richard Martineau via QUB radio :
«Qui a pratiqué le nettoyage ethnique au Canada? Ce sont les anglais», insiste Frédéric Bastien
Le PQ, de la pourriture
Durant la campagne référendaire, Trudeau dépêche au Québec son lieutenant, Jean Chrétien, pour aider Claude Ryan, le chef du PLQ. Le ministre fédéral de la justice déclare alors que les péquistes sont «de la gangrène, de la pourriture!»
Les fédéraux mènent aussi une campagne de peur. Les personnes âgées se font dire que leurs pensions de vieillesse seront coupées.
Privés du soutien des Canadiens anglais, les Québécois seuls se révéleraient pour ce qu’ils sont, des êtres économiquement incapables et condamnés au tiers-mondisme. La dette allait exploser, le prix de l’essence aussi, la dette se creuserait, etc. Tel est le discours tenu par les élus du Québec à Ottawa. Ceux-ci ne ménagent aucun effort pour rapetisser leur propre nation!
La campagne péquiste, elle, vise à rassurer. L’indépendance est viable, dit Lévesque. Elle se fera dans le cadre d’une association économique.
Ce n’est pas en jouant défensif qu’on marque des buts toutefois. Le PQ aurait dû attaquer le Canada anglais au sujet des injustices subies par les Canadiens français. Il fallait insister sur la menace existentielle que l’appartenance au Canada fait peser sur notre culture. Alors que les fédéraux sortaient l’artillerie lourde, la campagne du Oui était menée avec bonasserie.
- Écoutez le témoignage de Murielle Chatelier, grande amie de M. Bastien à l’émission de Richard Martineau via QUB radio :
À cela s’ajoute une gaffe majeure commise par la ministre péquiste Lise Payette. Celle-ci accuse Claude Ryan d’être marié à une femme traditionaliste plutôt que féministe. Madeleine Ryan ressemble à «Yvette» dit-elle, un personnage dans un manuel scolaire de l’époque que Payette trouve stéréotypé. Cette attaque personnelle fouette le camp du Non.
Perfidie ontarienne
Outre les erreurs du camp souverainiste, le Non bénéficie de l’intervention de certains premiers ministres des provinces anglophones. Allen Blakeney, de la Saskatchewan, se dit en faveur d’un fédéralisme asymétrique. Le premier ministre ontarien, Bill Davis, se déplace à Montréal pour faire un discours bienveillant. Pour la première fois de sa vie, il se risque à parler un peu français. Quelques semaines après nous avoir chanté la pomme, il deviendra le principal allié de Trudeau contre nous lors du rapatriement!
Cette prétendue ouverture du Canada anglais à nos demandes pave la voie au tournant du référendum, un discours de Pierre Elliott Trudeau prononcé le 14 mai 1980. Cette intervention est le dernier clou dans le cercueil du Oui.
Lors d’un rassemblement au centre Paul-Sauvé, le premier ministre fédéral prend un engagement solennel.
«Nous mettons nos têtes en jeu, nous, députés québécois, parce que nous disons aux Québécois de voter Non. Et nous vous disons, à vous des autres provinces, que nous n’accepterons ensuite que ce Non soit interprété par vous comme une indication que tout va bien et que tout peut rester comme c’était auparavant. Nous voulons du changement, nous mettons nos sièges en jeu pour avoir du changement!»
Rassemblement du comite du NON au Centre Paul-Sauvé. Sur la photo, le chef libéral, Claude Ryan en compagnie du premier ministre du Canada, Pierre Elliott Trudeau.
Tout le monde ou presque à l’époque interprète ce discours comme une ouverture aux demandes du Québec, plus d’autonomie et une reconnaissance de notre nation. Trudeau passera le reste de sa vie à dire qu’il n’a jamais trompé les Québécois. Tout le monde connaissait mes idées, fera-t-il valoir après coup.
Cette affirmation est contredite toutefois par André Burelle. Conseiller de Trudeau en 1980, c’est lui-même qui a écrit l’allocution du 14 mai! Burelle s’est senti trompé par son patron à la suite du référendum. Il a fini par démissionner.
L’intéressé a ensuite rejoint Brian Mulroney pour travailler à l’accord du lac Meech. Il voulait l’aider à réparer les pots cassés.
C’était sans compter sur Trudeau toutefois. Non content d’avoir renié sa promesse, il torpillera cette entente. Pourquoi? Parce qu’elle octroyait au Québec ce statut particulier qu’il avait refusé de nous donner après nous l'avoir fait miroiter.
PHOTO D'ARCHIVES, LE JOURNAL
Claude Ryan, Pierre Elliott Trudeau et Jean Chrétien du camp du NON.