Dans une annonce tous azimuts, la Coalition avenir Québec a dévoilé dimanche sa politique « en matière de francophonie canadienne », une première au Québec depuis près d’une décennie. Investissements chiffrés en millions de dollars, conférences annuelles et échanges culturels figurent au menu de ce vaste programme.
« C’est bénéfique dans les deux sens », a expliqué la ministre responsable des Relations canadiennes et de la Francophonie canadienne, Sonia LeBel en entrevue au Devoir. « Je nous vois comme une île francophone en Amérique, le Québec. Le reste de la francophonie, ce sont nos berges, nos zones de sécurité. Plus elles vont être solides, plus notre île va s’agrandir. »
Quelques minutes plus tôt, elle présentait à la presse son plan de 75 actions afin d’établir le rôle du Québec dans la défense du français en Amérique. « On a une responsabilité envers nos compatriotes francophones d’ailleurs », a-t-elle souligné.
En résumé, son gouvernement propose de désigner la journée du 22 mars comme « Journée québécoise de la francophonie canadienne » afin de rappeler aux Québécois qu’il « faut soutenir les francophones à travers le Canada », selon la ministre LeBel.
Son cabinet souhaite aussi instaurer un « label francoresponsable », une étiquette permettant de repérer les offres de services en français partout au pays. Cette « identification » n’a pas encore de logo ni de critères précis, mais Mme LeBel espère en faire un porte-étendard du fait français. En entrevue, elle évoque même une route du tourisme francophone en Amérique : « seule l’imagination est une limite ».
Québec accordera aussi davantage de bourses d’études afin de stimuler les échanges entre la Belle Province et les régions francophones et francophiles du Canada. Les Québécois pourront ainsi plus facilement étudier dans les universités franco-canadiennes, et vice-versa pour les étudiants francophones hors Québec.
Pour payer tout cela, Québec « doublera son soutien financier d’ici l’année 2024-2025 ». Cela représente des dépenses supplémentaires de 8 millions de dollars sur trois ans, pour un total de 24,5 millions de dollars.
Continuer la conversation
« La mesure la plus importante, celle qui sous-tend tout le reste », selon Mme LeBel, consistera à accueillir chaque année les représentants des différentes communautés francophones du Canada lors d’un sommet au Québec. Une première conférence du genre s’est tenue en juin 2021, et le prochain rendez-vous est fixé aux 9 et 10 mai 2022, à Québec.
Cet espace de « conversation continue » entre les pôles de la francophonie canadienne constituait une demande répétée des communautés du pays, selon la ministre. « Le Québec s’est beaucoup occupé de son français et, maintenant, c’est le moment de tendre la main », estime-t-elle.
Cette main tendue sera attrapée, assure la présidente de la Fédération des communautés francophones et acadiennes (FCFA), Liane Roy. Elle y voit « un changement de discours impressionnant de l’État québécois dans la façon dont ils perçoivent leur rôle dans la francophonie canadienne ».
Cette fois, fait-elle remarquer, il y a une vision qui « engage l’ensemble de l’administration québécoise ». Par exemple, Mme Roy s’attend désormais à pouvoir négocier directement avec les ministères liés à l’éducation lors de la planification des échanges étudiants. Même chose pour les enjeux liés à la jeunesse. En effet, plus de 20 ministères et organismes québécois sont concernés par cette politique.
Tant que Québec reconnaîtra qu’il « ne va pas parler en notre nom, mais simplement défendre le français », la présidente de la FCFA se dit enthousiaste à l’idée que « le gouvernement québécois exerce son leadership » en la matière.
Elle doute cependant de la capacité du gouvernement de tout faire en seulement trois ans. « Le bémol, c’est qu’on se demande comment ils vont faire ces 75 actions-là avec leur budget. »
Avec ou contre le Canada ?
Cette politique québécoise de francophonie canadienne a été dévoilée quelques jours seulement après la présentation d’un projet de loi fédéral sur le même sujet. Il n’y a là que coïncidence, selon Sonia LeBel. « On est en retard dans notre plan de match initial », explique-t-elle, la pandémie ayant retardé de plus d’un an le dépôt de ce plan d’action.
« Le fédéral a très certainement un rôle à jouer [en matière de défense du français]. Ce n’est un pied de nez à personne », affirme-t-elle.
Voyant dans le projet de loi C-13 d’Ottawa « des grands pas en avant », elle insiste tout de même sur la responsabilité qu’a le Québec de devoir mener la charge. « Quand une de nos langues officielles au Canada est en difficulté, nous avons la responsabilité d’agir pour que cette langue survive et s’épanouisse. »