Les «commandites» à la maternelle

Par Hugo Meunier

Parlons de souveraineté à l’école

Les effets des «commandites» faisant la promotion du drapeau canadien se font sentir dès la maternelle dans les écoles québécoises, dénonce le professeur invité de l'Université du Québec à Montréal et ancien commissaire scolaire de Montréal Robert Cadotte.
Robert Cadotte en a vu de toutes les couleurs durant sa carrière de commissaire dans un quartier défavorisé de Montréal. Mais c'est surtout le rouge qui a retenu son attention ces dernières années. « J'ai remarqué une augmentation en flèche du matériel fédéral envoyé dans les écoles au cours des sept ou huit dernières années, ce qui coïncide avec le début du programme de commandites », raconte M. Cadotte.
Ce dernier s'insurge devant «l'orgie» d'outils promotionnels qui atterrissent dans les écoles du Québec, pourtant de compétence provinciale.
Des documents intitulés Le Canada se souvient de la campagne d'Italie, Faites découvrir le Canada et sa capitale à vos élèves, des vidéocassettes sur le Sénat, la Chambre des communes ou sur les règles de sécurité de la GRC, et même un guide sur les services gouvernementaux du Canada pour les enfants et leur famille se retrouvent dans le salon des professeurs d'écoles primaires et secondaires.
Les enseignants intéressés peuvent ensuite commander ces produits pour leurs élèves, gratuitement dans la plupart des cas.
Robert Cadotte n'a mis que quelques mois pour amasser des «échantillons» envoyés par les Anciens combattants, Santé Canada, Environnement Canada, Patrimoine Canada, Statistique Canada, Citoyenneté et Immigration Canada, Travaux publics et même la Monnaie royale canadienne... dans une seule école de Montréal.
À ses yeux, ces «échantillons gratuits» n'ont pas pour but d'instruire les enfants, mais de vendre le Canada.
«Du gaspillage!»
Secrétaire depuis une dizaine d'années à l'école primaire Saint-Noël-Chabanel, située dans l'est de Montréal, Louise Proulx a aussi observé une augmentation de ces outils de promotion. «Les profs en ont assez de crouler sous la paperasse, ils me disent de mettre ça dans la poubelle. C'est du gaspillage!» tranche Mme Proulx.
Selon elle, des envois du fédéral vantant les bienfaits du Canada atterrissent chaque semaine sur son bureau.
En plus d'épinglettes marquées de la feuille d'érable et de calendriers, l'école aurait notamment reçu des boîtes de scrutin à l'image de celles utilisées au fédéral... pour l'élection d'un conseil d'élèves.
En 2003, le Bloc Québécois avait dénoncé l'envoi massif de documents dans les écoles du Québec par le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration.
Pour le responsable de la Culture et des Communications au Bloc Québécois, Maka Kotto, le gouvernement libéral du Canada a une fois de plus outrepassé la frontière de ses compétences. «C'est évident qu'il y avait là une volonté agressive d'aller chercher cette clientèle jeune et souvent immigrante», croit-il. Il constate que la « propagande » pour l'unité nationale s'est un peu estompée avec le scandale des commandites.
Un concours de dessin, le Défi Mathieu da Costa, financé par le fédéral, risque d'ailleurs de disparaître. «Je ne sais pas si Patrimoine Canada va nous donner le mandat à nouveau à cause des commandites», raconte Jo-Ann Gallant, coordonnatrice du projet. Depuis neuf ans, le Défi bénéficie d'une subvention fédérale de 200 000 $ afin d'envoyer dans les écoles du Canada 18 000 trousses comprenant de l'information et des affiches. Ce concours vise à « promouvoir les gens issus de milieux ethniques», explique Mme Gallant.
Du côté des commissions scolaires du Québec, on n'exerce aucun contrôle sur ce qui est envoyé dans les écoles par le fédéral. «Ce sont les enseignants qui décident si c'est pertinent», indique Denis Pouliot, porte-parole de la Fédération des commissions scolaires du Québec.
Selon lui, la fédération n'a pas reçu de plaintes en ce sens de la part de commissaires. «Mais il y a comme un flou entre ce qui est permis et les excès, une porte d'entrée pour profiter de lois abstraites», reconnaît M. Pouliot.
En l'absence de mot d'ordre sur la question, la Fédération des enseignants du Québec, la commission scolaire de Montréal et le ministère de l'Éducation n'ont pu commenter la situation.


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