Finalement, j'y reviens. Je m'étais dit que je ne le ferais pas. J'étais abasourdi par la débauche de récupération de tout le monde et des autres. Adeptes du multiculturalisme canadien engourdis par la Loi sur les langues officielles, ministres libéraux qui laissent l'anglais s'imposer comme la langue commune, mais aussi nationalistes qui n'y vont pas de main morte, tout le monde — peut-être même nous — veut sa part de ces trois quarts des Québécois qui réprouvent le choix de la Sainte-Flanelle.
Lorsque le Canadien de Montréal a remplacé Jacques Martin par Randy Cunneyworth derrière le banc, on a bien senti venir la tempête. Tout juste avant Noël, avec les récents débats linguistiques en plus! Dans quelle autruche les frères Molson avaient-ils la tête en mettant un entraîneur unilingue — unilingue anglais, il va sans dire — à la barre du Canadien?
Ils avaient la tête au hockey et au business, je suppose. Bien assis sur le monopole que représentent les Canadiens de Montréal, seule franchise de la LNH au Québec, le français, au fond, et ce n'est pas récent, ils s'en moquent. Il n'y a pas de complot ourdi contre la nation québécoise là-dedans. Tout juste la certitude tranquille que les Québécois ne se feront pas respecter. Pas davantage cette fois-ci que les autres.
Les Québécois ne se comporteront pas comme des clients outrés. Ils n'imposent pas d'être respectés même si, au quotidien, ce sont eux qui paient le salaire de l'entraîneur et le salaire des joueurs, et eux aussi qui achètent des citernes de la bière que commercialisent les propriétaires de l'équipe.
Bien sûr, une autre franchise de la LNH au Québec casserait cet importun monopole, mais ça, c'est une autre affaire que les amateurs de hockey comprennent bien, surtout ceux de Québec.
À l'idée saugrenue que le Québec ne développe pas les talents nécessaires pour qu'un plus fort pourcentage des joueurs ou que l'entraîneur puissent s'exprimer dans ma langue, plusieurs opposent le défi de former une équipe nationale du Québec. Il existe des États fédérés qui le font, avec l'aval des fédérations internationales. Ainsi, l'Équipe nationale du Québec affronterait une équipe canadienne, sans ses joueurs québécois, l'équipe américaine et n'importe quelle autre.
Je crois que nous lancerions sur la glace un club hautement compétitif, capable de rivaliser, et peut-être même de battre ses adversaires. Vous en imaginez les joueurs avec le même enthousiasme que moi. C'en serait fait de cette théorie injurieuse quant à notre talent sur le banc comme derrière le banc et le français y gagnerait une position de prestige, à Montréal comme ailleurs.
À ceux qui disent que les Alouettes et l'Impact n'ont pas à vivre ce handicap linguistique, je dis qu'il est dommage qu'il en soit ainsi, mais je dis aussi que personne ne niera que le hockey a au Québec une valeur identitaire et un poids culturel auxquels aucun autre sport ne peut prétendre. Tout cela dit, jusqu'à quel point est-il question de hockey ici?
Christine St-Pierre et Line Beauchamp sont montées aux barricades pour dénoncer, s'indigner, vilipender. Où étaient-elles lorsque leur premier ministre a choisi, à l'encontre des avis des experts, enseignants et parents, d'imposer l'immersion en anglais à tous les enfants de sixième année? Où étaient-elles lorsque plus de 130 plaintes ont été déposées à l'Office québécois de la langue française quant à des infractions dans la circonscription même de la ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française? Où sont-elles lorsque la ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles maintient un seuil d'immigration à 50 000 par année alors qu'il est patent que nous ne sommes pas capables de leur rendre le service de les intégrer en français et pas davantage en emploi? Où sont-elles depuis des semaines alors que les cas de patrons qui imposent par leur autorité la langue anglaise à leurs employés, en contravention de leurs droits et de la loi, se multiplient? Où sont-elles lorsque ce sont des institutions publiques québécoises qui s'anglicisent?
Si les tenants du bilinguisme canadien, de l'ADQ et de la CAQ, et si les libéraux de Québec veulent une part de cette dinde linguistique servie à point pour Noël, qu'ils se mettent à table et acceptent que soient restaurés l'esprit et l'intention de la Charte de la langue française dont ils permettent le dépeçage depuis bientôt 35 ans.
Je dénonce donc cette récupération. On dira que de ma part, c'en est aussi. Je réponds que la volonté et les engagements du Parti québécois sont clairs et que nous n'attendons que le mandat de les mettre en oeuvre.
Souhaitons que l'année 2012 nous donne, à tous, l'occasion de restaurer notre langue nationale partout où elle est menacée, tout comme je souhaite une année heureuse et prospère à tous les Québécois.
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Yves-François Blanchet, député de Drummond et porte-parole de l'opposition officielle en matière de langue
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