Le secret du « Vive le Québec libre ! »

Chronique de José Fontaine

On n’aime pas la théorie du complot dont le mot « secret » n’est pas éloigné. Pour ne pas s’enfoncer dans les généralités, prenons le [« Vive le Québec libre ! »->5317]. L’interprétation de Jean Lacouture est la plus séduisante (in Le Souverain, Seuil, Paris, 1986, p. 523). C’est la foule québécoise elle-même (et notamment les militants du RIN), qui en assommant de Gaulle de ce slogan sans cesse répété sur le « chemin du Roy » aurait fait qu’il le prononce. Lacouture parle d’une interaction. Son analyse en vaut la peine. J’ai cru longtemps qu’Eric Roussel (De Gaulle, Gallimard, Paris, 2002, p.839), avait montré que le général avait eu l’intention de lancer ce cri puisqu’il en avait parlé au commandant du Colbert en route pour le Québec. Mais Eric Roussel est plus nuancé que cela. Il n’examine pas la thèse de Lacouture, mais il n’écarte pas l’idée que de Gaulle aurait été « inspiré » par la foule.

Comme on peut facilement revoir cette scène sur You tube, j’y suis allé et c’est vrai que l’ovation qui salue ce cri dure une éternité (30 secondes en fait, mais c’est une vraie éternité car c'est comme si la foule l'attendait). Aucun francophone (Français, Wallon, Québécois…), ne peut voir ses images sans avoir la gorge serrée. Mais y a-t-il un « secret » de ce cri? Non, parce que il y avait dans la politique de de Gaulle et dans l’élan qui la soutenait en France une logique qui faisait que cette chose devait être dite. Oui, parce que les modalités du soutien donné aux Québécois auraient pu être autres, moins éclatantes en un sens, mais tout aussi déterminantes. Mais alors le secret du fameux cri n’est pas à examiner en cherchant désespérément le dessous des cartes, comme si l’on pouvait y trouver l’élément décisif, la cause précise ou le responsable très évident ou anonyme qui aurait tiré les ficelles. Le secret c’est celui du mystère des rencontres humaines et de l’histoire elle-même. En parlant de « mystère », ici, je ne cherche certainement pas l’irrationnel. Je songe seulement au fait que deux amis, par exemple, se retrouvent embarqués dans une relation, certes profondément libre, mais en même temps qu’ils reçoivent aussi de l’extérieur. Parce que cela ne peut être qu’ainsi: si deux libertés se rencontrent, il y a un troisième « être » qui se glisse entre elles (et je ne songe pas ici à nommer cet « être » Dieu ou quelque chose de ce genre, certainement pas - même s’il y a là, peut-être, une entrée en matière vers cet essentiel dont Saint-Exupéry disait qu’il est «invisible aux yeux »).
Les inquiets de la victoire PQ de 1976, le cendrier de Baudouin Ier
J’ai lu aussi ici (si j’ai un mauvais souvenir que l’on me corrige), que la réaction des leaders du PQ lors de la victoire de 1976 était troublante, ceux-ci étant à la fois ravis (de gagner), et très angoissés (de ce que cette victoire signifiait comme charge à porter). Sauf Parizeau qui était seulement tranquille. Comme le grand bourgeois qu’il était, prenant de discrets contacts avec des autorités militaires et songeant à garantir le dollar à la veille du référendum possiblement gagnant de 1995.
Courte anecdote belge. Léopold III est chassé de son trône en juillet 1950 par une insurrection populaire en Wallonie. Il annonce qu’il va abdiquer. Il le fait d’ailleurs. Mais reste auprès du successeur, son fils Baudouin Ier (certainement jusqu'à l'année 1960). Un jour que celui-ci reçoit le premier ministre en présence de son père et de sa belle-mère, alors que c’est lui le roi, le chef de l'Etat, papa et belle-maman lui disent que le Premier ministre fume et qu’il faudrait songer à apporter un cendrier! Courte anecdote. Secrète, vraiment. Révélée il y a peu dans un ouvrage qui n’est pas écrit par un antiroyaliste (1). Qui dit cependant tout : le roi a continué à régner en fait après son abdication. Mais l’ignorait-on tout à fait ? Non. Plusieurs incidents l’ont démontré et les observateurs attentifs ne pouvaient que le savoir. Et en définitive, cela ne change rien au fait que l’humiliation imposée à Léopold III en 1950 a été terrible. Terrible mais pas complète, cependant. En tant que Wallon, cela me déçoit un peu fatalement. Mais… magis amica veritas… (c’est la vérité qui compte, qui est la meilleure amie).
