Les «has been» de Louise Harel

Tribune libre - 2007


Jadis, au Québec, les curés proclamaient, en jouissant du plaisir de la
chaire, qu’hors de l’Église, il n’y avait point de salut. Les curés sont
descendus de la chaire et se tiennent maintenant sur le même plancher que
leurs fidèles. Les peurs sont tombées et la majorité des chrétiens pensent
qu’ils peuvent se sauver, même en dehors de l’Église catholique. Le
châtiment qui les guettait dans l’autre vie - une vie éternelle dans les
flammes rouges de l’enfer – est même disparu.
Jadis, au Québec, les politiciens, aidés d’un clergé complaisant, usaient
de formules manichéennes qui permettaient à certains régimes politiques de
se perpétuer dans tous les cantons. Deux principaux partis se disputaient
l’électorat. L’enfer était rouge et le ciel était bleu. Comme les gens
étaient majoritairement catholiques, on prenait la police d’assurance
bleue, pensant éviter ainsi un régime politique d’enfer, en votant pour les
rouges. L’arrivée de René Lévesque à la tête du PQ modifia la donne. Il osa
adopter un sigle politique qui mariait à la fois et le bleu et le rouge.
Quel scandale! Quelle brisure dans la tradition politique!
A l’époque du bipartisme, on disait d’un tel qu’il était «teindu» rouge,
que l’autre était «teindu» bleu. Qu’un tel pissait rouge et qu’un autre
pissait bleu. Le parti politique, c’était comme une religion. On ne
changeait pas de religion politique au cours de sa vie. On naissait bleu ou
rouge dans la famille et gare à celui qui osait défier les dogmes
politiques ancestraux.
En 1968, j’ai fondé le Parti québécois dans la circonscription de Matane.
Candidat par la suite en 1970 et 1973, j’ai abandonné cette formation
politique en 1976, étant déjà assuré que ce parti ne mènerait jamais le
Québec à son indépendance nationale. Je ne me suis pas trompé. Je suis
resté indépendantiste mais non péquiste. Et j’en suis fort aise !
Certains me reprochent encore d’avoir quitté la religion péquiste et de
m’être joint, le temps de quelques mois, à un autre parti qui, à l’époque,
en sourdine, disait qu’il ferait l’indépendance à la place du Parti
québécois. J’ai failli ne pas me tromper. Si Bourassa n’avait pas été
atteint d’un cancer lors de son deuxième mandat - aidé par des sondages de
l’époque qui le favorisaient largement - il aurait sans doute réalisé le
rêve de René Lévesque. On a tendance à oublier que le livre «Option Québec»
qui décrit la marche vers la souveraineté-association, a été rédigé à
Outrement, dans le sous-sol de Robert Bourassa.
Parizeau, Bouchard, Landry, Boisclair n’ont pas réussi à réaliser le rêve
de René Lévesque. Plusieurs péquistes lorgnent vers une autre formation
politique qui, à parti d’une plate-forme autonomiste, pourrait conduire le
Québec à sa souveraineté. D’autres pensent tout simplement de créer une
nouvelle formation politique qui reprendrait le combat où il a été laissé.
Ils ne sont pas des «has been» comme le pensent Louis Harel. Ils sont des
gens qui pensent que le PQ a fait son temps et qu’il est urgent, ou
d’enterrer le projet de l’indépendance du Québec ou de créer un nouveau
véhicule qui pourrait réaliser le rêve de ceux qui croient que le Québec
devrait devenir un pays.
La charte des droits et liberté du Québec affirme que chaque citoyen est
libre d’œuvrer dans la formation politique qui lui convient. Personne n’a à
affubler qui ce soit, de «has been» ou de frustrés comme il se dit dans mon
coin de pays. Le péquisme n’est pas une religion. Si certains quittent
l’église confédéraliste-péquiste et abandonnent les nouveaux grands prêtres
laïques qui délivrent les excommunications et les anathèmes, c’est qu’ils
sont insatisfaits. Et c’est leur droit.
Pour le moment, je n’adhère à aucun parti politique officiel mais mes
convictions indépendantistes n’ont pas changé. Deviendrai-je un jour membre
en règle d’une autre formation politique? Cela n’est pas impossible.
Retournerai-je au péquisme politique d’antan? Jamais! L’enfant prodigue n’a
pas du tout le goût de retrouver la bergerie politique dirigée par Pauline
Marois, sachant très bien que certains bergers qualifient leurs meilleures
brebis de «has been». Le mépris n’aura qu’un temps!
Nestor Turcotte

