Lettre à la Sarah Palin québécoise, Nathalie Elgrably

Gauche-Droite : le débat


Très chère Nathalie,

On ne s’est jamais rencontrés. Sachez que je le regrette énormément. J’ai cru comprendre en lisant votre chronique de ce jeudi dans le Journal de Montréalque je vous avais causé un chagrin.

[Lisée] y va d’une affirmation qui dévoile son incompréhension des motivations des pourfendeurs de l’étatisme. Il écrit: «On sent bien qu’une droite québécoise carbure à la détestation du Québec, à la détestation de soi. Il y a une joie non feinte à présenter le Québec comme retardataire, tribal, paresseux.»

Vous expliquez ensuite que vous aimez tellement le Québec que vous acceptez la tâche ingrate d’en dénoncer toutes les faiblesses, pour son bien. C’est votre “tough love”. Ce serait tellement plus facile, et moins aimant, expliquez vous, d’en dire du bien, comme je le fais.
Dans le peloton de tête!
Chère Nathalie, je ne demande qu’à vous croire. Et c’est pourquoi j’annonce officiellement que vous êtes désormais dans le “peloton de tête” des mes chroniqueurs québécois favoris.
Je vous avais critiqué hier, dans Pourquoi la droite aime les hauts taux de suicide, car j’avais noté que vous n’aviez rien trouvé de mieux à faire, la veille, qu’à remettre en ligne un tableau fautif affirmant à tort que le Québec avait le 5e plus haut taux de suicide au monde.
Je me suis demandé ce qui poussait une amoureuse du Québec comme vous à diffuser de toute urgence cette information, tel un réflexe pavlovien, de peur que mon chiffre (nous ne sommes que le 26e) ne puisse détromper les Québécois sur l’ampleur de l’abîme dans lequel les pousse l’étatisme.
Je vous ai reproché de ne pas avoir fait un travail sérieux de vérification. Me voici donc ravi, chère Nathalie, de constater que vous avez répondu à mon appel et que vous avez fait chauffer votre fureteur et vos fichiers Excels pour un nouveau billet de blogue.
Vous y confirmez — c’était facile, il suffisait de regarder les chiffres de l’Organisation mondiale de la santé — que, effectivement, nous ne sommes que 26e sur 105 pays. Cette confirmation, venant d’une économiste sénior de l’IEDM, m’honore.
Puis, en grande amoureuse du Québec, voici comment vous interprétez cette donnée:
elle signifie que sur 105 pays, à peine 25 ont un taux de suicide supérieur ou égal au notre, tandis 80 pays ont un taux de suicide plus faible que le notre! Nous sommes donc dans le peloton de tête, i.e dans le top 25%. Y a-t-il vraiment de quoi célébrer?

Attendez, attendez, Nathalie… Chaque semaine, je m’échine à dénicher des statistiques qui démontrent que le Québec est second en ceci, cinquième en cela. Et tout ce temps là, le “peloton de tête” pouvait inclure la 26e place ?
Mais pourquoi ne pas me l’avoir dit avant ? Si c’est vrai, le Québec est dans le peloton de tête en presque tout, chère Nathalie, presque tout !
Bon, je ne sais pas si c’est vraiment une marque d’amour du Québec d’insister pour dire qu’il est dans le “peloton de tête” d’un des pires palmarès qui soit, alors qu’il n’est que 26e. Je ne le dirai pas. Je vous laisse juge de votre conception de l’amour.
Mais permettez-moi de vous retourner au moins la moitié d’un compliment que vous m’aviez fait, naguère, dans une de vos chroniques. Vous aviez écrit que j’étais un “idiot utile”. Je me contenterai de dire de vous, très chère Nathalie, que grâce à votre nouvelle définition du peloton de tête, vous êtes très, très utile.
Bien amicalement,
_ Et dans l’espoir de pouvoir un jour jaser de vive voix,
_ Votre tout dévoué,
Jean-François

Squared

Jean-François Lisée297 articles

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Ministre des relations internationales, de la francophonie et du commerce extérieur.

Il fut pendant 5 ans conseiller des premiers ministres québécois Jacques Parizeau et Lucien Bouchard et un des architectes de la stratégie référendaire qui mena le Québec à moins de 1% de la souveraineté en 1995. Il a écrit plusieurs livres sur la politique québécoise, dont Le Tricheur, sur Robert Bourassa et Dans l’œil de l’aigle, sur la politique américaine face au mouvement indépendantiste, qui lui valut la plus haute distinction littéraire canadienne. En 2000, il publiait Sortie de secours – comment échapper au déclin du Québec qui provoqua un important débat sur la situation et l’avenir politique du Québec. Pendant près de 20 ans il fut journaliste, correspondant à Paris et à Washington pour des médias québécois et français.





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