Le festival des contradictions

Dommage qu'Ottawa ait décidé de réduire le financement des festivals, parce qu'il y en a tout un depuis jeudi à l'Assemblée nationale: le festival des contradictions.

Sortie de crise

Qu'il se fasse de la politique autour de l'adoption ou du rejet du budget d'un gouvernement minoritaire, rien de plus normal. Mais les trois partis qui s'affrontent depuis deux jours dans une joute de «mon père est plus fort que le tien» vont avoir du mal à démêler leurs positions et leurs contradictions si jamais leur entêtement devait nous conduire à une nouvelle campagne électorale.
Toute cette crise politique repose sur une énorme contradiction: depuis des années, Jean Charest a mené le front provincial et le consensus québécois contre le déséquilibre fiscal, affirmant que les besoins sont dans les provinces et l'argent à Ottawa. Et que fait-il le jour où il reçoit enfin des fonds supplémentaires d'Ottawa? Il met le magot sur les baisses d'impôts plutôt que sur les besoins primaires (santé et éducation).
Au lendemain du scrutin, Jean Charest a affirmé que l'élection d'un gouvernement minoritaire affaiblissait le Québec sur la scène canadienne. En fait, c'est lui qui affaiblit radicalement le pouvoir de négociation du Québec en détournant pour des baisses d'impôts l'argent qu'il réclamait à grands cris pour la santé.
Autre contradiction: la ministre des Finances, Monique Jérôme-Forget, se défend en disant qu'il n'y a pas de bon moment pour baisser les impôts. Curieuse défense. En fait, il y a un bon moment pour qu'un gouvernement renonce à des revenus, et c'est quand il en a les moyens. Or le Québec n'en a pas les moyens.
Cette fixation de Jean Charest pour les baisses d'impôts le hante depuis qu'il a pris le pouvoir en 2003. Mauvaise priorité, mauvaise lecture de l'opinion publique. Si vous demandez aux Québécois s'ils veulent des baisses d'impôts, ils répondront oui, bien sûr. Mais si vous leur demandez si le financement des services publics passe avant la diminution des impôts, vous obtiendrez aussi un oui majoritaire.
Nous nous retrouvons donc devant un paradoxe distinctement québécois: le Québec est probablement le seul endroit au monde où un gouvernement risque de se faire renverser parce qu'il offre des baisses d'impôts aux contribuables.
Au chapitre des contradictions, le Parti québécois a aussi contribué à écrire quelques pages depuis 48 heures. Comme de dire que ce budget est totalement inacceptable après avoir dit qu'il le laisserait passer, tout ça par pur opportunisme politique.
Comme de dire, comme l'a fait François Gendron jeudi soir, que le Parti québécois a un programme électoral. Un programme? Lequel? Celui que Pauline Marois vient de renier? Celui qui prévoit un référendum le plus tôt possible dans un premier mandat et qui préconise le gel des droits de scolarité, deux éléments rejetés par la future cheffe?
Du côté de l'ADQ, les contradictions sont à l'honneur aussi. D'abord, que le parti le plus à droite de l'échiquier politique québécois s'oppose à des baisses d'impôts, voilà qui est en soi déroutant. Ce n'est pas tout: Mario Dumont rejette aussi des éléments de son propre programme, comme l'ouverture au secteur privé en santé, l'abolition de la taxe sur le capital et une gestion plus transparence de l'État.
Les médias ne sont pas à l'abri de quelques contradictions, disons-le franchement. Ainsi, certains commentateurs, qui reprochaient plus tôt cette semaine au gouvernement Charest de n'être qu'un pantin manipulé par l'opposition, lui reprochent maintenant de prendre des décisions sans elle. Faudrait savoir, non?
Où s'en va-t-on, maintenant? Vers d'autres élections, à moins que l'un des partis, ou deux d'entre eux, ne jettent du lest. La fin de semaine ramènera peut-être le gouvernement et l'opposition à de meilleurs sentiments.
Les échanges à l'Assemblée nationale, hier, sonnaient toutefois davantage comme des discours électoraux que comme des appels au calme et à la négociation. Même les ministres de Jean Charest, qui devaient, nous disait-on jeudi soir, tendre des branches d'olivier aux partis d'opposition, les ont plutôt traités d'irresponsables toute la journée.
Après avoir vu un Jean Charest aussi combatif, aussi inflexible, hier matin au Salon bleu, une question s'impose: le chef libéral aurait-il décidé de jouer son va-tout en ressautant dans l'arène électorale? Peut-être juge-t-il que c'est là sa dernière chance. S'il plie devant l'opposition, il sera encore plus affaibli et son parti accentuera peut-être les pressions pour qu'il parte avant la prochaine campagne. Mieux vaut peut-être alors tenter un grand coup, même si Jean Charest reste un chef très impopulaire, même si son parti traîne loin derrière dans l'électorat francophone.
Jean Charest a toujours été reconnu comme un excellent campaigner, mais il a connu en mars sa pire campagne, avec le résultat que l'on sait. Il regrette apparemment d'avoir trop écouté ses conseillers, de ne pas avoir suffisamment écouté ses instincts.
Chose rare en politique, Jean Charest a devant lui une chance de se reprendre, tout de suite. Il aurait dit à ses députés que les électeurs ne pardonneront pas aux partis d'opposition de les replonger dans des élections et de les priver de leurs baisses d'impôts.
M. Charest n'est pas seul à vouloir une deuxième chance. L'ADQ voudrait bien finir ce qu'elle a commencé lors de la dernière campagne, et le PQ croit avoir une occasion unique de reprendre avec Pauline Marois le terrain perdu avec André Boisclair.
Nous sommes peut-être à 200 ou 300 millions d'une entente mais, aussi absurde que cela puisse paraître, nous nous retrouverons en campagne électorale en plein mois de juillet si tous les partis restent campés sur leurs positions.
Ce scénario repose sur un calcul cynique des trois partis, qui jurent ne pas vouloir d'élections: que les Québécois en veuillent ou non, ils auront oublié la crise actuelle après 35 jours de campagne et il faudra bien qu'ils aillent élire un nouveau gouvernement.
Tout cela peut encore être évité. Déjà, hier soir sur RDI, Monique Jérôme-Forget et son critique adéquiste, Gilles Taillon, semblaient plus «parlables». Peut-être que la possibilité de se retrouver propulsé au pouvoir par décision du lieutenant-gouverneur commence à effrayer Mario Dumont au point où il serait prêt à sauver le gouvernement.
Les péquistes, eux, salivent déjà à l'idée de voir Mario et sa bande de recrues se retrouver au pouvoir. Ce serait, selon eux, la meilleure recette pour ramener le PQ au pouvoir à court terme.


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