Matane
-- Envoi via le site Vigile.net (http://www.vigile.net/) --


Laissez un commentaire



3 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    4 octobre 2007

    M. Nestor Turcotte,
    Vous écrivez : «L’enfant prodigue n’a pas du tout le goût de retrouver la bergerie politique dirigée par Pauline Marois, sachant très bien que certains bergers qualifient leurs meilleures brebis de « has been ». Le mépris n’aura qu’un temps !»
    C'était juste un petit mouvement d'impatience de Mme Harel causée par la déception, vous devriez comprendre ça. Elle s'est vite excusée. Faut pas en faire tout un plat comme M. Duceppe qui s'est enragé noir, dans les derniers jours, parce que La Presse a sorti une rumeur de son désir de quitter. M. Duceppe semble stressé à l'année avec un petit sourire forcé de quelques secondes et s'impatiente rapidement et longtemps selon ce qu'on peut observer à la télé.
    Je comprend que des souverainistes/indépendantistes peuvent être déçus du lent développement de l'option chez les Québécois mais il vaut mieux y mettre un peu d'humour que de se peinturer dans le coin comme vous le faites avec le PQ qui prend la bonne direction qu'il faut de mettre de l'avant, sous Mme Marois, le pourquoi de la souveraineté à la place du comment vu qu'il ne sert à rien de savoir comment aller à un endroit si on ne comprend pas trop pourquoi. Le PQ vient de le faire ça correctement à la commission Bouchard-Taylor.

  • Archives de Vigile Répondre

    4 octobre 2007

    La persévérance est toujours là. N'ayez crainte. J'ai devancé le PI en 2003 en me présentant comme indépendantiste. Il fallait le faire. Il fallait bien du courage que les consommateurs péquist--confédéralistes n'ont pas eu.
    Je ne l'ai pas fait au dernier scrutin. Je ne sais pas si je le ferai au prochain, dans moins d'un an. Ce n'est pas l'envie qui manque. Je dois analyser certaines circonstances qui m'amènent à y penser deux fois. Je n'ai plus la force de ma jeunesse d'antan. Mais le courage, OUI. Il est toujours là.Si je n'y suis pas, il y aura quelqu'un à qui j'aiderai de toutes mes forces.
    Nestor Turcotte
    Matane

  • Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre

    4 octobre 2007

    Monsieur Turcotte,
    M. Bourassa, dans son sous-sol, a écouté le chant des sirènes indépendantistes, le temps de l’ébauche de « Option Québec ». Comme tout Québécois conscient de la spoliation de ses droits. Minoritaire dédaigné en son pays, il a regimbé. Souhaité affirmer sa différence. Émerger comme peuple francophone en Amérique. Mais à la dernière minute, visionnaire, tout comme Ulysse qui s’est enchaîné au mât pour résister aux sirènes dans la tempête pour rentrer dans son pays d’Itaque, Bourassa a quitté le navire. Il avait vu plus loin que nous tous. Il a vu que les Québécois ne se soulèveraient pas. Confort relatif. Peur de la souffrance. Fermer l’oreille au vrai mépris, celui du conquérant. Voire, option des générations montantes : Si on ne peut les battre joignons-nous à eux. Ressemblons-leur, ils feront mine de ne point nous dominer.
    On avait l’habitude de dire qu’une nation ne meurt pas. Que le feu finit toujours par rejaillir. C’était avant la mondialisation. Avant la répartition de la Terre entre toutes les nations. Avant que tous les humains ne soient de notre race (il aurait dû dire Espèce).
    Pourtant, monsieur, vous vous êtes compromis récemment à affronter le jeune péquiste dans votre comté, comme candidat du PI. Nouvelle sirène? Ou persévérance?
    « AUCUN PAYS NE S’EST JAMAIS ÉLEVÉ SANS S’ÊTRE PURIFIÉ AU FEU DE LA SOUFFRANCE. » Gandhi. Extrait de La jeune Inde.