Par définition, le budget d'une administration publique comporte un volet politique et un volet financier.
Survenant à une semaine des élections générales au Québec, le deuxième budget Flaherty renferme un contenu largement suffisant pour alimenter les discussions politiques jusqu'au 26 mars. Il faut donc s'attendre à ce qu'il soit descendu en flammes par les uns, porté aux nues par les autres.
Pour y voir clair, cela vaut la peine de s'intéresser à la dimension financière du budget.
Le ministre Flaherty était tout fier d'annoncer, hier, que l'équilibre fiscal est maintenant rétabli au Canada. Dit-il vrai?
En très grande partie, oui.
C'est en 1998 que le gouvernement fédéral, après avoir frôlé le cul-de-sac financier, réussit à retrouver l'équilibre budgétaire. Ottawa y est notamment parvenu en sabrant ses transferts aux provinces. À partir de 1999, les transferts reprennent à la hausse, mais de façon inconséquente, voire anarchique. Ottawa négocie des ententes à la pièce avec les provinces, qui font figure de mendiantes. Le fédéral va même jusqu'à tripoter le régime de péréquation en concluant des ententes séparées avec certaines provinces. Pire : il se sert de ses surplus pour lancer de nouvelles dépenses, ne se gênant pas pour piétiner les champs de compétence provinciale. Tout ce chaos s'est produit sous les libéraux, qui ont par ailleurs toujours nié l'existence même du déséquilibre fiscal.
Par contraste, le chef conservateur Stephen Harper a reconnu depuis longtemps le déséquilibre fiscal, et a promis d'y mettre fin.
Sans aucune espèce de doute possible, le budget Flaherty est l'effort le plus important, le plus cohérent et le plus crédible jamais entrepris en ce sens.
L'ampleur des chiffres parle d'elle-même. Ottawa versera aux provinces des fonds supplémentaires de 39 milliards au cours des sept prochaines années.
Le Québec figure parmi les grands gagnants. Ainsi, uniquement au chapitre de la péréquation, le gouvernement québécois recevra cette année 700 millions de plus que prévu. Si on ajoute d'autres augmentations dans les transferts sociaux, la manne frisera le milliard, de quoi effacer le trou, précisément d'un milliard, où se trouvent les finances publiques québécoises. Ce n'est pas tout. Il était déjà prévu que le Québec reçoive, en 2007-2008, plus d'un milliard de péréquation de plus que l'an dernier.
Concrètement, cela signifie que le Québec, cette année, recevra 15,2 milliards en transferts fédéraux, contre 12,2 milliards il y a deux ans, lors de l'élection du gouvernement Harper. L'an prochain, ce montant passera à 16,3 milliards, ce qui signifie 4,1 milliards de plus qu'en 2005.
En 1993-1994, juste avant les grandes compressions, les transferts fédéraux au Québec atteignaient 9,5 milliards. Cinq ans plus tard, au plus creux de la crise, ce montant était descendu à 8,2 milliards. En 2007-2008, comme on vient de le voir, il bondira à 15,2 milliards. Autrement dit, les transferts fédéraux au Québec, l'an prochain, dépasseront de 60 % le montant d'avant les compressions. Même en tenant compte de l'inflation, il est clair que le rattrapage est amplement terminé.
En tout, les transferts aux provinces augmenteront de 10,1 milliards entre 2005 et 2008. Avec 4,1 milliards, le Québec rafle le part du lion, mais il y en a pour tout le monde y compris les riches provinces de l'Ontario (2,7 milliards) et de l'Alberta (un milliard).
Le budget Flaherty est également remarquable pour sa cohérence. Manifestement, dans le dossier du déséquilibre fiscal, le gouvernement Harper sait où il va.
Premier point fort: M. Flaherty accueille favorablement les recommandations du Groupe de travail sur la péréquation. Son budget introduit une réforme en profondeur dans ce dossier. Il était plus que temps. Avec les années, le système canadien de péréquation est devenu compliqué, opaque, instable, injuste, capricieux et pratiquement ingérable. Personne, avant ce budget, n'avait eu le courage de s'y attaquer. Le budget apporte des correctifs importants. Le calcul de la péréquation est simplifié. Il tiendra compte de la capacité fiscale de l'Alberta (qui était exclue du calcul auparavant). Dans la vraie vie, pour une province comme le Québec, cela signifie des paiements plus élevés et plus stables. Désormais, la seule façon pour le Québec de recevoir moins de péréquation sera de créer plus de richesse! M. Flaherty n'aurait accompli que cette réforme qu'il mériterait une médaille.
D'autre part, les hausses de transferts annoncés hier ne sont pas ponctuelles, mais récurrentes, c 'est-à-dire qu'elles se prolongent année après année, en augmentant continuellement. Ainsi, la contribution fédérale au financement de la santé et des programmes sociaux sera augmentée de 937 millions cette année, 1,7 milliard l'an prochain, 2,1 milliards en 2009, et ainsi de suite jusqu'en 2013, pour un total de 16,3 milliards additionnels en sept ans.
Enfin et surtout, il y a dans tout ce budget une nouvelle vision des relations fédérales-provinciales. Ottawa reconnaît que les provinces, ça existe, qu'elles ont un rôle important à jouer, et qu'elles doivent disposer des moyens pour cela. C'est ce qui transpire presque à chaque ligne.
En ce sens, ce budget est certainement l'un des plus stimulants des 20 dernières années.
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