Un Parti nationaliste wallon dont les chefs rejettent l’idée de nation wallonne
Plus longue anecdote wallonne. Il n’y a eu qu’un parti nationaliste en Wallonie, arrivé au deuxième rang des suffrages dans nos élections à la proportionnelle en 1971. Officiellement, il a vécu de 1968 à 1985. Et pesé politiquement à partir de 1971 jusqu’à l’année 1977 où, après une expérience gouvernementale insatisfaisante, il s’est coupé en deux. Ses présidents ont été François Perin, Paul-Henry Gendebien, Henri Mordant. J’ai assez fréquenté les deux derniers pour savoir ceci : ils n’ont jamais cru en la possibilité d’une Wallonie autonome (mais étaient des partisans de la réunion à la France dès le départ). Ce que l’on sait du premier le confirme. Ecartant la théorie du complot, estimant peu l’idée que ce sont les grands hommes qui font l’histoire à eux seuls, je peux comprendre l’échec final de ce parti. Si l’on va à la bataille à la suite de chefs qui ne veulent pas vraiment la victoire, comment pourrait-on gagner ? Et pourtant, la Wallonie est devenue autonome. Dotée de compétences exclusives qu’elle peut même exercer sur la scène internationale et que nul veto belge ne peut contrer. Elle est, de l’avis général, en passe d’en acquérir bien d’autres encore : l’Etat fédéral belge va encore se réduire. Les ressources publiques dont il dispose risque même peut-être d'être bientôt inférieur à celle de la Flandre, le plus grand des Etats fédérés. Les radicaux des Etats Généraux de Wallonie me considèrent comme une sorte de renégat parce que cette évolution me semble si radicale que je crois (depuis longtemps), qu'il faut surtout la suivre, la pousser, en tirer les leçons dans les écoles, la presse, les associations, le travail de réflexion, le projet de société... Les reproches viennent surtout de ceux ne veulent pas de cette autonomie croissante de la Wallonie qui confine à l’indépendance puisqu’ils veulent rompre avec la Belgique par réunion à la France. En fait l'évolution dont je parle sera également une rupture avec la Belgique.
Ce que nous avons (déjà), c’est la moitié de l’indépendance
A cause de cette croissance régulière de l’autonomie (des compétences exclusives gérées même internationalement, qu’est-ce sinon l’indépendance?), je considère que la tâche primordiale de l’indépendantisme wallon est de faire connaître les mécanismes juridiques qui révèlent à la population (qui la méconnaît), la portée de l’indépendance déjà acquise. De préparer les esprits à l’intérioriser plus encore en propageant l’idée d’une identité wallonne forte. Etant bien entendu que dans le couple Etat-Nation, bien malin qui peut dire si c’est l’Etat qui fait la nation ou l’inverse. Il y a en Wallonie plus d’Etat wallon que de Nation, mais l’Etat est voué à faire la nation à laquelle il correspond. On me dit que je serais timoré en défendant cette vision certes très rationnelle (je trouve), et aussi (je le regrette presque), raisonnable. Mais c’est comme cela que la Wallonie sera libre. Sans doute sans coup d’éclat ni scandaleux « Vive la Wallonie libre ! ». « A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire » m’a dit un jour un ami québécois à qui j’expliquais que l’idée d’une référendum « tranchant » notre destin était inimaginable chez nous. Dans un des albums d’Astérix le Gaulois, un chef romain reprend cet adage en ajoutant à « A vaincre sans péril… », un très médiocre « On évite les ennuis ». Je ne veux pas éviter les ennuis (j'en ai eu bien plus que d'autres avec mes convictions), mais si la condition de la victoire est celle-là, alors tant pis ou tant mieux, peu importe. Seule importe la Liberté.
Et puis, s’il arrive que la Wallonie soit libre, je crois qu’elle l’aura mérité. Préfaçant l’extraordinaire (et surprenante) médiation de Paul Ricoeur sur la mort et la résurrection, Olivier Abel écrit : « La question n’est plus alors celle de la plainte infinie à l’égard de quelqu’un qui , comme c‘est trop arrivé au long de l’histoire humaine, serait mort pour rien, mais celle de la reconnaissance infinie à l’égard de quelqu’un qui n‘est pas né pour rien ; et cela semble pouvoir être dit de quiconque. » (2)
La Wallonie n'est pas née pour rien.
(1) Albert Ier, premier roi fédéral,
(2) Paul Ricoeur, Vivant jusqu’à la mort, Seuil, Paris, 2007, p. 26.

