LOI 96

Réforme de la loi 101 : Une schizophrénie linguistique qui vient de haut

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Refuser la francisation des collèges, c'est accepter l'anglicisation du Québec

L’auteur habite La Pocatière


J’ai écouté attentivement votre conférence de presse du 13 mai dernier pour présenter le Projet de loi 96 sur la langue officielle et commune du Québec, le français. Si on prend la peine de se farcir aussi le long bout en anglais, tout se gâte : vos intentions deviennent contradictoires. À vous entendre, on jurerait que votre véritable intention était d’annoncer le projet de loi : Les langues officielles et communes du Québec, le français et l’anglais


Si le projet de loi 96 affirme, timidement, le fait français, il était désolant de vous entendre vous empresser d’ajouter, en anglais, en réponse aux questions des journalistes anglophones, votre souhait équivalent de renforcer l’enseignement de l’anglais au primaire et au secondaire, comme pour compenser vos demi-audaces d’affirmation trop tranquille…


Aussi désolante était votre confession que vous auriez « peut-être dû » vous aussi obtenir un DEC anglais pour « parfaire » votre anglais… Monsieur Legault, vous êtes déjà le premier ministre le plus bilingue des provinces du Canada ! Cet aveu, le jour même où vous annonciez les premières mesures « costaudes » pour renforcer le français depuis plus de 40 ans était proprement ahurissant ! Est-ce votre rôle de gonfler le prestige des études supérieures en anglais ?


Vous avez même dit, et c’est le comble, qu’il ne fallait pas étendre la loi 101 au collégial pour aider les Québécois des régions à maitriser l’anglais aussi bien que les Montréalais… C’est exactement le contraire qu’il urge de faire, soit franciser Montréal pour que les autres Québécois s’y sentent les bienvenus, même s’ils ne sont pas bilingues !


D’où vient ce désir maladif et obsessionnel de renforcer l’anglais dès qu’on ose donner un peu d’oxygène au français ? M. Legault, vous parlez des deux côtés de la bouche, un côté francophone et un côté anglophone, comme Trudeau père jadis, ou Jean Chrétien naguère encore.


Ainsi, vous venez de faire, en anglais toujours, la même promesse que tous les politiciens qui vous ont précédé… Promesse qu’ils ont réalisée, elle, sans « compromis » aucun… En ajoutant des cours d’anglais de la 1re à la 3e année du primaire. En implantant l’anglais intensif en 6e année et des parcours intensifs en anglais au secondaire. En ajoutant deux cours d’anglais obligatoires pour l’obtention d’un DEC. Tant et si bien que jamais dans l’histoire du Québec les Québécois francophones n’ont été aussi bilingues. Conséquence : ce sont ces enfants de l’anglais intensif qui convergent ensuite vers les cégeps anglais. Mais ce n’est manifestement jamais assez : vous avez aussi dit souhaiter généraliser l’implantation de l’anglais intensif en 6e année: belle façon de renforcer le français ! Vous soufflez le chaud et le froid…


Désolé de vous le dire, mais une telle valse-hésitation est le propre des colonisés. Et votre mollesse linguistique ferait de vous un excellent libéral très provincial.


Vous martelez que votre projet de loi est « raisonnable », le fruit « équilibré » d’un « compromis »… Est-ce le temps des compromis quand il s’agit de freiner le recul de notre langue nationale ?


Vous trouvez « raisonnable » de refuser d’étendre la loi 101 au collégial et de maintenir le taux d’admission à 17,5 % de la population pour 8,7 % d’anglophones, même si à Montréal cela réservera pour longtemps presque la moitié des places au réseau anglais, ce qui continuera à angliciser la métropole.


Vous trouvez « équilibré » de condamner ainsi des milliers d’employés francophones et allophones des cégeps anglais de continuer à enseigner en anglais à des francophones et à des allophones, dans une schizophrénie aliénante ?



Augmenter l’anxiété linguistique des francophones


Pensez-y bien : l’ajout de « toujours plus d’anglais » dans notre système est-il la seule voie de salut de notre peuple ? Tout ce que vous arriverez à faire, c’est à augmenter l’anxiété linguistique des francophones.


Simon Jolin-Barrette avait beau jeu de faire le paon en disant que « plus personne ne décidera jamais pour le Québec ». Non, vraiment, laissons le Québec faire lui-même le travail : il est capable de se laisser bilinguiser tout seul, comme un grand, sans réagir.


Vos demi-mesures, trop timides, seront inaptes à renforcer le fait français au Québec. Et vos intentions annoncées in english only la main sur le cœur vont, elles, très certainement faire progresser l’anglais au Québec.


Je m’attendais à des mesures pour renforcer concrètement le français : les quelques-unes que vous proposez seront annihilées par vos promesses d’en faire autant avec l’anglais.


On peut toutefois se réjouir que de plus en plus de professeurs, comme moi, aient joint le Regroupement pour le cégep français pour contribuer à démasquer votre double discours.



Édition numérique de l'aut'journal  https://campaigns.milibris.com/campaign/608ad26fa81b6a5a00b6d9fb/



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Jean-François Vallée91 articles

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Jean-François Vallée est professeur de littérature québécoise et française au niveau collégial depuis 1995. Son ambition de pédagogue consiste à rendre les étudiants non seulement informés mais objectivement fiers de la culture dans laquelle ils vivent. Il souhaite aussi contribuer à les libérer de la relation aliénante d'amour-haine envers leur propre culture dont ils ont hérité de leurs ancêtres Canadiens français. Il a écrit dans le journal Le Québécois, est porte-parole du Mouvement Quiébec français dans le Bas-Saint-Laurent et milite organise, avec la Société d'action nationale de Rivière-du-Loup, les activités de la Journée nationale des patriotes et du Jour du drapeau.