Dans la crise qui a secoué l'Assemblée nationale, les deux partis de l'opposition ont dénoncé le budget parce qu'il proposait des baisses d'impôts importantes, et surtout parce que ces baisses d'impôts favorisaient davantage les riches.
Le chef de l'ADQ, Mario Dumont a affirmé, avec des calculs douteux, que seulement 15% des familles, les plus riches, seraient gagnantes et que ce budget ne s'adressait pas aux classes moyennes. Même refrain du côté du PQ. Son critique en matière de finances, François Legault, est même allé plus loin en tentant de réécrire le budget de Monique Jérôme-Forget pour qu'il soit moins généreux pour les Québécois dont les revenus dépassent 75 000$.
Il est certain que c'est politiquement rentable de défendre les classes moyennes et de dénoncer les cadeaux pour les riches. Mais il y a des raisons pour lesquelles les baisses d'impôts favorisent aussi les riches. S'ils étaient au pouvoir, le PQ et l'ADQ feraient seraient incapables de faire autrement. Pour trois raisons.
La première est arithmétique. Les gens qui gagnent plus d'argent paient beaucoup plus d'impôts. Quelqu'un qui touche 25 000$ paiera 1611$ à Québec. Si son revenu double, à 50 000$, sa facture fiscale quadruplera, à 6617$. Et si son revenu est quatre fois plus élevé, à 100 000$, il paiera 11 fois plus d'impôt, à 18 186$. Il est donc un peu normal que, lorsque les impôts baissent, la réduction, en dollars, soit plus élevée pour ceux qui paient davantage. Pour vérifier si les baisses d'impôts sont équitables, il faut plutôt regarder quelle sera la baisse d'impôts, en pourcentage, pour chaque catégorie de revenu.
D'ailleurs, la future leader du PQ, Pauline Marois, lorsqu'elle était ministre des Finances, n'a pas pu éviter cet écueil. Son budget de 2001-2002 comportait de très importantes baisses d'impôts, 1,2 milliard par année, ce qui ne semblait indigner personne. La réduction d'impôt, de 538$ pour un revenu de 20 000$, bondissait à 3191$ pour un revenu de 125 000$! Vous avez bien lu. À cet égard, l'approche de Mme Jérôme-Forget semble plus social-démocrate, puisqu'à partir de 100 000$ de revenus, le cadeau fiscal est plafonné à 969$.
La seconde raison, qui convaincra moins de monde, est économique. Les baisses d'impôts ont eu tendance à favoriser les familles à plus faible revenu, pour améliorer leur pouvoir d'achat, ce qui est parfaitement normal. Le budget Séguin visait le bas de l'échelle. Les budgets Audet ont favorisé les 50 000$ et moins. Il faut aussi, un jour, s'occuper de ceux qui sont au-dessus de la moyenne. D'autant plus que c'est dans ces catégories de revenus que le fardeau fiscal excessif peut avoir des effets négatifs, sur l'incitation au travail, la mobilité professionnelle ou la capacité d'attraction du Québec.
Il y a une troisième raison, plus politique. Notre système fiscal est progressif, il exige bien davantage de ceux qui en ont les moyens. Il est plus progressif que celui des autres provinces tant et si bien que les Québécois dont les revenus sont inférieurs à 55 000$ paient moins que dans le reste du Canada. Et ceux dont les revenus dépassent ce seuil paient davantage. C'est très bien. Mais faut-il aller plus loin dans cette direction? Veut-on un régime fiscal encore plus progressif? À ma connaissance, seul Québec solidaire propose cela.
Et pourtant, quand on s'oppose au fait que les baisses d'impôts profitent aussi aux plus fortunés, comme le font l'ADQ et le PQ, c'est très exactement ce qui se produit. Le fardeau fiscal de ceux qui sont au-dessus de la moyenne devient, en proportion, encore plus lourd et notre régime devient encore plus progressif.
La proposition de François Legault de réduire les avantages fiscaux pour ceux qui gagnent plus de 75 000$ aurait pénalisé, en gros, 700 000 contribuables, à peu près le tiers de ceux qui paient des impôts. Pas seulement des millionnaires, mais des enseignants, des employés, des ouvriers. Est-ce que ce sera dans le programme du PQ? Bien sûr que non.
Le débat auquel nous avons eu droit n'était ni social ni fiscal ni économique. Il était politique. Il jouait sur les sentiments, il misait sur les réactions prévisibles des gens. Il y a un mot pour cela: le populisme. Une maladie politique où la gauche péquiste et la droite adéquiste se sont rencontrées. Ce populisme est un fléau, parce qu'avec des idées simplistes, mais populaires, on empêche les débats intelligents, on nourrit les préjugés, on encourage les réflexes primaires qui rendront encore plus difficiles les efforts pour remettre le Québec sur pied.
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