On a toujours les défauts de ses qualités. Prenez les élèves studieux : ils font si bien leurs devoirs que, parfois, ils ne sont pas capables de se rendre compte que ce qu'on apprend dans les livres ne se traduit pas toujours dans la réalité.
C'est comme cela que le Bloc québécois en est venu à promettre un train entre Québec et New York.
Depuis qu'il s'est installé à Ottawa, le Bloc a surpris bien du monde en étant très studieux. Pas beaucoup de grandes envolées sur la souveraineté à la Chambre des communes mais plusieurs dossiers bien préparés sur les questions de fond et des interventions de grande qualité.
Sauf qu'à un moment donné, il y a des limites à défendre des dossiers qu'on ne pourra jamais mener à bien pour la simple raison qu'on ne sera jamais au pouvoir. C'est ainsi qu'en fin de semaine le Bloc a donné l'impression de promettre un TGV entre Québec et New York.
Il est vrai qu'il y a des études - américaines, d'ailleurs - sur la faisabilité d'un train rapide entre New York et Montréal, ainsi qu'entre Boston et Montréal. Ce que le Bloc a promis, en fin de semaine, est tout simplement de travailler pour qu'un tronçon Québec-Montréal soit ajouté à ces projets, si jamais ils sont réalisés.
Au plan de la préparation du dossier, on n'a rien à redire. Sauf qu'au plan politique, la promesse d'un TGV Québec-New York a l'air complètement ridicule.
Surtout quand cette promesse survient dans le contexte d'un Conseil général destiné à démontrer la pertinence du Bloc aux électeurs de la grande région de Québec qui les ont déserté en janvier dernier.
La réalité, c'est que l'idée d'un train rapide ou d'un TGV - ce n'est pas la même chose - que ce soit entre Montréal et New York ou entre Montréal et Toronto est dans l'air depuis une quinzaine d'années et que, d'aucune façon, le Bloc n'a réussi à faire avancer ce dossier auquel il s'intéresse pourtant depuis les tous débuts.
Oublions l'idée du TGV Montréal-New York, proposée par un Jean Drapeau vieillissant et en perpétuelle recherche d'un autre «grand projet». Tout ce qu'on discute d'ailleurs, c'est de rendre moins ridicule la durée de la liaison ferroviaire entre Montréal et New York, actuellement de 12 heures, soit presque le double du trajet par la route.
Ce qui s'est discuté plus sérieusement depuis 15 ans, c'est la possibilité d'un train rapide ou d'un TGV Montréal-Toronto, ou encore dans le corridor Québec-Windsor. Des études des gouvernements fédéral, du Québec et de l'Ontario autant que de Via Rail en ont démontré l'intérêt. Sauf que le gouvernement fédéral a toujours refusé de bouger.
Dans les faits, le gouvernement fédéral a toujours eu des bons mots pour le train, mais a toujours fini par privilégier le transport aérien pour la liaison entre Montréal et Toronto, la plus achalandée au Canada.
Et c'est précisément sur ce type de grandes orientations que le Bloc québécois a le moins d'influence. Le Bloc peut-être remarquablement efficace pour apporter les préoccupations du Québec à Ottawa. Il a une influence bien réelle quand il soulève des dossiers comme l'aide aux travailleurs âgés ou le supplément de revenu garanti.
Mais sur les grandes orientations de l'État, comme d'établir ou pas un réseau de trains rapides, le Bloc ne pourra jamais que faire des discours. Parce que ces décisions-là se prennent quand on est au gouvernement. Et pas ailleurs.
Il n'est pas nécessaire de faire de grandes analyses - ou de faire de grandes promesses - pour savoir ce qui s'est passé dans la région de Québec aux dernières élections fédérales. Dans notre système politique, le fait de voter pour un parti qui ne peut pas et ne veut pas prendre le pouvoir va toujours rester une incongruité. Les électeurs de Québec l'ont pourtant fait quatre fois. La cinquième fois, ils ont décidé que ce n'était pas dans leur intérêt. Tout simplement.
Ça ne veut pas dire que les députés conservateurs élus en janvier dernier seraient réélus si des élections avaient lieu demain ou que le Bloc ne puisse jamais regagner ces comtés. La démocratie, après tout, comporte le droit pour les électeurs de changer d'idée.
Mais dans un système parlementaire, un parti qui ne veut pas prendre le pouvoir va rester une exception. En toute connaissance de cause, les électeurs peuvent choisir d'être représentés par un parti dont les députés ne siégeront jamais au gouvernement mais ils savent très bien qu'ils ne décideront jamais des grandes orientations de l'État.
C'est pourquoi il est bien inutile de faire ce qui ressemble beaucoup trop à des promesses électorales. Et ce n'est certainement pas comme ça que le Bloc convaincra les électeurs québécois d'embarquer - ou de ré-embarquer - dans le «train à Duceppe».
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