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José Fontaine355 articles

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Né le 28/6/46 à Jemappes (Borinage, Wallonie). Docteur en philosophie pour une thèse intitulée "Le mal chez Rousseau et Kant" (Université catholique de Louvain, 1975), Professeur de philosophie et de sociologie (dans l'enseignement supérieur social à Namur et Mirwart) et directeur de la revue TOUDI (fondée en 1986), revue annuelle de 1987 à 1995 (huit numéros parus), puis mensuelle de 1997 à 2004, aujourd'hui trimestrielle (en tout 71 numéros parus). A paru aussi de 1992 à 1996 le mensuel République que j'ai également dirigé et qui a finalement fusionné avec TOUDI en 1997.

Esprit et insoumission ne font qu'un, et dès lors, j'essaye de dire avec Marie dans le "Magnificat", qui veut dire " impatience de la liberté": Mon âme magnifie le Seigneur, car il dépose les Puissants de leur trône. J'essaye...





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5 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    29 mai 2009

    Cher Bruno Deshaies,
    D'un côté, j'aimerais bien poursuivre ce dialogue avec vous et, de l'autre, je travaille déjà ma chronique de demain. Bien qu'elle ne doive pas être seulement une réponse à vos pertinentes et intéressantes remarques, je veux parler d'un sujet important pour la Wallonie à une semaine des élections régionales où j'aurai d'une certaine façon l'occasion de prendre en compte ce que vous dites. Il est de toute façon toujours utile de se parler à partir de situations concrètes différentes. Mais je ne vous réponds pas parce que je suis à ma table de travail et que je n'arrive pas à faire deux textes séparé, l'un qui vous répondrait et l'autre qui serait la chronique de demain.
    Très cordialement,
    J.Fontaine

  • Archives de Vigile Répondre

    28 mai 2009

    28 mai 2009 Bruno Deshaies
    Au sujet de vos quatre remarques, je ferai les commentaires qui suivent :

    1. C’est un problème de société. Le rapport à l’indépendance n’existe pas en tant que tel dans cette situation.

    2. Il n’en demeure pas moins qu’un organe fédéral existe et que le Roi conserve des droits et des pouvoirs. Votre autonomie DITE « souveraine » demeure quand même limitée.
    3. Des organes centraux existent, malgré tout, entre les parties. Vous dites bien : « on tient au système de sécurité sociale mis en place dans le cadre de l’État unitaire ». Et vous admettez l’existence d’un : « État fédéral, celui-ci pouvant être réduit à la portion congrue ». La « portion congrue » sera toujours de nature fédérale et même unitaire comme c’est le cas pour la sécurité sociale. Le fédéralisme existe que vous le vouliez ou non. En somme, vous désirez l’indépendance dans le statu quo ou presque.

    Les pièges de l’indépendance à deux, à trois ou encore à plusieurs demeurent. Entre des états qui sont véritablement indépendants, ils existent inévitablement des relations de voisinage d’infériorité, d’égalité ou de supériorité. L’État belge et les collectivités qui en font partie n’échappent pas à cette condition « nationale ».

    4. Les jeux d’histoire ou les wargames, c’est une chose. Les relations entre des nations réelles qui sont fédérées ou annexées ou fédéralisées ou confédéralisées posent souvent des problèmes presque inextricables. Nous le vivons et vous le vivez, sinon ce serait la bonne entente partout. Ce qui n’est le cas ni chez vous ni ici.
    À la face du problème, vous nous dites que les Wallons et les Flamands « sont d’accord pour remettre en cause la souveraineté étatique belge dans des domaines de plus en plus élargis ». Très bien ! Mais l’État central continue à exister et le Roi est doté de certains pouvoirs.

    Si je comprends bien, vous voulez vivre libre en étant liés les uns aux autres dans un État unitaire presque sans autorité et un Roi au sommet de la pyramide. Est-ce que la crise politique actuelle est réelle ou est-ce une fiction ?

