Le ridicule ou la panique?

Tribune libre 2008

En tribune libre du 13 août : Le bilinguisme, c’est l’anglais, MmeCaroline Moreno affirmait que « ...dans cinq, sept ans, l’indépendance du Québec ne sera mathématiquement plus possible à réaliser ». Ce cri d’alarme était censé ajouter aux raisons de porter le plus tôt possible le Parti indépendantiste au pouvoir puisqu’il s’agirait du seul parti véritablement indépendantiste.
D’abord, quel crédit peut-on accorder à cette affirmation alarmiste ? Il va de soi que chaque baisse du pourcentage des Québécois français dans l’ensemble du Québec constitue une mauvaise nouvelle quant à l’élection éventuelle d’un parti indépendantiste ou la tenue d’un référendum sur la question. Cependant, compte tenu des données actuelles, comment peut-on soutenir qu’il s’avérera « mathématiquement » impossible, d’ici cinq à sept ans, d’élire un parti indépendantiste ou de tenir, et gagner, un référendum ? Simple clause de style malhabile ou déclaration pesée visant à capter les votes en jouant sur les perceptions ? Ce n’est pas le première fois qu’un représentant de ce parti utilise cet argument quoique, auparavant, on n’allait pas jusqu’à indiquer un butoir précis.
D’ici cinq à sept ans, toutes choses égales par ailleurs, l’Assemblée nationale ne sera pas renouvelée plus de deux fois. Tout parti visant le pouvoir à l’intérieur de ce laps de temps doit forcément compter sur une visibilité certaine, une organisation efficace dans tous les comtés, une caisse électorale conséquente et une marge de crédit suffisante, une crédibilité solide et une équipe de candidats dont au moins quelques-uns soient des figures publiques suffisamment connues (et reconnues) susceptibles d’attirer bien davantage qu’un pourcentage honorable de votes, d’autant plus que la stratégie du parti repose sur la proclamation de l’indépendance à la suite d’un vote majoritaire de l’Assemblée nationale et non à la suite d’un référendum. Il faut donc compter sur l’élection d’une majorité absolue de candidats du parti.
Or le P.I. existe depuis moins d’un an. En-dehors des cercles indépendantistes, il est encore, de toute évidence, peu connu. Il a beau recueillir régulièrement de nouvelles adhésions, leur nombre ne dépasse fort probablement pas quelques petits milliers, d’où situation financière en conséquence. ll ne dispose pas encore d’une organisation rodée dans tous les comtés, situation bien compréhensible. Pour le moment, sa direction et les quelques candidattures annoncées ne comptent aucune personnalité publique en vue (sauf dans des cercles indépendantistes restreints), excepté Victor-Lévy Beaulieu et Francine Allard, écrivains célèbres, et Ghislain Lebel, antérieurement du Bloc québécois. Rien de cela ne constitue évidemment une insuffisance irrémédiable pour un parti aussi jeune, mais à l’intérieur des limites d’action qu’il s’est lui-même fixées — on présume que la position de Mme Moreno représente celle du parti puisqu’il ne l’a pas démentie —, qui le condamnent à arriver au pouvoir, et majoritaire ! au prochain scrutin ou, au plus tard, au suivant, voilà une autre histoire.
On peut, sans nécessairement approuver tous les articles de son programme, surtout son intention de déclaration unilatérale d’indépendance dès son élection, penser, pour le moment du moins, que le P.I. représentera le seul choix possible si le Parti québécois continue de planer dans le brouillard et l’incohérence quelques mois de plus. Cependant, il faudrait bien nous y aider un peu, avant tout en évitant de tabler sur une rhétorique franchissant la frontière du ridicule. Il se peut aussi que le P.I. croie vraiment ce qu’il prétend, ce qui ne relèverait alors plus du ridicule mais d’une panique de très mauvais augure : en politique, rien de plus dommageable que ces deux-là.


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8 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    4 septembre 2008

    Sur les 600,000 Anglos au Québec, les deux-tiers ne sont pas d’origine britannique, donc n'ont pas de racines coloniales, pré-confédération ! Le gros du tas vient de l’assimilation d’immigrants juifs, allemands, polonais, hollandais, grecs, italiens, portugais, asiatiques et antillais arrivés au cours du 20e siècle. Mais ils se sont tellement bien assimilés qu’ils ont inventé le mythe de leurs droits historiques au Québec, en se collant aux véritables anglos-québécois tellement bien qu’on ne les différencie plus !

  • Archives de Vigile Répondre

    4 septembre 2008

    Les "Russes" d'Estonie, dont un bon paquet y sont nés, représentent 30% du pays! 30%!!! C'est 4 fois nos Anglos ici.
    Estoniens de naissance, ils sont.
    Vous imaginez si on disait: on ne donne pas le droit de vote à nos Anglos dont la grande majorité sont nés ici. Pourtant les Estoniens l'ont fait et le Canada les a reconnus. Bref, c'est d'abord et avant tout une question de couilles, mais au PQ on n'en a jamais eu. On n'a jamais eu le gout de casser la barraque. On a toujours pensé que l'indépendance c'était comme la fleur à Ti-Claude: rien ne sert de tirer dessus, ça pousse tout seul.
    Quarante ans plus tard, l'Estonie est libre, la Slovaquie des Stastny est libre, la Lithuanie des Stanké est libre, même le Montenegro et le Kosovo sont libres. Mais le Québec à Pauline va nulle part (et à moins que je me trompe on s'achemine vers un balayage de Harper au Québec)
    Pour ce qui est des immigrants, rien ne nous oblige à leur donner le droit de vote lors d'un référendum national. Michel Vastel, immigrant intégré à notre société s'il en est!, a avoué ne pas avoir voté en 1995 parce que ça ne le regardait pas. Si tous les immigrants avaient fait pareil, le Québec serait libre aujourd'hui.
    Mais évidemment le PQ, qui soutient un discours de nationalisme civique, ne le fera jamais. Ce qui veut dire qu'on ne sera jamais indépendant? Cocus contents?

