Le mythe des quêteux (suite)

Péréquation - Fédéralisme rentable au bout de ses promesses



(Montréal) La semaine dernière, j'écrivais dans cette chronique que l'image du Québec, comme province de quêteux vivant aux crochets des autres provinces, image largement répandue au Canada anglais, n'est qu'un mythe.
Pour cela, je me basais sur des chiffres publiés par l'Institut de la statistique du Québec (ISQ), et comparant le niveau de dépendance des provinces à l'égard du fédéral. Ainsi, toutes provinces confondues, les transferts fédéraux représentent, en moyenne, 23% des revenus budgétaires des provinces. Le chiffre correspondant pour le Québec ressort à 25%, comparativement à 22% pour l'Ontario. Évidemment, les provinces riches reçoivent beaucoup moins de transferts (15% des recettes budgétaires en Alberta), tandis que les pauvres en reçoivent plus (43% à l'Île-du-Prince-Édouard, 93% au Nunavut). Dans ces conditions, on ne peut certainement pas accuser le Québec de «quêter».
[Cette chronique->38954] m'a valu un très abondant courrier. Vous êtes nombreux à vouloir en savoir plus.
La question qui revient le plus souvent: quel portrait obtiendrait-on si ces données étaient ramenées sur une base par habitant? Bonne question, en effet. Cela pourrait donner une idée plus précise du niveau de dépendance des provinces. En moyenne, au Canada, les transferts fédéraux aux provinces atteignent 1991$. Les Québécois reçoivent un peu moins que la moyenne (1945$), mais sensiblement plus que les Ontariens (1732$). Ce sont les Albertains qui sont les moins choyés (1409$) tandis que les transferts par habitant grimpent à 3012$ au Manitoba, à 4364$ à l'Île-du-Prince-Édouard et à un stratosphérique 35 485$ au Nunavut. Absolument rien, dans ces chiffres, ne permet de conclure que le Québec vit aux crochets du reste du Canada.
Par ailleurs, plusieurs d'entre vous font remarquer que le Québec ne comptabilise pas ses revenus de la même façon que les autres provinces. Est-ce que cela pourrait fausser le calcul? La réponse est oui.
Les chiffres de l'ISQ sont basés sur les documents budgétaires des provinces. Dans le dernier budget québécois, il est écrit que les transferts fédéraux sont de 15,5 milliards de dollars en 2010-2011. C'est exactement le chiffre repris par l'ISQ. Or, il se trouve que le Québec a reçu 2 milliards de plus. Il s'agit essentiellement de fonds spéciaux et de comptes à fin déterminée (financement ponctuel des infrastructures et du logement social, entre autres). L'Ontario, de son côté, a reçu 23 milliards de transferts fédéraux, et c'est bien cette somme qui apparaît dans les documents budgétaires ontariens. C'est également ce chiffre que cite l'ISQ. Mais cette somme, contrairement au Québec, inclut tous les transferts. Il faut donc raffiner le portrait pour comparer les pommes avec les pommes.
Autrement dit, si le Québec présentait ses états financiers de la même façon que l'Ontario, il recevrait non plus 1945$ par habitant en transferts fédéraux, mais 2206$, et c'est ce dernier chiffre qui doit être considéré comme exact. La différence est de 13%, ce qui n'est pas rien, mais demeure largement insuffisante pour accuser le gouvernement québécois de quêteux quand on regarde les sommes versées ailleurs. En attendant, le Québec serait bien inspiré d'appliquer des principes comptables aussi transparents qu'en Ontario.
Une autre question qui revient fréquemment dans vos lettres concerne les dépenses et les recettes du fédéral par province, toujours sur une base par habitant. L'exercice permettra en effet de fournir un portrait encore plus détaillé, mais, en fin de compte, on n'y verra que la confirmation d'une chose que tout le monde sait déjà: les provinces riches paient pour les provinces pauvres.
Sur ce sujet, les données les plus récentes de l'ISQ ont deux ans de décalage. Voici ce qu'elles nous apprennent. Le gouvernement fédéral dépense, dans tout le Canada, 6164$ par habitant (tous les chiffres qui suivent sont exprimés sur une base par habitant). Cette somme comprend le total des dépenses courantes, moins les intérêts sur la dette publique. Au Québec, les dépenses fédérales se situent à 6062$, à quelques poussières près en plein dans la moyenne canadienne. Comme on s'en doute, les dépenses sont moins élevées dans les provinces riches qui reçoivent pas ou peu de péréquation (5217$ en Ontario, 4334$ en Alberta), mais dépassent largement celles du Québec ailleurs (8881$ au Manitoba, 11 368$ en moyenne dans les Maritimes). Encore ici, on ne peut certainement pas prétendre que le Québec fait particulièrement figure d'enfant gâté.
Au chapitre des revenus, par contre, les écarts sont plus importants. Les recettes totales du gouvernement fédéral, dans l'ensemble du Canada, se situent à 7013$ par habitant. Ce total inclut l'impôt des particuliers et des sociétés, la taxe de vente, les droits d'accise et de douanes, les redevances diverses. Les recettes du fédéral au Québec sont de 5373$, un écart de 23% avec la moyenne canadienne. En Ontario, le chiffre correspondant est de 7232$. Ces chiffres reflètent certes le fait que les Québécois sont moins riches que les autres Canadiens, et paient donc moins d'impôts. Mais de là à les traiter de quêteux...


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