  • José Fontaine Répondre

    27 mai 2009

    Quatre remarques.
    1) Au Canada on a fait le choix du Québec plutôt que du Canada français. Nous n'avons pas fait le choix de la Wallonie plutôt que de la Belgique francophone. Car la Wallonie représente la majorité des Belges francophones (comme le Québec représente la majorité des Canadiens français), mais quel type de relations devons-nous avoir avec les Bruxellois francophones et eux avec nous? Il y a à défendre principalement la Wallonie. Mais Bruxelles est une métropole francophone dont le poids est moins grand pour la Wallonie que celui de Montréal pour le Québec, mais important. Bruxellois et Wallons ont intérêt à lier leur destin. Mais ne savent comment. Et il est difficile qu'ils en décident sans les Flamands: Bruxelles est la région où viennent travailler tous les jours le plus d'habitants de la Flandre et le plus d'habitants de la Wallonie.
    2) Le système institutionnel belge n'est plus celui d'une Fédération, mais en grande partie celui d'une (vraie) confédération. Les compétences des entités autonomes, elle les exerce exclusivement selon le principe de l'équipollence des normes, ( pas de droit du fédéral à dépenser). Ces compétences se prolongent sur la scène internationale (doctrine Gérin-Lajoie appliquée). La Wallonie signe souverainement des traités, ce qui n'existe dans aucun autre Etat fédéral au monde.
    3) Cependant, l'idée même que la Wallonie a un Parlement souverain n'apparaît pas comme sensée aux yeux d'un nombre important de Wallons. Nous n'avons guère la "culture du fédéralisme", encore moins celle du "confédéralisme". Mais les partisans les plus modérés de ces solutions admettent que les Régions vont acquérir encore une marge de manoeuvre plus grande. En Wallonie, mais aussi en Flandre, on tient au système de sécurité sociale mis en place dans le cadre de l'Etat unitaire. Depuis 1944, il n'a jamais été en difficultés (malgré les crises économiques terribles traversées). On peut imaginer qu'au cas où la Belgique deviendrait - ce qui me semble probable - une union d'Etats indépendants, ceux-ci continueraient à partager certains systèmes autrefois belges, comme la sécurité sociale.
    En Wallonie, l'intérêt des indépendantistes est de laisser du temps au temps. La proposition du Premier ministre flamand est d'ailleurs de donner la préséance aux Etats fédérés sur l'Etat fédéral, celui-ci pouvant être réduit à la portion congrue. Cela pourrait même amener, à moyen terme, à ce qu'il n'y ait plus d'élections au plan fédéral, ni, par conséquent de Parlement fédéral. Car les Belges votent à peu près tous les deux ans et les enjeux se mêlent à un tel point que c'est un danger pour la démocratie.
    Quatrième remarque, la plus importante.
    4) Au Québec, je vois bien que les choses sont différentes et qu'il faudrait au contraire aller vite. Le Québec est capable du jour au lendemain d'assurer son indépendance au sens plénier.
    Qu'est-ce qui différencie le plus le Kriegspiel belge du Kriegspiel canadien?
    Le fait que, en Wallonie, nous avons, dans un cadre confédéral, plus d'indépendance que le Québec, par définition, mais aussi la capacité de discuter vraiment avec nos partenaires qui, contrairement à ce qui est le cas chez vous avec les autres Provinces du Canada ou l'Etat canadien, sont d'accord pour remettre en cause la souveraineté étatique belge dans des domaines de plus en plus élargis et de fait c'est ce qu'ils font depuis trente ans.
    Il y a donc bien deux stratégies différentes qui s'imposent. Il n'y a pas de sens que celle que je propose pour la Wallonie s'applique au Québec (ni l'inverse).
    Wait and see!

  • Archives de Vigile Répondre

    27 mai 2009

    27 mai 2009 Bruno Deshaies
    Nous ajoutons à notre commentaire cette référence à l'une de nos chronique du 11 avril 2002.
    INDÉPENDANCE : POUR OU CONTRE ?
    CLAUDE MORIN
    La Révolution tranquille et nous

    http://www.rond-point.qc.ca/auteur/livres/nationalismes.html
    http://www.rond-point.qc.ca/seguin/lesNormes.phtml
    Par Bruno Deshaies
    Historien (http://www.rond-point.qc.ca/auteur/biographie.html)
    Le Rond-Point des sciences humaines, 11-04-2002
    CLAUDE MORIN - La Révolution tranquille et nous
    11.4.2002 - Au moment où le mouvement indépendantiste reprend de la vigueur contre les sirènes du partenariat de tout acabit, voilà que nous éclate au visage encore une fois, une fois de trop, l’histoire sordide de Claude Morin et de la GRC.
    La déclaration de De Gaulle est replacée dans le contexte de la Révolution tranquille et des réactions qu'elle a suscitées chez René Lévesque et Yves Michaud d’après le compte rendu de Paris Match. De plus, le point de vue de l'historien Guy Frégault, sous-ministre des Affaires culturelles du Québec, dans le gouvernement Jean Lesage à l'époque.
    « Le sol de la culture présente plusieurs strates. En profondeur, on heurte un socle de siècles ; à la surface, le vent de l’actualité agite une poussière d’événements. »
    Frégault, Chronique..., RÉF., p. 59.)