  • Archives de Vigile Répondre

    3 septembre 2008

    Quant aux Anglo-Québécois descendant des conquérants, ils sont nés dans ce que leurs ancêtres considéraient au départ comme une colonie, englobée plus tard dans un État anglais à défaut d’en assimiler les habitants d’origine.
    Merci pour cette réponse claire. J'en conclus qu'il aurait fallu que la Nouvelle-France fasse son indépendance vis-à-vis de la France avant 1760… La seconde occasion aurait été en 1837, si la revendication principale (un gouvernement responsable pour la colonie, si je ne me trompe) avait évolué vers l'indépendance politique vis-à-vis l'Angleterre. Puisqu'on dit Jamais deux sans trois, la colonie française devenue colonie britannique puis province canadienne a épuisé ses trois essais.
     

  • Raymond Poulin Répondre

    3 septembre 2008

    Tentative de réponse à Gilles.
    Avant l'exécution du pacte germano-soviétique, l'Estonie était déjà un État indépendant. Il aurait été un peu gênant, pour ses Russes qui n'y habitaient que depuis cette prise de force, de prétendre que l'Estonie faisait “naturellement partie” de la Russie. Ici, c'est un peu plus compliqué: les immigrants reçoivent la citoyenneté canadienne et habitent une de ses provinces, pas un État “de jure”, ni maintenant ni avant. Quant aux Anglo-Québécois descendant des conquérants, ils sont nés dans ce que leurs ancêtres considéraient au départ comme une colonie, englobée plus tard dans un État anglais à défaut d'en assimiler les habitants d'origine. Pour la plupart, leur loyauté n'a jamais été québécoise mais canadienne. Leur expliquer notre situation est une chose, les convaincre en est une autre. Nous devrons “faire avec”. Pour atteindre une majorité, par exemple, de 55%, il nous faudra le vote de 60% des Québécois dits de souche et des Québécois d'adoption, ou 70% des Québécois français. C'est ce qui désespère beaucoup d'indépendantistes, on peut le comprendre, mais comment modifier cette réalité? Quelqu'un a une réponse? Il y a celle du P.I.: un vote de l'Assemblée nationale et non de la population. À la limite, c'est peut-être jouable, mais tout dépendra alors du contexte international au moment où nous le ferions, ce que nous n'avons pas la possibilité d'ignorer: le Québec n'est pas les USA...

  • Archives de Vigile Répondre

    2 septembre 2008

    @ Jacques Noël

    Nous ne somme pas sensés répondre à un autre commentateur, mais je suis d'accord, nous n'avons pas la même conception de la démocratie que les Estoniens, surtout que les membres de nos minorités à nous parlent français pour la plupart. Je me faisais une remarque à laquelle je n'ai pas trouvé de réponse, cependant : les Russes d'Estonie ne niaient pas l'existence de l'Estonie, tandis que plusieurs minoritaires réagissent, ici, en disant que nous sommes « au Canada ». Peut que Raymond Poulin pourrait m'éclairer à ce sujet.

  • Archives de Vigile Répondre

    2 septembre 2008

    En Estonie y'ont trouvé le truc: les Russes n'avaient pas le droit de vote. En fait ils ont exigé que pour voter fallait parler estonien. Comme la grande majorité des Russes, présents depuis 50 ans dans le pays, ne s'étaient jamais donné la peine de l'apprendre, ils n'ont pas eu le droit de vote.
    Personne n'a déchiré sa chemise aux Nations-Unies et le Canada l'a reconnu, les deux doigts dans le nez.
    Bonne chance au PQ le jour où il va s'inspirer des Estoniens...

  • Archives de Vigile Répondre

    31 août 2008

    « ...dans cinq, sept ans, l’indépendance du Québec ne sera mathématiquement plus possible à réaliser »
    Je ne suis pas si certain ; l'Estonie a fait son indépendance (en 1991) bien que 30% de la population ait été d'origine Russe, plus 3% d'origine Ukrainienne et 2% d'origine Biélorusse, soit 35% qui étaient réputés s'opposer en principe à l'indépendance. Le Québec compte 79% de francophones et 8% d'anglophones (réputés opposés par principe à l'indépendance) et 12% de citoyens dits allophones, par comparaison.

  • Archives de Vigile Répondre

    31 août 2008

    D'accord avec vous M. Poulin sut tout le ligne ou...toutes les lignes.
    Selon moi, la chance est que la souveraineté du Québec avec ou sans association et/ou partenariat ou confédération va se passer avec le PQ, avec ou sans Mme Marois ou ne se fera pas.
    Hâte de voir comment l'ADQ va évoluer suite aux désatreux derniers sondages pour eux. Ils vont résister ou s'effondrer ? Changer leur option constitutionnelle ou mettre de l'avant leur autonomie qui a vraiment besoin de précision ? Cesser de critiquer le PQ pour mieux s'attaquer au gouvernement Libéral très provincial ou tenter une entente électorale avec le PQ ?