Les oublis de Mgr Ouellet

Lettre au cardinal Ouellet, aux catholiques lucides, aux agnostiques et aux athées

Tribune libre 2009


Mgr Ouellet, vous ne pouvez porter sur vos seules frêles épaules les fautes de l’Église catholique romaine au grand complet… Il faudrait que tout l’épiscopat d’ici batte sa coulpe à l’unisson pour chaque journée de chaque année séparant 1760 de… 2007 ! Quelques dates et quelques faits significatifs illustreront bien pourquoi.
Durant le siècle qui suivit la défaite de 1759, le clergé canadien-français fait chanter des oraisons ridicules chaque fois que l’occasion se présente de faire l’éloge d’un roi anglais, ânonnant à qui mieux mieux les propos de Saint Paul dans son Épître aux Romains, à savoir qu’ « il n’est point de puissance qui ne vienne de Dieu », condamnant sur cet autel les révolutionnaires français de 1789, ces impies, ces mécréants qui veulent abolir la monarchie de droit divin et fonder une république laïque… En 1838, une fois nos Patriotes bien matés par la soldatesque britannique et alors qu’on s’apprête à les pendre, Mgr Jean-Jacques Lartigue publie un mandement pour « remercier Dieu d’avoir rétabli la tranquillité dans le pays » (!). En 1858, Mgr Ignace Bourget, un illuminé convaincu que la « divine Providence donna la victoire aux Anglais en 1759 », excommunie tous les membres de l’Institut canadien, cette institution laïque qui donnait de l’urticaire aux ultramontains de son acabit. En juin 1867, les évêques de Trois-Rivières, de Québec, de Saint-Hyacinthe et de Rimouski, brandissant l’excommunication, publient un mandement obligeant le peuple, dont l’avis démocratique n’a aucunement été sollicité, à se soumettre à l’acte de fondation du Canada, le British North America Act, qui nous englue d’ailleurs toujours 140 ans plus tard.
Ces exemples éloignés de nous, vous les trouvez caducs ? Rappelons que jamais tout au long du XXe siècle un seul membre du clergé québécois (concédons Lionel Groulx et Jules-Paul Tardivel) n’a appuyé le désir d’émancipation d’une part importante des Québécois, même dans ces moments fiévreux où il frôlait les 50 %. Qui peut nommer une seule voix catholique ayant appuyé le « oui » en 1980 ? En 1995 ? Impensable : appuyer tous les establishments demeure aujourd’hui plus que jamais l’unique voie autorisée par une institution vouant déjà un culte maladif à sa propre hiérarchie.
Formidable puissance au service du statu quo, le clergé canadien-français a en somme, jusqu’à 1867, appuyé sans jamais rougir de honte le colonialisme britannique. Pour s’en convaincre, il suffit de lire l’anthologie Un siècle de collusion entre le clergé et le gouvernement britannique dans laquelle Adrien Thério détaille les mandements des évêques de la conquête anglaise à la fondation du Canada. Et depuis cette date ? Le fédéralisme le plus centralisateur demeure leur option favorite.
L’autre péché inavouable et inexcusable de l’Église se résume à son prêche continuel envers la pauvreté matérielle de ses fidèles. Pendant qu’elle démonisait l’argent au point de l’associer à Satan, le Vatican, de son côté, croulait sous tant de richesses que les protestants, à l’instar du moine allemand Luther, finirent par s’en dégoûter. Pendant ce temps, les protestants d’ici, morts de rire, s’appropriaient les richesses délaissées par nos bons catholiques canadiens- français sans se faire enquiquiner par quiconque… Au contraire, leurs pasteurs, lucides, les bénissaient d’ainsi s’emparer de l’industrie et du commerce. Obéissants et soumis, nous préférions aller défendre les états convoités par le Vatican déguisés en zouaves pontificaux grotesques.
Ce retard imposé aux Québécois par l’à-plat-ventrisme de leur clergé, ils ne s’en sont pas encore remis. Chose certaine, des excuses molles qui escamotent le cœur du problème ne pourront jamais effacer les conséquences incalculables de l’aveuglement réactionnaire d’un clergé ultraconservateur. Aveuglement tel qu’il l’a poussé à maintes reprises à mener le peuple dont il était issu à l’abattoir, tout en lui faisant chanter des cantiques. À cet égard, le passé est garant de l’avenir et la méfiance de mise : une rechute demeure possible.
Jean-François Vallée
Québec, le 27 novembre 2007

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Jean-François Vallée est professeur de littérature québécoise et française au niveau collégial depuis 1995. Son ambition de pédagogue consiste à rendre les étudiants non seulement informés mais objectivement fiers de la culture dans laquelle ils vivent. Il souhaite aussi contribuer à les libérer de la relation aliénante d'amour-haine envers leur propre culture dont ils ont hérité de leurs ancêtres Canadiens français. Il a écrit dans le journal Le Québécois, est porte-parole du Mouvement Quiébec français dans le Bas-Saint-Laurent et milite organise, avec la Société d'action nationale de Rivière-du-Loup, les activités de la Journée nationale des patriotes et du Jour du drapeau.





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