par Bellavance, Joël-Denis
Ottawa - Justin Trudeau souhaite faire le saut en politique aux prochaines élections fédérales et le jeune homme de 35 ans lorgne la circonscription d'Outremont, château fort libéral dans l'île de Montréal, pour faire son entrée à la Chambre des communes.
Mais les militants libéraux de cette circonscription sont loin d'être chauds à l'idée de voir le fils de l'ancien premier ministre Pierre Elliott Trudeau y défendre la bannière libérale aux prochaines élections.
En outre, le nouveau chef libéral, Stéphane Dion, compte réserver cette circonscription à un candidat-vedette de son choix qui pourra l'aider à "rebâtir le Parti libéral au Québec", a appris La Presse, hier.
Et M. Dion a laissé entendre à certains libéraux influents que Justin Trudeau n'est pas le candidat-vedette qu'il recherche.
M. Dion doit annoncer d'ici quelques jours les coprésidents de la commission électorale du Parti libéral au Québec afin de permettre la tenue d'assemblées d'investiture dans les 75 circonscriptions de la province et de réserver certaines circonscriptions pour y parachuter des candidats. Les deux coprésidents seront Michel Joncas, avocat de Sherbrooke qui l'a appuyé dans la course au leadership, et Lucie Santoro, proche collaboratrice de Paul Martin, selon des informations obtenues hier.
M. Trudeau, qui a appuyé la candidature de l'ancien ministre de l'Éducation de l'Ontario, Gerard Kennedy, durant la course à la direction du PLC avant de se rallier, comme son poulain, à M. Dion au troisième tour de scrutin, devra donc se trouver un autre bastion libéral s'il veut briguer les suffrages aux prochaines élections.
La circonscription d'Outremont est actuellement détenue par le bouillant député libéral Jean Lapierre, qui a confirmé en décembre qu'il ne sera pas sur les rangs aux prochaines élections, qui pourraient avoir lieu au printemps si le gouvernement minoritaire de Stephen Harper est battu aux Communes par les trois partis de l'opposition. M. Lapierre veut retourner au secteur privé et il tirera sa révérence d'ici quelques semaines. Il a d'ailleurs recommencé hier à commenter l'actualité à la radio avec l'animateur Paul Arcand sur les ondes du FM 98,5.
Dans sa dernière livraison, le magazine Maclean's affirme que M. Trudeau, qui a été des plus visibles au congrès libéral de décembre à Montréal, a pris la décision de briguer les suffrages aux prochaines élections et qu'il confirmera sa décision d'ici quelques semaines. La circonscription d'Outremont est celle qu'il convoiterait. M. Trudeau détient d'ailleurs une carte de membre de l'association libérale locale depuis un peu plus de deux mois.
" La candidature éventuelle de Justin Trudeau est loin de soulever l'enthousiasme dans Outremont parmi les militants libéraux, c'est le moins que l'on puisse dire, a confié hier une source libérale digne de foi. Autant les jeunes libéraux que les militants les plus âgés ne veulent pas de lui. "
" Qu'est-ce que Justin Trudeau a fait de si merveilleux qui justifie qu'on lui donne un comté comme cela?" s'est demandé hier une autre source libérale.
M. Trudeau s'est également mis à dos plusieurs députés libéraux influents du Québec, dont Denis Coderre et Pablo Rodriguez, qui n'ont guère apprécié la cabale du jeune homme contre toute forme de reconnaissance du Québec comme nation durant la course au leadership, au moment même où le Parti libéral se déchirait sur cette délicate question.
M. Trudeau avait vertement critiqué cette proposition, une promesse importante du député libéral Michael Ignatieff, meneur de la course à la direction avant d'être battu par Stéphane Dion au congrès de Montréal le 2 décembre. Il avait notamment affirmé qu'il s'agissait d'une idée dépassée " qui date du XIXe siècle ". En outre, M. Trudeau avait soutenu que M. Ignatieff, le candidat appuyé par MM. Coderre et Rodriguez, n'avait pas la sagesse et l'expérience requises pour diriger le PLC et le pays un jour.
La candidature de M. Trudeau a fait l'objet de nombreuses discussions à l'occasion d'un party de Noël de l'Association libérale d'Outremont le 22 décembre auquel participaient quelque 350 militants. Et tous les commentaires étaient défavorables. " La candidature de Justin Trudeau dans Outremont, ça ne lève pas, bien au contraire ", a confié hier un des participants à cette soirée. " Certains militants disent qu'ils ne travailleront pas pour un candidat dont le rêve est de faire la une du magazine 7 jours ", a-t-on ajouté.
L'ancienne présidente des jeunes libéraux du Québec, Brigitte Legault, a déjà avisé Stéphane Dion qu'elle souhaite être candidate dans Outremont. M. Dion pourrait être mal venu de rejeter sa candidature, lui qui s'est engagé à ce que le tiers des candidats de son parti aux prochaines élections soit des femmes.
Mme Legault a confirmé hier à La Presse hier avoir discuté de sa candidature avec M. Dion. " J'ai démontré de l'intérêt à me présenter dans Outremont à M. Dion et compagnie. Mais je ne sais pas pour l'instant ce que fera la commission électorale. Je suis même prête à me battre s'il y a une assemblée d'investiture contestée. J'ai quand même beaucoup d'expérience dans l'organisation ", a indiqué Mme Legault, qui travaille actuellement pour la députée libérale Belinda Stronach.
M. Trudeau vit actuellement dans la circonscription de Mont-Royal, mais le député libéral Irwin Cotler a indiqué qu'il sera candidat aux prochaines élections. Le jeune homme pourrait toujours tenter sa chance dans LaSalle-Émard, autre bastion libéral qui deviendra vacant après le départ de Paul Martin. Mais deux autres candidats d'importance l'ancienne ministre du Patrimoine, Liza Frulla, et l'ancien astronaute Marc Garneau, candidat malheureux dans Vaudreuil-Soulanges au dernier scrutin convoitent cette circonscription.