Depuis 28 ans, Revenu Québec perçoit tant la TPS que la TVQ. Il faut maintenant passer à l’autre étape: confier à Revenu Québec la perception de l’impôt sur le revenu.
Avec un seul rapport d’impôt, les Québécois couperaient de moitié les 300 M$ qu’ils paient actuellement pour faire produire leurs deux déclarations. Idem pour les entreprises, qui dépensent 400 M$ en relations avec deux administrations fiscales. Sans compter la perte d’efficience découlant d’administrations dont le travail se dédouble partiellement.
En mai dernier, l’Assemblée nationale du Québec demandait unanimement que les contribuables n’aient qu’une seule déclaration de revenus à produire et que Revenu Québec s’en charge.
Les libéraux fédéraux se sont dits prêts à «étudier la chose». Les conservateurs disent appuyer l’idée.
Malgré cette apparente ouverture, permettez-nous de douter. Pourquoi? La réponse est aussi simple que révoltante: Ottawa nous permettrait de lutter contre les paradis fiscaux. Jamais les banques torontoises ne le permettront.
Actuellement, Québec est libre d'avoir son propre régime fiscal... sauf en matière de fiscalité internationale, où il n'est qu'en liberté conditionnelle : libre à condition de faire la même chose qu'Ottawa.
Pour appliquer la Loi de l'impôt, il faut avoir accès aux renseignements fiscaux des contribuables. L'État ne peut imposer des revenus dont il ignore l'existence. En fiscalité internationale, ça passe par les traités fiscaux et les accords de partage de renseignements.
Or, ces traités, signés par Ottawa, interdisent aux pays étrangers de partager des renseignements avec d’autres partenaires que le gouvernement fédéral et les seuls renseignements qu'ils peuvent divulguer sont ceux qui permettent d'appliquer la loi fédérale de l'impôt.
Tant que la loi québécoise est calquée sur celle d'Ottawa, on a accès à l'information. Le jour où la loi québécoise en déroge, on n'a plus accès à l'information et on ne peut plus l'appliquer.
Un rapport d'impôt unique géré par Québec nécessiterait qu’Ottawa informe les pays étrangers (incluant les paradis fiscaux) qu'ils doivent partager les renseignements fiscaux avec Québec. Mais la place financière torontoise fera tout pour que ce projet déraille.
Le Canada est l'un des plus importants utilisateurs de paradis fiscaux au monde et au premier chef, ses banques. Il y a trois ans, le FMI révélait que 80 % de tous les actifs bancaires à la Barbade, à la Grenade et aux Bahamas sont détenus par trois d’entre elles: la Royale, la Scotia et la CIBC.
D’ailleurs, Ottawa résiste déjà en invoquant d’hypothétiques pertes d’emplois en région en guise d’épouvantails servant à justifier son refus.
Seulement 11 % des employés de l’Agence du revenu du Canada sont au Québec. Et 27 % d’entre eux devraient prendre leur retraite d’ici trois ans. Un Revenu Québec amélioré embauchera du personnel et aura plus de ressources puisqu’Ottawa paiera Québec pour ses services de perception.
En clair, tant pour des raisons d’autonomie, d’efficacité, d’économie que d’équité, confions à Revenu Québec le soin de prélever l’ensemble de nos impôts. On n’est réellement jamais mieux servi que par soi-même.
Yves-François Blanchet, chef du Bloc québécois
Gabriel Ste-Marie, député bloquiste de Joliette