Même si le gouvernement libéral souhaite que le programme de rachat des armes à feu qu’il a interdites soit volontaire, le premier ministre Justin Trudeau reconnaît que ce n’est pas à lui seul que reviendra la décision. Il lui faudra l’appui d’au moins un parti d’opposition à la Chambre des communes pour décider de la suite des choses.
« On est dans un Parlement en situation minoritaire, donc nous devons travailler avec les autres partis », a reconnu M. Trudeau lundi matin lors de son point de presse quotidien. « Je sais qu’en particulier, le Bloc québécois et le Nouveau Parti démocratique ont une perspective qui s’aligne avec la nôtre — de vouloir plus de contrôle des armes à feu. Je suis confiant qu’on va pouvoir travailler ensemble, collaborer, pour établir la bonne marche à suivre. »
Vendredi, Ottawa a inscrit par voie réglementaire quelque 1500 types d’armes d’assaut de type militaire à la liste des armes prohibées au Canada. Elles ne peuvent plus être vendues, achetées ou utilisées. Une amnistie de deux ans a été accordée à ceux qui en possèdent déjà. Le gouvernement fédéral a promis par la suite de mettre en place un programme de rachat de ces armes, qu’il envisage volontaire. Les propriétaires pourraient donc, moyennant le respect de conditions strictes d’entreposage et de transport, conserver leurs armes.
Un tel programme de rachat devra être approuvé à la Chambre des communes. Or, le Bloc québécois n’est pas d’accord pour qu’il soit optionnel. Sur Twitter, son chef, Yves-François Blanchet, a indiqué avoir été « stupéfait » d’entendre la veille M. Trudeau dire qu’il le serait, à Tout le monde en parle. « Notre appui n’est pas sans condition. Si le rachat est optionnel, le règlement perd beaucoup d’effet. »
Le NPD, qui est traditionnellement déchiré entre son caucus rural et son caucus urbain sur cet enjeu, demeure flou pour l’instant. Il n’a pas a priori de position de principe sur le caractère obligatoire que devrait avoir — ou pas — le rachat. « Le gouvernement doit clarifier son plan afin que les détenteurs d’armes à feu respectueux de la loi n’aient pas l’impression d’avoir été pris au dépourvu », indique la porte-parole Nina Amrov, qui ajoute que les propriétaires doivent être indemnisés.
Du côté conservateur, le chef, Andrew Scheer, a réitéré lundi que son parti est « en principe opposé à ce que le gouvernement a fait vendredi ». Mais laisser le choix aux propriétaires de conserver leurs armes serait-il un moindre mal ? M. Scheer n’a pas répondu directement. « Faut-il que certaines personnes fassent l’objet d’une clause grand-père ? Nous appuierons toute mesure protégeant les droits des propriétaires d’armes respectueux des lois, et nous nous opposerons aux autres. »
La nécessité d’obtenir l’appui d’au moins un des trois partis d’opposition explique peut-être qu’après avoir affirmé que son programme de rachat serait volontaire, le gouvernement libéral a tenté de nuancer cet aspect en fin de semaine, pour éviter de les rebuter.
Le gouvernement fédéral ignore combien d’armes désormais interdites sont déjà en circulation au pays. Dans la catégorie des armes auparavant à « autorisation restreinte » devenues prohibées, il y en aurait 105 000. Mais à celles-là s’en ajoutent bien d’autres, non dénombrées, puisque plusieurs des modèles devenus illégaux étaient auparavant sans restriction et n’étaient plus enregistrés depuis l’abolition du registre des armes d’épaule.
Pour cette raison, et aussi parce que les paramètres du programme n’ont pas encore été arrêtés, le gouvernement ne sait pas combien le rachat pourrait coûter. En campagne électorale, le Parti libéral avait prévu une somme de 200 millions de dollars à cette fin. Certains prédisent que ce sera beaucoup plus. M. Trudeau assure toutefois que le coût ne sera pas l’argument décisif pour rendre ou non le rachat obligatoire. « Je pense qu’il y a bien des facteurs à regarder, mais pour moi, ce n’est pas vraiment une question de coût. La sécurité des Canadiens, c’est une priorité absolue et on va faire ce qui est nécessaire. »