(Québec) Est-ce que péquistes et caquistes se soucieraient autant de ce qui se passe dans les abattoirs et de l'étiquetage des aliments si ces dossiers ne leur permettaient pas de parler des «valeurs québécoises» et de s'afficher comme leurs grands défenseurs auprès de ceux qui craignent l'envahissement des autres religions en sol québécois? Il est permis d'en douter.
Difficile de ne pas présumer d'autres intérêts que la protection des animaux et le droit des consommateurs de savoir ce qu'ils mangent dans les récentes sorties publiques du Parti québécois et de la Coalition avenir Québec.
Ce n'est pas récent que des abattoirs de la province procèdent selon des rites religieux pour fournir de la viande halal sur les marchés. Ce n'est pas d'hier et ce n'est pas non plus exceptionnel que des produits casher soient vendus au Québec. Ce ne sont pas non plus les seuls cas où l'étiquetage est déficient (pensons notamment aux produits contenant des OGM). Pourquoi les pratiques entourant les aliments casher et halal deviennent-elles tout d'un coup si inquiétantes si ce n'est que pour tenter de se faire du capital politique en prévision des prochaines élections?
Le critique péquiste en matière d'agriculture et d'alimentation, André Simard, se défend bien d'en faire une question identitaire. Pourtant, il affirme et inscrit dans un communiqué que l'abattage selon des rites religieux «heurte de plein fouet les valeurs québécoises». Il parle aussi d'un accommodement déraisonnable.
La CAQ tire sur les mêmes fils. «Le non-étiquetage de la viande halal ou casher est un autre exemple d'accommodement difficilement compatible avec les valeurs québécoises. En évacuant le débat sur les accommodements religieux, le gouvernement libéral est encore une fois à l'encontre de la volonté des Québécois», soutient le porte-parole en matière d'immigration et communautés culturelles, Benoît Charette.
On s'éloigne manifestement de l'étiquetage des aliments, du libre choix des consommateurs et de la salubrité de la viande et de la cruauté animale. Non pas que ces questions ne soient pas importantes. Au contraire. Le péquiste Simard s'avance d'ailleurs imprudemment en remettant en question la salubrité de la viande halal. Croit-il vraiment que les inspecteurs québécois et fédéraux fermeraient les yeux sur des pratiques qui risqueraient de rendre malade la population? Il serait aussi fort étonnant que les inspecteurs tolèrent la cruauté animale.
Tout le monde par ailleurs souhaite que le consommateur puisse disposer de plus de renseignements lorsqu'il achète un produit. Il doit être également informé que le prix d'un aliment peut être plus élevé s'il est produit selon certaines spécificités qui engendrent des coûts supplémentaires.
C'est l'amalgame que l'on fait de ces questions avec les valeurs québécoises et les accommodements raisonnables qui est de mauvais goût.
La place du religieux et les accommodements raisonnables sont des sujets sensibles que la défunte ADQ avait exploités à fond. Tout devenait déraisonnable et suspect. Souvenez-vous de ces cabanes à sucre accommodantes dont les propriétaires retiraient, bien volontairement, le porc de la soupe aux pois pour attirer une clientèle plus large. En 2007, le gouvernement Charest avait mandaté la commission Bouchard-Taylor pour mettre le couvercle sur la marmite.
Cinq ans plus tard, il est normal que le dossier fasse de nouveau la manchette parce que les libéraux n'ont pas toujours une position cohérente. Des choses doivent être précisées. Mais, de grâce, qu'on mène politiquement et socialement le débat de façon responsable et rationnelle, sans calculer le nombre de votes qu'on peut en tirer.
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