Mon dieu : c’est moi !

Et depuis que la société québécoise a délaissé les églises, le trou ouvert par le vide spirituel, idéologique et moral n’a eu de cesse de s’agrandir.

Tribune libre 2008

Le mot dieu est écrit ici avec un d minuscule et ce n’est pas pour rien. La
pensée humaine a horreur du vide. Et depuis que la société québécoise a délaissé les églises, le trou ouvert par le vide spirituel, idéologique et moral n’a eu de cesse de s’agrandir. Cette situation a poussé bon nombre de
membres de la société vers d’autres « dieux » Cet état de faits se vérifie
aussi à travers toute la société occidentale et dans la plupart les pays
qui la composent.
Parmi ces « dieux de services », on retrouve bien entendu la drogue,
l’argent et les habitudes sexuelles dépravées. Mais il y en a également
plusieurs autres tout aussi toxiques. Ces « dieux » là sont plus
pernicieux, plus insidieux, plus sournois.
***
Il y a d’abord la consommation. Les centres d’achats ouvrent maintenant le
dimanche et les voitures que l’ont voyaient jadis dans les stationnements
des églises garnissent aujourd’hui les « parking » des centres d’achats. La
société et en particulier les ménages sont plus endettés que jamais. Aux
USA, cette situation a atteint un point si critique, qu’elle en est rendue
à pousser ce pays au bord d’une crise économique majeure.
Le deuxième « dieu » c’est celui des loteries, des jeux vidéo et des
casinos. Les jeunes sont devenus « indécroutables » de leur fauteuil d’où
ils jouent pendant des heures à des jeux qui sont parfois d’une violence
inouïe. Quant aux loteries et casinos, ils écument les poches d’un nombre
incalculable de gens, Parmi eux, des jeunes mais aussi des personnes âgées
qui s’ennuient. C’est ainsi que ces appareils sont en train de réduire à
l’état de clochard certaines de ces personnes qui ont travaillé toute leur
vie et que la vieillesse rend fragiles et abandonnées.
Parlant de violence, il s’agit ici du troisième « dieux ». Une étude
révélait récemment qu’avant la fin de ses études secondaires, un enfant
aura pu voir à la télé ou autrement plus de 8000 meurtres et près de 100
000 agressions. La violence dans les gestes et les propos est présentement
très à la mode. La violence dans le sport est devenue quant à elle la norme
tacitement acceptée. Comment se fait-il pourtant que des bagarres soit
tolérées dans les arénas alors que ce type d’agression est réprouvé par le
code criminel ?
Le quatrième « dieu » est le fanatisme populiste idéologique. Ce « dieu »
est de très loin le plus dangereux de tous. Il ramène la société au moyen
âge par des pensées populistes véhiculées en privé ou en public. Il fait
une place de choix au racisme, à l’homophobie et à la stigmatisation des
personnes. Ce courant de pensée fascisant semble en apparence nouveau mais
il n’en est rien. Il prend ses racines dans les courants d’extrême droite
qui ont parsemé le paysage idéologique du 20ième siècle.
Le rejet de toute morale collective au profit d’une définition
individuelle et surtout à la carte du bien et du mal, la lutte doctrinaire
en faveur de la laïcité par des attaques incessantes contre les clercs ou
les croyants, le courant en faveur du retour de la peine capitale,
l’opposition au contrôle des armes à feu, la néo-liberté à outrance
permettant l’accroissement scandaleux de la richesse personnelle au
détriment des plus pauvres, la guerre médiatique contre les programmes
sociaux, contre le concept de bien commun et contre la protection de
l’environnement sont autant d’idées diaboliques qui découlent de la perte
du sens des valeurs, la disparition de la culture et la désintégration
massive du tissus social.
Ce dernier « dieu, » qui est le plus calamiteux de tous, trouve
principalement ses prêtres dans la communauté journalistique et les médias.
André Arthur, Jeff Filion, Gilles Parent, Richard Martineau, Patrick
Lagacé, autant d’apôtres du soi-disant « gros bon sens » qui répandent ce
poison lors de leurs grandes messes médiatiques. Les adeptes subissent
quant à eux l’incessant lavage de cerveaux et répercutent sans aucun sens
critique la pensée fast-food de leur gourou et ce, à la manière de
véritables groupies suivant leur rockers favoris. Ils sont légion, les
adeptes inconditionnels de ces preachers nouveau genre qui ont récemment
plongé le Québec dans l’hystérie collective sur les accommodements
raisonnables. L’indiscutable et venimeuse influence dont ils sont victimes
est à l’origine de la commission Bouchard-Taylor, véritable fourre-tout
d’inepties qui restera dans l’histoire comme étant un des sommets en
matière d’irresponsabilité gouvernementale.
En effet, comment a-t-on pu laisser un débat dérailler de la sorte au
point de faire du Québec une risée historique et planétaire ? La seule
explication ne peut être que dans la division que souhaitent obtenir ceux qui
veulent régner le plus longtemps possible sur ce peuple. Car, ce que l’on
retiendra de l’infecte commission Bouchard-Taylor, ce sera les épisodes de
médiocrité sociale et de xénophobie. Et nul n’ignore le braquage qui risque
d’en découler. On aurait voulu monter les Québécois et les immigrants les
uns contre les autre que l’on n’aurait pas fait mieux. Géniale division
pour celles et ceux qui veulent la mort de ce peuple!
Toutes ces idées et les vipères qui les véhiculent s’enrobent et se
protègent sous le manteau de la liberté d’expression et peinturent leurs
idées d’un conservatisme que l’on croit de bon aloi, lui conférant ainsi
légitimité et acceptabilité sociale. Mais sous cette façade, on retrouve
les mêmes levures ajoutées aux gâteaux du fascisme, du nazisme et qui,
encore aujourd’hui, propulse le Front national en France. Chez nous on
nomme ça autrement. Cela s’appelle le Parti républicain, le Parti
conservateur et l’Action démocratique du Québec (ADQ). Attiré lui aussi par
la bonne odeur de ce purin social, le Parti québécois est également tombé
dans le panneau identitaire et s’est fait piéger comme une mouche sur un
papier collant. Au lieu de faire la promotion de son option, il nous a
présenté son dégueulasse projet de loi sur l’identité québécoise. Si on
cherchait l’origine de la bonne humeur du Premier Ministre Jean Charest, on
a maintenant la réponse. Les partis d’opposition sont tous allés se vautrer
dans la merde !
***
Quand une société n’a plus aucun point de repère, elle se laisse entraîner
dans une spirale haineuse sur des débats identitaires, une dérive initiée
par des médias en quête incessante de sensation pour abreuver un peuple qui
se cherche. Ce peuple est déboussolé, sans gouvernail et n’a aucun sens à
donner à son action collective. Incapables de nous définir nous-mêmes, nous
errons dans nos propre pensées et croyances personnelles que l’on voudrait
bien imposer aux autres. Comme on l’a vu, malheureusement, certains y
parviennent avec des résultats probants. En plus de nous faire croire que
l'ennemi est à nos portes, ils ont réussi à convaincre beaucoup d’entre
nous que le mal, c’est ce qui personnellement nous déplait et que le bien,
c’est ce qui fait à chacun son affaire. Autrement dit : mon dieu, c’est moi
! (avec un petit d)
Daniel Lévesque

