En marge de l’adoption par le Sénat de la loi C-11, qui forcera les géants du numérique à financer et à promouvoir du contenu canadien, le ministre québécois de la Culture et des Communications, Mathieu Lacombe, a annoncé qu’il s’entourerait d’un groupe d’experts qui le conseilleront sur les meilleures façons d’améliorer la place de la langue française dans l’environnement numérique.
Le ministre s‘adressait vendredi en début d’après-midi à plusieurs centaines de convives réunis par le Conseil des relations internationales de Montréal (CORIM).
M. Lacombe s’inquiète du « tragique » recul du français au Québec, mais aussi de la place de plus en plus grande qu’occupent les plateformes de contenus numériques américains dans le paysage culturel local.
« Au moment où on a besoin d’une culture forte pour renverser ce recul du français au Québec, où on a besoin de mieux intégrer et relever le défi d’intégrer tous les néo-Québécois, à ce moment précis, il y a une révolution technologique qui vient mettre la culture québécoise en compétition directe, frontale, avec les cultures du monde entier et principalement la culture américaine », a-t-il souligné, ajoutant qu’il faut encadrer ces plateformes avec tous les moyens à disposition.
Quatre experts du fait français
Le ministre Lacombe reconnaît qu’il se donne un défi « colossal », mais nécessaire.
Pour y parvenir, le ministre a indiqué avoir sollicité lui-même quatre experts de la francophonie, à savoir l’ancienne ministre péquiste de la Culture et des Relations internationales Louise Beaudoin, l’ancien délégué général du Québec à Paris et administrateur de l’Organisation internationale de la Francophonie, Clément Duhaime, la professeure titulaire à la Faculté de droit de l’Université Laval et titulaire de la Chaire de recherche UNESCO sur la diversité des expressions culturelles, Véronique Guèvremont, ainsi que Patrick Taillon, codirecteur du Centre d’études en droit administratif et constitutionnel de l’Université Laval, où il est également professeure titulaire à la Faculté de droit.
Ces experts auront pour mandat de conseiller le ministre sur les différents outils à privilégier et les avenues envisageables, qu’elles soient législatives ou non, pour assurer la pérennité de la langue française et de la culture québécoise.
Leur mandat vise également à déterminer comment défendre la spécificité linguistique québécoise et comment positionner le Québec comme « un leader mondial en matière de promotion de la diversité culturelle ».
Le travail de concertation du groupe s’est amorcé il y a quelques semaines déjà, a indiqué M. Lacombe en marge de l’événement.
Un rapport contenant les principales conclusions devrait être déposé en juin prochain.
Le rôle du fédéral
S’il salue le travail de son homologue au fédéral, Pablo Rodriguez, et l’adoption du projet de loi C-11, le ministre Lacombe a cependant réitéré la compétence du Québec dans la préservation et la promotion de sa langue et de sa culture.
« Ce qu’on fait maintenant, ce n’est pas de nous opposer au travail accompli par Ottawa, a déclaré le député caquiste de Papineau. Au contraire, on cherche à bonifier ce travail avec des lunettes d’abord et avant tout québécoises, au profit de la culture québécoise.
« Je veux être clair : pour le gouvernement dont je fais partie, il est hors de question que l’avenir de la culture québécoise se décide à Ottawa », a poursuivi le ministre, ajoutant que la province était la mieux placée pour savoir ce dont elle a besoin pour défendre sa culture.
Il y a déjà plus de sept décennies que le Québec se bat pour faire survivre sa langue et sa spécificité culturelle, la province étant enclavée dans un continent principalement anglophone, a rappelé M. Lacombe.
Ce combat ne cessera probablement jamais pour cette raison, mais il importe de ne jamais l’abandonner, un échec étant impensable, selon lui.
« Ne pas y parvenir [à défendre notre identité], c’est renoncer petit à petit à notre culture, c’est renoncer à notre langue, a-t-il lâché. On ne peut pas renoncer à être nous-mêmes. »