La prudence est la première qualité

Les chefs doivent être «intelligents»

Il faut «de la tête» pour diriger

Tribune libre


«La politique est l’ensemble des procédés par lesquels des hommes sans
prévoyance mènent des hommes sans mémoire». (Jean Mistler)
Je vais sans doute en surprendre plusieurs en vous disant que la
«prudence» est la vertu première que l’on devrait retrouver chez un
chef d’État ou de gouvernement. Lorsque je parle de prudence, il faut abandonner tout de
suite l’idée de prendre des précautions, des attitudes qui rappellent
la crainte. Le Petit Robert définit ainsi le mot prudence : attitude
d’esprit d’une personne qui, réfléchissant à la portée et aux
conséquences de ses actes, prend ses dispositions pour éviter des
malheurs possibles, s’abstient de tout ce qu’elle croit pouvoir être
source de dommage.
Les grands philosophes grecs (surtout Aristote) font de la prudence la
première qualité du chef. Ils sont relayés par le moine Thomas d’Aquin
(mort en 1274) et le philosophe allemand Leibniz (mort en 1716) qui ont
osé écrire que «la prudence et la justice contiennent virtuellement
toutes les qualités requises pour bien gouverner».
Pourquoi les anciens mariaient-ils chef et prudence? Il faut chercher la
réponse du côté du mot latin «caput» qui veut dire : tête. Il faut de
la «tête» pour diriger la nation. C’est elle qui assure la bonne
direction que la nation doit prendre. Le chef, parce qu’il est en tête,
est le principe directeur qui anime la communauté, la fait grandir, lui
donne son élan. Un véritable chef n’est pas celui qui se pare
d’insignes parce qu’il occupe le premier poste de l’État. Il n’est
pas chef parce que le vote populaire l’a placé en tête d’un scrutin.
Il est chef, tout naturellement, parce qu’en lui, se trouve les qualités
requises pour diriger les destinées de la nation.
Pour diriger la communauté, il faut être clairvoyant, voir plus loin que
son nez. Et l’on voit plus loin que son nez par l’intelligence. Le
philosophe allemand Leibniz ajoute : «Celui qui, par son intelligence, est
rendu capable de prévoir doit, selon l’ordre de la nature, commander».
Le moine Thomas d’Aquin avait, au 13e siècle, écrit ceci : « Celui
qui, par son intelligence, est rendu capable de prévoir doit, selon
l’ordre de la nature, commander». Ailleurs, il écrit ceci : «Ceux qui
émergent par leur intelligence doivent également émerger sur le plan
politique. Et encore : « Dans un gouvernement humain, l’ordre normal des
choses est enfreint chaque fois qu’un homme accède au pouvoir pour une
autre raison que l’éminence de son intelligence».
L’intelligence permet de voir les réalités comme elles sont et permet
de prévoir celles qui sont à venir. Pour les Anciens, l’homme prudent
est celui qui voit loin. Plus loin que l’ensemble des citoyens.
L’intelligence permet de voir et de bien prévoir. Le chef intelligent ne
gouverne pas son peuple en fonction des sondages. Il dirige ou s’apprête
à diriger s’il possède cette vertu essentielle qu’est la prudence. Et
comment le chef ou le futur chef va-t-il acquérir cette vertu? Par
l’étude, la réflexion, la prévoyance, l’étalement au grand jour du
coût du fonctionnement gouvernemental. Le véritable chef marche visière
levée.
Bref, comme le dit Fénelon, le chef prévoit l’avenir par la profonde
sagesse qui lui fait connaître les hommes. Le chef prévoyant - celui qui
ose dire toute la vérité à ses commettants - peut affliger son peuple,
mais on le félicitera, tôt ou tard, de lui avoir donné l’heure juste.


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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    8 mars 2014

    Vous écrivez:"L’intelligence permet de voir et de bien prévoir.".
    Le projet de charte de la laïcité était dans le programme du PQ à l'avant-dernière élection. Si le PQ s'était fié aux éditorialistes de tout acabit, aux commentateurs dans les médias de tout acabit...il ne serait pas revenu avec cette politique.
    Le projet de charte de la laïcité répond au critère que vous énoncez.