Il en faut du temps pour se décoloniser. Encore aujourd'hui, il s'en trouve pour nommer ce lundi de congé, fête de la reine. Il est vrai que pendant un siècle et demi on nous a demandé de prendre congé le lundi précédant le 24 mai en l'honneur de la reine Victoria. En effet, c'est en 1845, que le parlement issu de l'abolition des institutions du Canada français (Bas Canada), suite au rapport Durham qui avait recommandé de créer un seul parlement pour les deux Canada, que la fête fut instituée. Essentiellement pour célébrer la monarchie et oblitérer les luttes pour la démocratie.
1845. La couronne d'Angleterre est sur les dents. Les colonies anglaises au sud du Canada se sont regroupées, ont proclamé leur indépendance et sont devenues les État-Unis d'Amérique. Le Canada français n'a toujours pas accepté la défaite de 1759. Il a refusé le serment du test. On a été obligé de restaurer les institutions françaises (1774). Puis de leur donner un parlement (1791). Et ils veulent maintenant un gouvernement responsable (élu par le peuple et redevable à celui-ci). Ils se sont même rebellés (1837-1838). Durham a porté un grand coup en proposant l'assimilation par la disparition des institutions françaises et leur fusion dans celles du Haut-Canada. En se croisant les doigts pour que cette fois-ci soit la bonne. La création de la fête de la reine Victoria s'inscrit dans ce contexte. Et au fil du siècle et demi nous l'avons massivement intégrée. C'est l'effet patent du processus de colonisation. Il en existe encore des centaines et des milliers.
Bernard Landry fut génial en répondant positivement à la pétition de 1,116,000 citoyennes et citoyens qui exigeaient que la fête de la reine soit remplacée par la Journée nationale des Patriotes. Ce faisant, il nous a été proposé de célébrer exactement le contraire de ce que nous avons célébré pendant un siècle et demi. Nous célébrons la démocratie et non la monarchie. Nous portons honneur à celles et à ceux qui se sont battus pour son avènement et qui y ont laissé leur vie. Et nous répudions ceux et celles qui l'ont toujours combattue. Fusse-t-elle reine!
Les Patriotes se sont battus pour la démocratie. Ils étaient massivement d'origine française mais pas exclusivement. Ils étaient aussi d'origines irlandaise, américaine et autre. Leur projet était celui d'un peuple qui voulait se libérer de la tutelle coloniale. Par la démocratie. Par l'indépendance. Des valeurs extraordinairement modernes que nous prenons trop facilement pour acquise pour l'une et négligeable pour l'autre.
Les démocraties vacillent aujourd'hui sous la pression des pouvoirs d'argent corrupteurs qui démoralisent la participation citoyenne. C'est vrai ici. C'est également vrai dans bien des coins de la planète. À ce jour, les démocraties fortes se sont déployées à partir de cadres nationaux . L'indépendance en étant un attibut. Dans les vingt cinq dernières années la planète aura vu une trentaine de peuples naître à la démocratie à partir du recouvrement de leurs souverainetés.
C'est dire qu'encore en 2010 le combat des Patriotes conserve toute son actualité. Et que leur Journée nationale a tout son sens.