Disons-le de la façon la plus claire possible. Le budget déposé hier par le ministre canadien des Finances, Jim Flaherty, règle le dossier du déséquilibre fiscal.
Depuis des mois, le premier ministre Harper répétait qu'il résoudrait le problème. Une promesse accueillie avec un scepticisme palpable. Mais il a fait preuve dans ce dossier des mêmes talents qu'il a déployés ailleurs, la détermination et l'habileté politique. Et il a " livré la marchandise ".
Bien sûr, au Québec, on pourra se chicaner sur les chiffres, dire que ce n'est pas vraiment 4,1 milliards de plus que le Québec recevra en transferts d'ici l'an prochain, dire que ce n'est pas assez, trouver des façons d'affirmer que cela ne répond pas aux "demandes" québécoises. Mais le fait est que les sommes additionnelles sont considérables, qu'elles se situent dans l'ordre de grandeur des besoins exprimés au Québec, et qu'elles proposent un cadre de financement stable, clair, prévisible et équitable.
Mais il y a beaucoup plus que les chiffres. Ce que propose ce budget, c'est une autre conception du fédéralisme, que M. Harper appelle le fédéralisme d'ouverture, qui représente un énorme virage dans la vie politique canadienne. Un virage qui aura une incidence dans les débats politiques au Québec, notamment dans cette dernière semaine de campagne, mais qui aura aussi un impact partout au Canada.
Il est assez évident que le premier ministre Harper regardait le Québec du coin de l'oeil quand il a préparé son budget, pour donner un coup de pouce à ses alliés non souverainistes, Jean Charest et Mario Dumont, et pour gagner des points dans ses propres élections, soit en obtenant des sièges additionnels au Québec, soit en montrant au reste du Canada qu'il peut améliorer la qualité des rapports avec le Québec.
Mais ces considérations font oublier que le budget Flaherty est d'abord et avant tout un budget canadien. Le déséquilibre fiscal affecte toutes les provinces et les correctifs du ministre améliorent le sort de toutes les provinces. Mais surtout, ce concept de fédéralisme d'ouverture n'est pas une invention concoctée pour satisfaire le Québec.
C'est une vision du Canada enracinée chez les conservateurs de M. Harper, héritiers de l'autonomisme albertain, l'expression de ce que l'on peut qualifier d'une approche provincialiste: les conservateurs se méfient du gouvernement central, ne croient pas qu'Ottawa a réponse à tout, croient que les provinces ont un rôle important à jouer, sans intrusions fédérales. Le transfert de ressources vers les provinces qu'annonce ce budget reflète cette philosophie.
Bien sûr, cette vision ne fait pas l'unanimité au Canada, notamment chez les libéraux fédéraux qui résistent encore, avec Stéphane Dion, à reconnaître l'existence même du déséquilibre fiscal.
Et c'est là qu'intervient la grande habilité du gouvernement Harper qui a réussi à formuler sa politique d'une façon qui désamorcera un grand nombre des résistances ailleurs au Canada. Il rassure l'Alberta et l'Ontario par le retour aux versements par habitant dans les transferts sociaux, il rassure les provinces productrices de pétrole, inquiètes de l'inclusion des revenus des ressources dans le calcul de la péréquation, avec une formule qui ne les pénalisera pas. Il prépare une initiative sur l'union économique pour rassurer ceux qui craignent qu'un transfert des ressources vers les provinces affaiblissent le Canada. Toutes ces mesures, très habiles, ai-deront le budget à tenir la route, et aideront M. Harper à faire triompher sa vision.
Au Québec, il est difficile de voir quel sera l'impact électoral de ce budget. On ne sait pas, par exemple, si ces centaines de millions de plus donneront, en soi, des ailes au premier ministre Charest, en ces derniers jours de campagne.
Mais ce budget fédéral envoie deux messages, qui peuvent avoir une influence majeure sur le débat. Le premier, c'est qu'il n'est pas vrai que le fédéralisme se dirige inexorablement vers la centralisation. Le Canada peut changer. Le se-cond, c'est que le discours souverainiste sur les rapports fiscaux fédéraux-provinciaux ne peut plus tenir la route.
La générosité du budget Flaherty est possible parce qu'Ottawa nage dans l'argent. Cette richesse ne peut pas venir du Québec, en plein ralentissement économique, mais plutôt des provinces riches, comme l'Alberta. D'ailleurs, le gros des gains du Québec, 2,8 sur un total de 4,1 milliards, provient de la péréquation qui, par définition, prend l'argent des pro-vinces riches pour le transférer aux provinces plus pauvres. Ce ne sont donc pas des cadeaux financés avec notre argent. Et ce sont des gains que le Québec perdrait au lendemain de la souveraineté, à moins, bien sûr, que l'Alberta et l'Ontario décident de donner un coup de pouce à leur nouveau voisin...
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