Isabelle Paré - Marquée par le 175e anniversaire des résolutions de 1834, la Journée nationale des patriotes a revêtu hier un caractère exceptionnel. Lancée en mi-journée par une marche et un spectacle au Mont-Royal courus par des centaines de patriotes et de badauds de tous âges, l'événement s'est clos par une soirée commémorative lors de laquelle ont notamment été honorés les ex-ministres Jacques-Yves Morin et Louise Beaudoin.
Le président de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal (SSJBM), Mario Beaulieu, a par ailleurs accusé le premier ministre Jean Charest de s'en tenir «au strict minimum» pour les célébrations de cette journée. Rencontrés peu avant la soirée de gala, Gilles Duceppe et Pauline Marois ont abondé dans le même sens, soulignant le «peu d'intérêt» de Jean Charest pour la fête instaurée sous l'égide d'un gouvernement péquiste. Ce jour férié, anciennement la fête de la reine Victoria puis la fête de Dollard, a été proclamé «Journée nationale des patriotes» en 2002 par le gouvernement de Bernard Landry. «Ça m'inquiète un peu, a dit Mme Marois, on ne peut pas être premier ministre sans mettre en valeur tout ce pan de notre histoire. C'est le rôle de l'État de rappeler ces faits historiques fondateurs.»
Dès 13 h, sous un vent frisquet, des centaines de personnes ont convergé au Pied-du-Courant, à l'Angle De Lorimier et Notre-Dame, là où ont été incarcérés et exécutés douze des patriotes ayant participé au soulèvement de 1837. À l'invitation des Jeunes Patriotes du Québec, des centaines de jeunes et de moins jeunes s'étaient pressés à la vigile qui, chaque année, se termine par la lecture du testament de Chevalier de Lorimier.
«Vive la liberté, Vive l'indépendance!», a lancé Maxime Laporte, un jeune étudiant en droit de l'Université de Montréal, appelé à lire les célèbres paroles couchées sur papier par De Lorimier avant de monter sur le gibet.
Dans la foule, on dénombrait beaucoup d'étudiants, de jeunes familles et quelques têtes blanches. «Moi, j'ai toujours été souverainiste et je suis contente de voir tous ces jeunes qui sont ici pour se remémorer cet événement majeur de notre histoire», affirmait hier Victoire Simoneau, une octogénaire, fleurdelisé à la main.
Cours d'histoire
Mario Beaulieu a aussi profité de l'événement pour déplorer les changements apportés au programme scolaire des élèves du secondaire qui, à son avis, passe presque sous silence l'épisode majeur des rébellions du Bas-Canada. «Le cours d'histoire a été remplacé par un cours d'éducation à la citoyenneté où des pans entiers de notre histoire ont été évacués. L'histoire des patriotes est passée sous silence et occultée», a-t-il vivement déploré.
«On évacue de ce cours tout ce qui implique la confrontation entre les Français et les Anglais, pour privilégier le multiculturalisme. Nous prônons plutôt l'interculturalisme», a défendu le président de la SSJBM. À son avis, il est primordial que l'on apprenne aux jeunes Québécois que les sources de la démocratie québécoise remontent aux luttes menées par les patriotes pour obtenir des représentants dûment élus par le peuple et des droits égaux. Une opinion partagée par Louise Beaudoin, rencontrée par Le Devoir juste avant de recevoir le prix Patriote féminin. «La Journée des patriotes a un sens pour moi, un sens qu'on ne retrouve pas dans les cours d'histoire. On n'a pas de nation sans histoire», a-t-elle résumé.
Un cortège compact d'environ 300 personnes a ensuite emprunté l'avenue De Lorimier pour se rendre au parc du Mont-Royal où les groupes Capitaine Révolte, Henri Band et Exx-tradition donnaient un spectacle gratuit à saveur patriotique. Quelques personnalités publiques, dont le député péquiste de Sainte-Marie-Saint-Jacques, Martin Lemay, la députée bloquiste d'Ahuntsic, Maria Mourani, et le député de Québec solidaire dans Mercier, Amir Khadir, ont pris part à l'événement.
«Je pense que ces jeunes ont vraiment compris comment sortir les patriotes du folklore en s'intéressant à des enjeux actuels, comme l'environnement et l'emploi», a soutenu le représentant de QS à l'Assemblée nationale. Alors qu'on lui demandait s'il partageait l'objectif de la souveraineté avec ces jeunes militants, Amir Khadir a dit qu'il revendiquait d'abord la liberté, puis l'indépendance dans un sens plus large, notamment celui de la souveraineté économique.
175 ans de revendications
Plus tard, en soirée, un gala tenu par la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal a souligné cet anniversaire tout particulier pour l'organisme patriotique, dont l'histoire est intimement liée aux 92 résolutions de 1834. C'est en effet en 1834 qu'a été fondée la SSJB par Ludger Duvernay, lors d'un banquet à l'occasion duquel ont été entérinées les 92 résolutions adressées au Parlement britannique par Louis-Joseph Papineau et le Parti patriote. Ces résolutions réclamaient notamment une assemblée entièrement élue par le peuple en lieu et place de représentants nommés par l'autorité britannique, plus de pouvoirs pour cette assemblée et des droits égaux à ceux des sujets anglais pour le peuple canadien-français. C'est aussi lors de ce banquet historique que la SSJB dota le peuple canadien-français d'une fête nationale.
Hier soir, les grandes palmes patriotiques ont d'ailleurs été remises à Mario Beaulieu au nom de la SSJBM, pour ses 175 années d'existence et de militantisme. Présidé par Yves Duhaime, ce gala a décerné le prix Louis-Joseph-Papineau à Jacques-Yvan Morin, ancien vice-premier ministre et ministre dans le cabinet Lévesque, alors que le prix Patriote féminin Marie-Victoire-Félix-Dumouchel a été remis à Louise Beaudoin, députée de Rosemont et ancienne ministre du Parti québécois.
L'ex-président de la SSJBM, Gilles Rhéaume, aujourd'hui porte-parole des descendants des patriotes, a pour sa part reçu le prix Chevalier-de-Lorimier. Enfin, le prix Napoléon-Aubin, accordé à un artiste québécois pour sa contribution à la culture et à la fierté québécoises, a été décerné à l'auteur-compositeur-interprète Richard Séguin.
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Avec Amélie Daoust-Boisvert
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