  • Archives de Vigile Répondre

    25 mai 2009

    25 mai 2009 Bruno Deshaies
    J’aimerais commencer mon commentaire en citant un extrait du roman de Gaétan Soucy, La petite fille qui aimait trop les allumettes (ISBN 2-89052-913-4) et qui se lit comme suit : « …ce n’est pas rendre service à la parole que de frayer avec les mots qui branlent dans le manche après la cognée » (p. 131).
    Une pièce d’anthologie José Fontaine
    Ce que nous avons (déjà), c’est la moitié de l’indépendance
    A cause de cette croissance régulière de l’autonomie (des compétences exclusives gérées même internationalement, qu’est-ce sinon l’indépendance ?), je considère que la tâche primordiale de l’indépendantisme wallon est de faire connaître les mécanismes juridiques qui révèlent à la population (qui la méconnaît), la portée de l’indépendance déjà acquise. De préparer les esprits à l’intérioriser plus encore en propageant l’idée d’une identité wallonne forte. Étant bien entendu que dans le couple État-Nation, bien malin qui peut dire si c’est l’État qui fait la nation ou l’inverse. Il y a en Wallonie plus d’État wallon que de Nation, mais l’État est voué à faire la nation à laquelle il correspond. On me dit que je serais timoré en défendant cette vision certes très rationnelle (je trouve), et aussi (je le regrette presque), raisonnable. Mais c’est comme cela que la Wallonie sera libre. Sans doute sans coup d’éclat ni scandaleux « Vive la Wallonie libre ! ». « A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire » m’a dit un jour un ami québécois à qui j’expliquais que l’idée d’un référendum « tranchant » notre destin était inimaginable chez nous. Dans un des albums d’Astérix le Gaulois, un chef romain reprend cet adage en ajoutant à « A vaincre sans péril… », un très médiocre « On évite les ennuis ». Je ne veux pas éviter les ennuis (j’en ai eu bien plus que d’autres avec mes convictions), mais si la condition de la victoire est celle-là, alors tant pis ou tant mieux, peu importe. Seule importe la Liberté.
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    Quand un philosophe s’aventure en histoire il lui est possible d’élaborer la théorie qu’il veut s’il ignore de vérifier sa position en se confrontant à la réalité du passé et même du présent. Il ne suffit pas d’écrire « Seule importe la Liberté ! » Est-ce la liberté individuelle ? Est-ce la liberté collective ? Ici, on ne le sait pas.
    Le peuple wallon est-il libre ? Non, car de facto, il est annexé à un État fédérant. L’individu wallon est-il libre ? Probablement que oui. Un sujet wallon peut-être même très libre, mais est-ce que la collectivité à laquelle il se dit appartenir est indépendante, c’est non.
    Tous les fédéralistes qui plaident le principe fédératif évacuent de leur raisonnement que la nation fédérée est soumise à un phénomène de superposition et de remplacement quant à l’agir par soi collectif de cette nation. Et affirmer sans broncher que « Ce que nous avons (déjà), c’est la moitié de l’indépendance », c’est de la foutaise. L’histoire des fédérations aboutissent soit au démantèlement, à la soumission complète et à l’assimilation ou à la dépendance à long terme qui limite l’agir par soi collectif de la nation annexée qui généralement, devient minoritaire.
    Tant et aussi longtemps qu’on ne parvient pas a raisonner dans l’optique indépendantiste, on peut dire « Adieu veau, vache, cochon, couvée » ou encore « Dans la semaine des quatre jeudis… ». Malgré tout, les fédéralistes croient dur comme fer à « la portée de l’indépendance déjà acquise » dans la fédération !
    Quand ça va mal, les fédéralistes se consolent toujours, comme monsieur Fontaine, en affirmant qu’il faut « préparer les esprits à l’intérioriser plus encore en propageant l’idée d’une identité wallonne forte ». Et nous voilà rendu dans un autre registre et dans un autre débat que celui de l’indépendance. Dans ce cas, il faut relire la citation mise en exergue au début de ce commentaire.