Voici ce que M. Gendron disait le 10 mai: «Je suis sûr d'une chose, c'est que l'électorat ne veut pas d'une élection au mois de juin, indépendamment du budget.» Et il ajoutait: «On va être cohérents avec nos convictions. «...» Mais il arrive pour d'autres raisons où on n'est pas obligés d'associer notre attitude et ce qu'on va dire avec le vote.»
Et hier soir: «On ne peut pas faire autrement que de voter contre ce budget-là.»
C'est vrai qu'entre le 10 mai et maintenant, André Boisclair est parti du PQ et Pauline Marois est revenue triomphalement. Vrai aussi que les choses se sont améliorées passablement pour le PQ, au point où certains péquistes se sont même remis à rêver à une victoire.
Ajoutez à cela que traîne dans le paysage le rapport du juge Grenier sur Option Canada, qui sera déposé la semaine prochaine et qui pourrait éclabousser les libéraux, et vous avez l'explication de la poussée de testostérone du PQ.
Est-ce à dire que les députés du PQ vont vraiment défaire le gouvernement? Ce serait étonnant. Au poker, on appelle cela un bluff. Un gros bluff même. Le PQ, frustré par l'arrogance de ce budget pauvre en compromis, a décidé d'essayer de rétablir son rapport de force, qui était nul avant l'entrée en scène de Mme Marois.
Les libéraux ont accueilli la manoeuvre avec calme hier soir, précisant que plusieurs ministres feront ces prochains jours des annonces sectorielles qui ne sont pas détaillées dans le budget et qui pourraient fort bien satisfaire le PQ. Jetez un oeil aux sondages et vous conclurez que les libéraux n'ont pas du tout envie de se représenter devant l'électorat maintenant.
Avant de replonger le Québec en campagne électorale, le Parti québécois va devoir aussi considérer le facteur «écoeurement profond» de la population. Autrement dit, avant de jouer vraiment les kamikazes, le PQ doit s'assurer qu'il ne portera pas, aux yeux des Québécois, l'odieux d'avoir provoqué de nouvelles élections.
Le poker politique extrême, c'est bien grisant pour les chroniqueurs politiques; mais l'électeur moyen a un seuil de tolérance moins élevé aux rebondissements surréalistes. Si les Québécois ont élu un gouvernement minoritaire il y a deux mois demain, ce n'est pas par amour du chaos, mais bien parce qu'ils veulent que les trois partis s'entendent.
Si on retourne effectivement en campagne électorale, le PQ devra expliquer aux Québécois pourquoi maintenant. Parce qu'il y a des baisses d'impôts dans le budget? Beau défi en perspective. D'autant que les baisses d'impôts ne sont pas une surprise: Jean Charest les avait déjà annoncées dans son discours inaugural. Ne restait qu'à imprimer le chiffre exact.
Il est vrai, comme le disent l'ADQ et le PQ, que le gouvernement Charest a écrasé hier sans ménagement les pieds de l'opposition avec son budget. Selon toute vraisemblance, ce premier budget de Monique Jérôme-Forget sera aussi le dernier de ce gouvernement, et Jean Charest se dit sans doute qu'il est payant électoralement de baisser les impôts des contribuables.
Si Mme Jérôme-Forget a décidé d'enfoncer les baisses d'impôts dans la gorge de l'opposition, c'est précisément parce qu'elle pense que le Parti québécois ne tentera pas un coup de force.
D'abord parce que le PQ est endetté, désorganisé, qu'il n'a ni chef ni programme. Ensuite, parce que faire tomber le gouvernement maintenant signifierait de nouvelles élections quatre mois après les précédentes et, ô joie! une campagne électorale en plein mois de juillet. Parlez-en à Daniel Johnson, qui en a déclenché une à l'été 1994: les terrains de camping ne sont pas les endroits les plus propices aux campagnes électorales.
Enfin, cela voudrait dire que les libéraux pourraient faire campagne en expliquant que l'ADQ et le PQ refusent aux familles une baisse d'impôt qui pourrait atteindre près de 2000$. Tout ça pour se lancer vers un nouveau scrutin, qui coûtera encore une dois des dizaines de millions, sans aucune garantie, loin de là, de victoire. C'est pas winner, comme disent les ados.
Forcer une élection maintenant, ce serait faire un beau cadeau à Mario Dumont. Voyez un peu: Jean Charest qui est incapable de survivre trois mois et le PQ qui précipite de nouvelles élections, du bonbon pour Mario qui pourrait passer cinq semaines à dire que tout ça, c'est de la faute des «vieux partis».
L'ADQ serait responsable aussi, puisqu'elle votera contre le budget. La différence, toutefois, c'est que Mario Dumont a dit dès le lendemain des élections qu'il rejetterait le budget libéral, que cela est le rôle de l'opposition officielle. Et puis Mario Dumont pourrait reprendre la campagne là où il a laissé le 26 mars avec, en prime, l'image du chef politique qui a forcé le gouvernement Charest a agir dans le dossier de la STM, dans celui de l'ouverture au privé en santé, pour les bulletins chiffrés ou pour les personnes âgées.
Il semble que Pauline Marois ne soit pas du tout vendue à l'idée de partir en campagne cet été, loin de là. Le PQ, alors, n'aura vraisemblablement d'autre choix que de s'abstenir lors du vote sur le budget, ce qui permettrait au gouvernement de survivre sans compter sur son appui formel. Le PQ pourrait toujours dire: nous ne sommes pas irresponsables, nous n'imposerons pas de nouvelles élections aux Québec, mais nous ne sommes pas cyniques au point de cautionner la manoeuvre des libéraux.
Reste que le PQ a mal joué ses cartes depuis le début. Il aurait mieux valu annoncer rapidement ses couleurs, avant l'ADQ, en disant qu'il n'appuierait pas le budget si le gouvernement s'obstinait avec ses baisses d'impôts. Cela aurait forcé la main de Jean Charest, qui ne veut pas d'élections lui non plus, et celle de Mario Dumont, à qui serait revenu l'odieux de défaire le gouvernement. Mais bon, le PQ était occupé à éjecter son chef, notamment, ce qui laissait peu de temps pour autre chose.
Je te tiens, tu me tiens, par la barbichette
D'abord, les vraies affaires, comme dirait Mario Dumont: le gouvernement Charest survira-t-il à son premier budget? Ça dépend maintenant du PQ et ça dépend même du moment où vous posez la question à son chef intérimaire, François Gendron.
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