http://chasseauxconnards.blogspot.com/
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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    10 janvier 2008

    D'accord avec vous monsieur Lévesque.
    Pour combattre ce mal dans les conditions actuelles, nous devrons revenir plusieurs millénaires en arrière, au temps de l'Exode, alors qu'Égytiens et Hébreux étaient d'accords pour le maintien de l'inféodation servile et acceptée des seconds et de la dépendance quasi absolue des premiers sur leurs esclaves.
    Aujourd'hui, les esclaves sont mécaniques et nous placent dans une dépendance encore plus critique.
    Quant à la Foi en l'existence et la vie, nous devons revenir aux définitions primitives exprimées par les chefs de l'époque, dont Moïse et Aaron, notamment: que l'Existence est Relation en Acte et en Puissance; que l'ÊTre est Incréé, Insaisissable et Innommable; que la morale est la science et l'art du bonheur humain et que le bonheur est la qualité d'une vie complète, ainsi que l'enseignait Aristote.
    Lorsque la sophistique et les sophismes ont détruit une civilisation, il faut recommencer à
    partir des données les plus primitives.
    En ontologie et épistémologie, il s'agit de remettre l'altérité à sa place. Il y aura un Je et un Tu, un Moi, un Soi, un Nous et un Vous et ce sera autre chose.
    René MarcelSauvé, géographe
    Montréal.