Le silence péquiste

Commission Castonguay

Il y a un mois, Pauline Marois avait intimé les militants péquistes de ne plus débattre sur la place publique. Il semble que la consigne s'applique maintenant aux députés et à la chef elle-même. Sur une question aussi fondamentale que l'avenir du système de santé, c'est le silence total au PQ.
La conférence de presse que son porte-parole officiel en matière de santé, Bernard Drainville, a donnée le jour de la publication du rapport Castonguay était d'une rare insignifiance. Mme Marois, elle, a carrément refusé de commenter le rapport, s'estimant peut-être heureuse de ne plus avoir à parler de bilinguisme.
Selon M. Drainville, le PQ tient à «un système de santé public fort, accessible, de bonne qualité et bien financé». La belle affaire! Tout le monde au Québec souhaite cela, y compris l'ADQ, qui voudrait simplement y ajouter un réseau privé parallèle. C'était précisément pour trouver un moyen d'assurer la pérennité du système public que le comité Castonguay avait été créé au printemps dernier.
Le député de Marie-Victorin a ajouté que le PQ avait pris une «décision courageuse» en novembre dernier en proposant que le Québec hausse la TVQ pour occuper le champ libéré par la baisse de la TPS fédérale.
Il est facile d'être courageux quand cela ne présente aucun risque. Mme Marois a cependant exclu d'augmenter la TVQ dans l'éventualité où elle deviendrait première ministre. De toute manière, la proposition du PQ n'avait rien à voir avec les services de santé. À l'époque, c'était pour venir en aide au secteur forestier qu'il proposait d'augmenter la TVQ.
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Invité hier au Club des ex sur les ondes de RDI, François Legault, qui était ministre de la Santé dans le gouvernement Landry, a reconnu qu'il fallait «ajouter des fonds» dans le réseau de la santé mais que le PQ préférait un «financement collectif», taxe ou impôt, à un «financement individuel», qu'il s'agisse d'une cotisation annuelle ou d'une forme de ticket modérateur.
Encore faudrait-il savoir au nom de qui M. Legault parlait. À l'époque où il était ministre, il avait plaidé vigoureusement en faveur d'une hausse d'impôt, mais il s'était heurté au refus catégorique de sa collègue des Finances, qui est aujourd'hui son chef.
En prévision du conseil national spécial de la mi-mars, la direction du PQ a fait circuler dans ses instances un «cahier du participant» qui posait précisément les questions auxquelles le comité Castonguay a voulu répondre:
- «Faut-il introduire une tarification pour certains services ou instaurer une contribution des usagers?»
- «Doit-on permettre un plus grand rôle des assurances privées pour la couverture de certains services ou pour un pourcentage des coûts?»
- «Doit-on revoir la liste des actes couverts par le système public?»
Qu'en est-il? Le programme adopté par le congrès de juin 2005 engageait le PQ à «maintenir un système de santé public, accessible, universel et gratuit». Volontairement ou non, Bernard Drainville a omis ce dernier mot -- «gratuit» -- lors de sa conférence de presse de mardi.
Bien sûr, les Québécois paient les soins de santé avec leurs impôts, mais comprenons ici qu'aucune contribution additionnelle n'est exigée. La question est de savoir dans quelle mesure cette «gratuité» est compatible avec la «modernisation» de la social-démocratie dont Mme Marois parle depuis des mois sans jamais l'avoir illustrée concrètement.
Le «cahier du participant» énonçait un principe dont l'application pourrait aller à l'encontre du programme, notamment en matière de santé: «Les valeurs d'équité n'impliquent pas nécessairement des modèles uniformes et mur à mur pour toutes les couches sociales et pour tout le territoire.»
Manifestement, le PQ est aussi divisé sur les modifications à apporter au système de santé qu'il l'était sur le choix du vice-président que M. Castonguay l'avait invité à désigner. Le conseil national va-t-il conserver ou changer les orientations de 2005?
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Les absents ont toujours tort. Déjà, le rôle que Pauline Marois a joué dans la réforme scolaire pose un problème au PQ, qui n'ose pas trop critiquer des lacunes qui crèvent les yeux de tous. Voilà maintenant que, par son silence, il s'exclut du débat sur la santé. Qui l'aurait cru?
Le plus surpris a peut-être été Philippe Couillard, qui semblait tout disposé à une surenchère pour déterminer qui défendrait le plus vigoureusement le système hérité de la Révolution tranquille.
À entendre les propos qu'il a tenus jeudi lors d'une rencontre avec la table éditoriale du Devoir, il était difficile de comprendre pourquoi il avait trouvé que les médias avaient exagéré sa réaction initiale au rapport Castonguay. Il est vrai que ses critiques semblaient moins acerbes qu'au départ, mais il s'agissait simplement d'une question de forme. Sur le fond, ses objections étaient exactement les mêmes.
M. Couillard a un talent remarquable pour le sophisme. Il se présente maintenant comme le premier ministre de la Santé qui accepte le principe de la pratique mixte, publique et privée, tout en s'assurant que les inconvénients soient suffisamment nombreux pour en exclure toute possibilité d'application.
En 2003, les libéraux n'avaient pas voulu se laisser damer le pion par le PQ dans la lutte contre le «dumontisme» et l'instauration d'une «médecine à deux vitesses». À partir du moment où le PQ décide de rester sur la touche, M. Couillard n'a plus aucune raison de se montrer plus catholique que le pape.
Au contraire, le PLQ a tout intérêt à se montrer ouvert aux préoccupations de ceux qui ont été séduits par le discours adéquiste parce qu'ils avaient l'impression que la privatisation était devenue le seul remède aux maux du système. D'autant plus que le rapport Castonguay vient d'apporter à l'ADQ la caution qui lui a toujours manqué. Pendant ce temps, au PQ...
mdavid@ledevoir.com


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