Le premier ministre du Québec : "Il faut protéger notre culture"

D48f35385f962a3f56f4d39f787ed41e

Québec 400e - vu de l'étranger



Le premier ministre français, François Fillon, devait arriver, jeudi 3 juillet à Québec, après un bref détour par Ottawa, pour l'ouverture des cérémonies marquant le 400e anniversaire de la fondation de la ville par Samuel de Champlain. La France et le Québec préparent un accord sur la mobilité de la main-d'oeuvre tandis que l'Union européenne et le Canada vont lancer des négociations sur un partenariat de libre-échange.

Fervent défenseur de la Belle Province mais fédéraliste
Premier ministre du Québec depuis 2003, Jean Charest a commencé sa carrière politique dans le Parti conservateur fédéral, à l'ombre du chef du gouvernement Brian Mulroney. En 1986 - il n'a alors que 28 ans -, il devient le benjamin du gouvernement au poste de ministre de la jeunesse. Il détient plusieurs portefeuilles ministériels avant de devenir, en 1993, chef du Parti conservateur du Canada. Il doit alors reconstruire le parti qui vient de subir une défaite cuisante aux élections.
Alors que le Parti québécois est toujours au pouvoir dans la province bien qu'il ait perdu le référendum sur la souveraineté en 1995, le Parti libéral québécois (indépendant du Parti libéral fédéral) se cherche un chef. Il le trouve en la personne de Jean Charest. Ce Québécois originaire de Sherbrooke, bilingue, ramène les libéraux au pouvoir à Québec en 2003, après neuf ans de règne péquiste.
Partisan du fédéralisme, il n'en poursuit pas moins la politique consistant, pour le Québec, à tirer, sur la scène internationale, tout le parti possible de ses pouvoirs provinciaux.
Aux élections de 2007, le Parti libéral perd la majorité absolue mais Jean Charest reste premier ministre. La donne a changé. L'opposition officielle n'est plus représentée par le Parti québécois mais par l'Alliance démocratique du Québec, qui l'a devancé. Pour la première fois dans l'histoire du Québec, M. Charest forme un gouvernement dans lequel la parité hommes-femmes est respectée.

Paris et Québec entretiennent des relations que vous qualifiez de "matures". Cette maturité est-elle liée à un apaisement entre le Québec et Ottawa ?
Ce sont deux choses indépendantes. Cette maturité prend racine dans ce que la France et le Québec font ensemble, dans tous les domaines. Cette relation profonde, qui n'a jamais été aussi bonne, n'est pas exclusive : on ne s'offusque pas du tout des relations entre la France et le Canada.
Deux projets importants sont en marche. L'un est une entente bilatérale entre la France et le Québec sur la mobilité professionnelle et la reconnaissance des qualifications : on signera un accord cadre début octobre, lors de la visite de Nicolas Sarkozy à Québec, juste avant le sommet de la francophonie. Une douzaine de professions devraient être prêtes à conclure cet accord d'ici là. Cette entente spécifique sera une première mondiale, à porter au crédit de deux sociétés francophones.
L'autre projet concerne l'UE et le Canada, qui devraient annoncer, à l'issue de leur prochain sommet organisé aussi à Québec début octobre, l'ouverture de négociations sur un accord transatlantique de partenariat. La France et le Québec sont en première ligne et en seront les premiers bénéficiaires.
Pourquoi l'UE signerait-elle une entente avec le Canada, qui pèse 3 % de l'économie mondiale ?
On est 7,7 millions au Québec, 33 millions au Canada. Personne ne se lève en effet le matin en voulant un accord avec le Canada. Quel est l'intérêt des Européens ? Les pays qui souhaitent un rapprochement stratégique avec les Américains ont la possibilité de sceller une entente avec le Canada, qui partage les mêmes valeurs qu'eux, en partie différentes de celles des Etats-Unis. Cette entente pourrait plus tard inclure les Américains. Les pays européens qui ont des sentiments mitigés envers les Américains peuvent se dire : négocions avec le Canada, un pays qui n'est pas allé en Irak, qui s'est battu à nos côtés, à l'Unesco notamment, pour protéger les identités et la culture de chacun. Si les Etats-Unis veulent en faire partie - ce qui, je pense, sera le cas -, on aura établi les règles du jeu avant même le début des négociations.
Avez-vous convaincu le gouvernement fédéral de l'utilité de ces négociations ou est-ce l'inverse ?
J'ai été le premier à soulever l'idée. Une négociation avec l'UE engagée en 2000 sur les investissements n'allait nulle part. Après la suspension des négociations dans le cadre de l'OMC, Peter Mandelson, le commissaire européen au commerce, a suggéré à l'UE de négocier des ententes bilatérales avec les économies émergentes. On s'est dit que ces ententes pouvaient ne pas être limitées à ces pays.
Avec les fêtes du 400e anniversaire, le sommet Canada-UE, le sommet de la francophonie, diriez-vous que le Québec connaît une espèce de consécration internationale ?
On est très fiers de ce qu'on a réalisé. On a une histoire assez unique à raconter, celle d'un peuple qui a survécu en Amérique du Nord. On va se vanter un peu en 2008, bien que ce ne soit pas dans notre façon de faire.
Qu'est-ce qui différencie le Québec ? On a une population restreinte, il nous faut travailler pour continuer de protéger notre langue et notre culture ; il nous faut nouer des alliances. Aujourd'hui, on a beaucoup trop d'oeufs dans le même panier. Le multilatéralisme est vraiment une voie d'avenir pour nous et on compte beaucoup sur la France.
Quand le premier ministre canadien dit en Australie "Le Canada est né en français", comment réagissez-vous ?
Quand M. Harper prononce ces mots, il envoie un signal important aux Québécois : il reconnaît que le fait français est un fondement de notre pays.
Propos recueillis par Martine Jacot et Daniel Vernet
Cliquez ici pour retrouver l'intégralité de l'entretien avec Jean Charest, premier ministre du Québec.


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé